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Partie IV.  Référentiel expérimental

4.  Étude géochimique des structures expérimentales

4.4.  Extraits lipidiques (CG-SM)

4.4.3.  Distribution des acides gras

À partir des outils rappelés en Partie III.3.3.2, les distributions des acides gras des échantillons de contrôle et expérimentaux sont considérées ici afin d’évaluer deux aspects : l’état de la MO et son origine. Après avoir présenté les résultats propres à cette étude (cf. infra), une courte revue critique de cette approche est livrée à partir de données issues de la littérature (cf. Partie IV.4.4.3.3). Enfin, les résultats obtenus sont discutés au regard de cette revue (Partie IV.4.4.4).

4.4.3.1.  Distribution générale des acides gras des échantillons expérimentaux

Les détails des distributions et des valeurs calculées pour leur analyse sont regroupés dans l’Annexe B.

La distribution des acides dans chacun des échantillons est très variable. D’un point de vue global, les acides détectés sont principalement compris entre C6 et C18, avec une contribution majoritaire des acides saturés et insaturés en C16 et C18 (Figure IV.77).

Cependant, quelques différences significatives méritent d’être notées. En effet, en fonction du type d’expérimentation l’abondance de certains acides semble sensiblement modifiée. Ainsi, dans le cas des expérimentations de foyer impliquant principalement de l’os (2012H) ou de la cuisson de viande (2014), les isomères de C18:1 sont particulièrement présents (par exemple 31% pour 2012H II et 38.7% pour 2014 IId) ce qui semble indiquer une forte contribution de graisses animales (Malainey et al., 1999a ; Nieuwenhuyse et al., 2015). Cependant, cet acide insaturé est notoirement instable, et donc peu susceptible d’être préservé même à très court terme. Par exemple, même au sein des différents échantillons du foyer 2014 (IIa, b, c et d), son abondance est déjà très fluctuante (entre 11.9 et 38.7%).

Dans l’extrait de l’expérimentation M2, les acides saturés courts (C6-C8) représentent près de 57.4% de l’ensemble des acides détectés. Il s’agit très probablement du résultat d’une forte dégradation des acides insaturés présents dans la graisse issue des os fragmentés (Van Den Berg

et al., 2002 ; Rontani and Aubert, 2008 ; Malainey, 1997). Cela expliquerait la relativement faible

contribution de C18:1 (7.4%) contrairement à ce qui peut être attendu dans de la moelle fraîche (53% d’après Malainey et al., 1999, mais où les acides < C9 ne sont pas détectés/mentionnés ; cf. Partie IV.4.4.3.3).

Enfin, on peut également noter que c’est dans l’expérimentation ayant eu comme combustible unique le bois (2012J) que la présence d’acide long (> C18) est la plus marquée (4.6%), ce qui est cohérent avec la présence de composés principalement liés à de la MO d’origine végétale (Evershed et al., 1999 ; Poirier et al., 2005 ; Oros et Simoneit, 2001 ; Simoneit, 2002). Il faut cependant remarquer que dans cet échantillon la contribution des acides saturés courts entre C6 et C10 est relativement importante (23.7%).

Cette approche de la distribution des acides dans nos extraits est volontairement sommaire. En effet, plusieurs freins nous semblent devoir modérer ce type d’approche. En premier lieu, notre échantillonnage n’est pas suffisamment étendu pour une véritable approche statistique, et il serait souhaitable de disposer de réplicats de chaque type d’expérimentation. En second lieu, les valeurs présentées sont dépendantes à la fois du rendement de l’extraction (non contrôlé ici), de

la détection et de la précision de l’intégration des résultats. Sur ces aspects analytiques un travail de fond avec plus d’échantillons et de réplicats ainsi que l’utilisation de standards semblerait également utile pour obtenir des données plus fiables.

Afin d’objectiver ces observations, les différents outils présentés précédemment (cf. Partie III.3.3.2)ont été appliqués pour mieux cerner les tendances au sein de nos échantillons. Ces résultats sont livrés tels qu’ils ont été obtenus et en suivant les principes d’interprétation indiqués par leurs auteurs (rappelés sur chaque diagramme). La discussion sur l’applicabilité de ces outils et sur leur utilisation dans le contexte de ce travail, livrée après comparaison avec les données de la littérature, tempère ces résultats et doit impérativement être prise en compte pour les commenter.

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Partie IV: Référentiel expérimental

Figure IV.77: Abondances relatives des acides gras des échantillons expérimentaux. Les valeurs expriment des % des acides gras totaux de chaque extrait lipidique (cf. Annexe B).

4.4.3.2. État et origine de la MO • CPI court (C13-19 ; Figure IV.78)

Figure IV.78: Carbon Preference Index des acides courts (C13-19). La flèche indique la tendance attendue pour la dégradation (Cooper et Bray, 1963) et les zones grisées les propositions d’attribution d’origine de Lucquin (2007) à partir de son corpus expérimental.

Le CPI que nous avons employé (C13-19) livre des valeurs hétérogènes (3.6 à 36.1) ce qui semble à la fois résulter de degrés de maturation variables, mais sans doute surtout de sources de MO très différentes (Lucquin, 2007). Notre échantillon témoin M1 donne une valeur de 16.7, ce qui peut correspondre à une MO végétale (racine ou feuilles) dégradée (Lucquin, 2007). Toutefois nous remarquons que l’échantillon sous-jacent au foyer 2014 (2014 I) donne une valeur (27.6) très nettement supérieure ce qui indiquerait une MO bien moins dégradée ou une contribution d’origine animale. Dans le foyer à bois 2012 J, la valeur obtenue (13.8) semble elle aussi cohérente avec une MO végétale (Lucquin, 2007).

Dans le cas des expérimentations impliquant de la MO animale, que ce soit de la graisse/moelle osseuse ou de la viande, les variations de CPI sont cohérentes avec une diminution en lien avec un degré de dégradation plus élevé. En effet, dans le cas des expérimentations impliquant de l’os (M2), la MO n’ayant pas subi de thermoaltération donne une valeur de 36.1 (comparable aux données de Malainey, 1997 ; cf. Partie IV.4.4.3.3). Les deux foyers 2012H et 2012I donnent respectivement un résultat de 19 et 6.6, ce qui semble indiquer que dans le foyer ayant fonctionné avec une part importante de bois la dégradation de la MO animale a été plus marquée. Dans le foyer 2014, la valeur de l’échantillon prélevé en profondeur dans la sole rubéfiée (IIa) est relativement élevée (30.4), ce qui est compatible avec une MO animale peu dégradée (Lucquin, 2007). Les trois autres résultats (IIb, c et d) sont nettement plus bas (11.1, 20.8 et 12.2), ce qui semble aller dans le sens d’une dégradation de la MO animale nettement plus marquée en surface de la structure.

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Partie IV: Référentiel expérimental

• Ratio Long vs short chains (Figure IV.79)

Figure IV.79: Ratios Long vs short chains (longs :C20-24 ; short : C16-19) calculés avec et sans les acides insaturés. La flèche indique la tendance attendue pour de la MO provenant de plantes fraîches ou d’origine microbienne/bactérienne (Wiesenberg et al., 2010).

Ces ratios n’ont pu être calculés pour les quatre échantillons dépourvus d’acides > C18 (Figure IV.77 et Figure IV.79). Les quatre échantillons livrant des valeurs relativement basses (M1, 2012I, 2014 IIa et d) sont compatibles avec une MO peu dégradée (Wiesenberg et al., 2010). Les deux derniers échantillons (2012J et 2014 IIb) semblent quant à eux correspondre à une MO plus dégradée selon ces deux ratios.

Pour pallier l’absence d’acides longs dans certains échantillons, il a paru intéressant de modifier la gamme des longueurs de chaîne prises en compte comme cela a parfois été fait (e.g. Knicker et al., 2013).Un ratio « Medium+long vs short chains » englobant les acides de longueurs de chaîne comprises entre C9 et C24 est proposé (Équation IV.1). Comme pour le ratio précèdent nous effectuons deux calculs, l’un prenant en compte les acides saturés et l’autre non (Figure IV.80). Le principe d’interprétation reste cependant le même en ce qui concerne la dégradation de la MO, une dégradation préférentielle des acides courts est attendue (Wexler, 1964 ; Mills, 1966 ; Erhardt, 1998 ; Van Den Berg et al., 2002 ; Rontani et Aubert, 2008).Les valeurs basses sont donc censées correspondre à de la MO fraîche tandis que les valeurs plus élevées indiqueraient une MO plus dégradée.