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Partie II.  État de l’art

2.  Étude des structures de combustion

2.4.  Géochimie organique et structures de combustion

Les analyses en géochimie organique sont relativement peu répandues en ce qui concerne l’étude des structures de combustion, malgré un potentiel précocement mis en évidence (Olive et Taborin, 1989). Les premiers travaux ont été menés par Rottländer dans les années 1980 en utilisant uniquement la chromatographie (GC et TLC). Ce faisant, il a mis en évidence la conservation de lipides, interprétés comme étant de la graisse d’origine animale, dans plusieurs niveaux de sols et foyers paléolithiques (Tautavel, Lommersum et GeissenKlösterle ; Rottländer, 1983 et 1989). L’identification spécifique se base sur une approche comparative avec des références actuelles et archéologiques d’origines connues. Toutefois, peu de cas est fait de la question de potentiels mélanges et les considérations taphonomiques sont peu développées.

March pose un second jalon en se consacrant beaucoup plus spécifiquement au cas des foyers qu’il propose d’aborder, entre autres, par le regard de la chimie organique. Il analyse par CG-SM un nombre important de prélèvements archéologiques (March et al., 1989 ; March, 1995) provenant de plusieurs sites archéologiques, dont Pincevent, Etiolles et Fontgrasses pour la France. L’interprétation des données se fait là aussi à partir de références d’origines connues, mais issues, entre autres, de travaux expérimentaux (Figure II.11). Elle implique de plus la prise en compte des rapports entre différents acides gras et différents alcanes. March introduit également dans son analyse le recours à différents outils statistiques afin de préciser d’une part la dégradation des groupes de composés (CPI des alcanes et des acides gras, cf. Partie III.3.3.2) et d’autre part d’objectiver les comparaisons entre les échantillons archéologiques et avec les données expérimentales (analyses factorielles et recherche des plus proches voisins par exemple ; Figure II.11C).

Ces recherches lui permettent de mettre en évidence différentes catégories fonctionnelles de structures de combustion à partir de leur contenu organique, ces catégories illustrant parfois des décalages avec les hypothèses basées sur la morphologie ou le mobilier associés. Pour Etiolles par exemple, l’étude de 6 foyers met en évidence une importante diversité en termes de contenu lipidique. Certains livrent à la fois des graisses animales et de déchets de combustible (foyers G13, N26 et N20), d’autres uniquement des graisses animales (S25) tandis que d’autres ont uniquement montré des déchets de combustible végétaux (O16 et J18). Cette variabilité, difficilement perceptible par l’analyse formelle des structures, implique selon l’auteur une importante diversité fonctionnelle des foyers de ce site (March, 1995).

Figure II.11: Exemples de résultats géochimiques obtenus pour les foyers d’Etiolles et croisement avec les données expérimentales (d’après March, 1995 ; modifié).

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Par la suite, différents travaux se sont penchés sur la MO dans les soles, mais également dans les pierres qui structurent ou sont utilisées avec les foyers (Buonasera, 2005 ; March et al., 2006 et 2008 ; Lucquin, 2007 ; Kedrowski et al., 2009 ; Hérisson, 2012 ; Sistiaga Gutiérrez et al., 2010 ; Azemard et al., 2013 ; Hérisson et al., 2013 ; March, 2013). La prise en compte progressive de la modification du signal chimique par le biais combiné de l’action de l’homme (mélange, chauffe) et de la taphonomie tend à rendre l’interprétation délicate, mais ce problème est commun à toute la chimie archéologique (Barnard et al., 2007). Il n’en demeure pas moins que ces différents travaux ont permis de mettre en avant la conservation de MO provenant à la fois du fonctionnement (e.g. combustibles), mais aussi de l’utilisation (e.g. résidus « alimentaires ») dans ces structures de combustion. L’essentiel de ces travaux repose toujours essentiellement sur l’étude des distributions d’acides gras et d’alcanes, mais la prise en compte de biomarqueurs plus spécifiques (e.g. stérols, terpènes) a permis dans certains cas de préciser les hypothèses quant à l’origine des lipides étudiés. L’étude récente des foyers du site Paléolithique moyen de Therdonne (Oise ; Hérisson, 2012, Hérisson et al., 2013) constitue à ce titre un bon exemple des démarches actuelles, en France tout du moins. L’étude d’échantillons archéologiques, avec l’appui d’un référentiel expérimental, a permis aux auteurs de mettre évidence l’utilisation de bois de conifère comme combustible tandis que du point de vue fonctionnel la détection de plusieurs indices de matières d’origines animales oriente les interprétations vers la cuisson de viande.

Dernièrement, les recherches dans le domaine des matières organiques associées aux structures de combustion ont bénéficié de l’apport des techniques isotopiques, δ13C, mais aussi δ15N, sur du bulk (Heron et al., 2010), sur des composés spécifiques (March, 2013 ; Buonasera et al., 2015) ou sur les deux (Choy et al., 2016 ; Figure II.12). Dans leur étude, Choy et collaborateurs (2016) mettent en œuvre ce type d’analyse afin de préciser les différentes sources de la MO retrouvée dans 17 foyers alaskiens (datés entre 13200 et 11500 cal. BP et répartis en trois ensembles : Comp. 1, 2 et 3). Les résultats obtenus sont croisés avec un référentiel actualiste (Figure II.12: 1 et 2) et les données archéozoologiques, ce qui a notamment permis de mettre en évidence l’importance de la contribution du saumon migrateur (le site est situé à plus de 1000km des côtes). Un traitement statistique (modélisation bayésienne ; Figure II.12: 3) leur a par ailleurs permis de suivre les variations de cette exploitation sur le plan diachronique (seuls les deux ensembles les plus récents montrent une importante contribution de saumon) et sur le plan synchronique (probable spécialisation dans ce domaine de l’Area 1 de l’ensemble Comp. 3).

Figure II.12: Résultats de l’analyse isotopique des foyers du site Upward Sun River (USR ; Alaska) et comparaison avec les données de plusieurs groupes d’animaux actuels (AB : oiseaux marins, FF : poissons d’eau douce, SA : saumon, TA : animaux terrestres ; d’après Choy et al., 2016, modifié). 1/ analyse isotopique 13C et δ15N) de tous les lipides extraits (bulk ; EA-IRMS). 2/ analyse isotopique (δ13C16:0 et δ13C18:0) sur les deux principaux acides gras extraits (compound specific ; GC-C-IRMS). 3/ Modèle bayésien (SIAR) pour évaluer la contribution des différentes sources de MO dans chaque foyer.

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