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Partie IV.  Référentiel expérimental

3.  Étude micromorphologique des structures expérimentales

3.2.  L’encaissant des expérimentations

L’encaissant sédimentaire de toutes nos expérimentations correspond à la formation SJ (Sables Jaunes) définie par F. Sellami à l’occasion de la reprise des fouilles du site de Régismont-le-Haut (Sellami in Rapport RGT 2000). Il s’agit donc du même encaissant que celui des structures archéologiques (cf. Partie V.3.1). Si sur le terrain il s’agit d’une formation relativement homogène (sables limoneux à rares passées graveleuses), d’un point de vue micromorphologique il existe au sein de cette formation une certaine variabilité (Sellami in Rapports RGT 2000-2004 ; Lejay, 2012). Dans les échantillons expérimentaux retenus, il a ainsi été observé deux expressions différentes de la formation SJ. Leurs caractéristiques propres sont présentées dans un premier temps avant de discuter leurs natures et leurs relations.

3.2.1. SJ « Classique »

Il s’agit du type le plus répandu au sein des différents échantillons documentant la formation SJ.

• Microstructure et assemblage

Ce faciès est relativement massif (Figure IV.39a) avec une macroporosité dominée par des chenaux. Des vides planaires sont quelquefois présents. La microporosité liée aux vides d’entassement peut y être abondante dans certaines zones en fonction de la texture. L’organisation texturale est de type porphyrique (Figure IV.39a et b) avec localement des assemblages moniques et/ou enauliques.

• Constituants

La fraction grossière est dominée par des sables très fins à fins de quartz (50-200µm ; Figure IV.39b) avec quelques rares éléments grossiers aléatoires. Ces sables sont de formes arrondies à subarrondies, généralement bien triés et ne présentent que peu de traces d’altération (fracturations linéaires irrégulières peu prononcées). De rares paillettes de mica sont observées dans la même gamme granulométrique. Des éléments plus grossiers sont également présents, mais en bien moins grande proportion. Il s’agit le plus souvent d’éléments calcaires dont la nature évoque les formations proches (calcaire coquillier notamment ; Figure IV.39c). Il peut également s’agir de nodules carbonatés en position secondaire ou de bioclastes liés aux formations fossilifères locales. Ces éléments sont de dimension variable, allant généralement des sables moyens (> 500µm) aux petits graviers (< 6mm), et présentent des formes arrondies à subarrondies.

La fraction fine est argilolimoneuse carbonatée. Elle est brun clair à grise en PPL et jaune pâle en OIL (Figure IV.39b). Elle se caractérise par une b-fabrique de type cristallique indifférenciée et calcitique. Des inclusions de petites particules opaques (< 100µm) mettent en évidence la présence de MO amorphe partiellement minéralisée intégrée au sein de la micromasse.

• Traits pédologiques

Les traits observés dans ce faciès sont de deux types : biologique et calcitique.

Les premiers sont marqués par le creusement et le comblement de chenaux dans la masse du sol. (Figure IV.40a et b). Les dimensions des chenaux sont variables (de moins d’un millimètre à parfois plus d’un centimètre) de même que les déjections qui les comblent (ellipsoïdes de quelques

centaines de µm à plusieurs mm de diamètre ; Figure IV.40). L’organisation du comblement des chenaux est très hétérogène d’un cas à l’autre, on observe ainsi à la fois des pelotes de déjection plus ou moins entassées et désagrégées, mais aussi parfois de chenaux complètement comblés de sédiments structurés en arc (« bow-like structure »). Enfin, dans certains cas, des chenaux entièrement comblés de matériaux homogènes sont observés (comblement limoneux ou comblement sableux par ex.). Dans de rares chenaux, des restes de tissus végétaux sont observés, associés ou non à des déjections. (Figure IV.40c et Figure IV.41a et c). Certaines de ces déjections contiennent des matériaux organiques dégradés mêlés à leurs constituants minéraux (associations organo-minérales).

Les traits calcitiques sont abondants dans ce type de sol, comme cela a été noté au niveau de la matrice fine. Ils correspondent à trois types de traits en particulier : des revêtements et des hyporevêtements de la porosité et la formation de nodules (Figure IV.41).

Figure IV.39: Expérimentations, lame mince RGT12 2012B ; SJ “classique” : microstructure et constituants. a) Microstructure massive à chenaux, distribution porphyrique des fractions grossière et fine. b) détails de la microstructure, des constituants grossiers dominants (quartz) et de la fraction fine. c) Éléments grossiers divers : calcaires, calcaires coquilliers, bioclastes.

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Figure IV.40: Expérimentations, lames minces RGT12 M1 et 2012C ; SJ « classique » : traits biologiques. a) Chenal partiellement comblé de déjections. b) Chenaux comblés de matériaux hétérogènes en cours d’intégration dans la masse du sol (limites diffuses). c) Chenal partiellement comblé de déjections et de tissus végétaux dégradés. Les pelotes de déjection contiennent parfois plus de MO, plus ou moins amorphes, que l’encaissant naturel.

Figure IV.41: Expérimentations, lame mince RGT12M1 ; SJ « classique » : traits calcitiques. a) Hyporevêtement micritique d’un chenal dans lequel des restes de tissus végétaux sont visibles. b) Comblement partiel et revêtement micritique d’un chenal dans lequel des restes de tissus végétaux sont visibles. c) Nodule micritique en position primaire (limite diffuse).

3.2.2. SJ à nodules carbonatés

Ce faciès reprend les grandes caractéristiques du précédent : microstructure massive, assemblage porphyrique, constituants, traits, etc. Il s’en distingue cependant par deux aspects qui nous paraissent pouvoir influer sur l’effet de nos expérimentations : une fraction fine plus abondante et des traits liés à la calcite plus développés.

Il présente en effet une fraction fine plus abondante que dans le cas précédent (Figure IV.42a). En conséquence, les assemblages moniques fins sont plus abondants tandis que les zones de sables « lavés » le sont moins. La formation de nodules carbonatés est également plus marquée dans ce faciès, correspondant aux assemblages de nodules parfois observés sur le terrain (« poupées de carbonates » ; Figure IV.42b).

Figure IV.42: Expérimentations, lame mince RGT12 2012I ; SJ à nodules carbonatés : microstructure et constituants. a) Microstructure massive à chenaux, distribution porphyrique (open porphyric) à monique fine des constituants. b) Concentration de nodules carbonatés micritiques en position primaire.

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3.2.3. Détermination des faciès encaissants de chacune des expérimentations

À partir des éléments discutés ci-dessus, les faciès encaissants de chacune des expérimentations ont été déterminés (Tableau IV.12). La plupart n’en présentent qu’un seul, mais dans quelques cas des variations latérales ou verticales entraînent la cohabitation des deux variantes de la formation SJ.

Nom SJ « classique » SJ à nodules carbonatés

RGT12 2012J X RGT13 2013F X RGT13 2013G X RGT12 2012E X X RGT12 2012F X RGT12 2012G X RGT12 2012B X RGT12 2012C X X RGT12 2012D X X RGT12 2012I X RGT12 2012H X X RGT13 2013D X 2014 X RGT12 M1 X RGT12 M2 X

Tableau IV.12: Expérimentations, détermination des faciès encaissants.

3.2.4. Interprétation

La microstructure dominante au sein de la formation SJ (massive à chenaux) et l’assemblage le plus courant (porphyrique) indiquent que les mécanismes sédimentaires à l’origine de sa mise en place sont liés au phénomène de colluvionnement (Mücher et al., 2010). Les matériaux constitutifs sont peu diversifiés, arrondis et bien triés. Ils évoquent l’érosion, sous l’action de l’eau et du vent des formations calcaires et marneuses voisines et possiblement des sols environnants (Berger et

al., 1982 ; Bon et Mensan, 2007). Quelques éléments grossiers, comme des nodules carbonatés en

position secondaire, sont significatifs sur ce dernier point, démontrant la reprise de matériaux issus de sols déjà évolués. La fraction fine est limoneuse, et ses propriétés optiques trahissent une présence importante de calcite en son sein (b-fabrique calcitique). D’un point de vue pédologique, l’action de la faune du sol et de la flore est perceptible au travers de chenaux et de leur comblement, de même que les traits liés à la précipitation de calcite (nodule, revêtement et hyporevêtement) indiquent une circulation de l’eau dans la porosité du sol (Kemp 1995 ; Verrachia, 2002 ; Durand

et al., 2010). Des processus biologiques peuvent également intervenir dans la formation de ces

traits (Verrachia, 2002 ; Durand et al., 2010). Dans la plupart des cas, les traits liés à l’activité biologique ont un aspect relativement « frais », ce qui plaiderait pour une origine récente. Cet ensemble de caractère incite à rapprocher la formation SJ à la partie profonde d’un Colluviosol carbonaté: horizon Jpk par exemple (AFES, 2008).

Toutefois, des écarts dans l’expression de ces différents caractères existent. Ils concernent par exemple des variations horizontales ou verticales de la microstructure ou bien de l’assemblage. Elles s’expliquent par des différences d’énergie lors du dépôt, mais aussi par les variations du degré d’évolution pédologique. Ainsi la présence de zones de sables lavés et de zones où la fraction

fine semble plus concentrée indique des mécanismes d’illuviation/éluviation (Courty et al., 1989). De même, la formation importante de nodules carbonatés au sein du faciès « à nodules » pourrait indiquer un plus haut degré d’évolution (Wieder et Yaalon, 1982 ; Courty et al., 1989 ; Durand et al., 2010). En conséquence, sans pouvoir véritablement parler d’horizon argilluvial (Bt ; AFES, 2008) ou calcarique (K ; AFES, 2008), ce faciès à nodules dans le SJ indique que l’évolution pédologique a pu localement être plus marquée ou en tout cas mieux préservée.

3.2.5. Bilan

Une certaine variabilité est confirmée au sein de l’encaissant. Elle est liée à la distribution de la fraction fine, parfois concentrée dans certains prélèvements (2012I notamment), et au développement de nodules carbonatés dans les mêmes zones. Ces observations tendent à mettre en évidence des variations latérales et/ ou verticales dans le degré d’évolution pédologique de la formation SJ. Ces différents éléments corroborent les descriptions déjà faites de la formation SJ, à savoir un dépôt d’origine principalement colluviale de faible énergie (Sellami in Rapport RGT 2000 ; Bon et Mensan, 2007).

Malgré quelques variations, les substrats de chaque expérimentation présentent de nombreuses caractéristiques communes :

െ Microstructure massive à chenaux, avec une porosité moyennement développée ; െ Assemblage porphyrique dominant ;

െ Fraction fine argilo-carbonatée et fraction grossière sableuse (sables fins de quartz dominants) ;

െ Peu de MO ;

െ Traits pédologiques peu diversifiés : biologiques et calcitiques.

Ces conclusions permettent d’envisager la comparaison de chacune des expérimentations dans un cadre relativement homogène en gardant à l’esprit que certaines différences peuvent être liées à de légères variations au sein de l’encaissant.

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