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Partie IV.  Référentiel expérimental

3.  Étude micromorphologique des structures expérimentales

3.3.  Faciès d’altération thermique

3.3.3.  Altération des traits pédologiques et des constituants végétaux hérités

L’altération thermique des traits pédologiques liés à la calcite est relativement peu marquée dans les échantillons observés. La rubéfaction qui caractérise la fraction fine ne semble pas affecter de façon significative les comblements et hyporevêtements calcitiques (Figure IV.49). Les nodules carbonatés sont eux aussi peu touchés par la rubéfaction. Dans les cas où celle-ci est observée, ce sont les particules que contiennent les nodules qui la matérialisent sous forme de ponctuations (opaques en PPL, brunes en XPL et orangées en OIL), la masse micritique restant quant à elle peu modifiée (Figure IV.50).

Les traits excrémentiels liés à la mésofaune sont quant à eux affectés par l’altération de façon plus marquée. Les déjections qui concentrent des matériaux fins (Figure IV.51) et /ou de la matière organique (Figure IV.52) vont ainsi être particulièrement rubéfiés et/ou brunifiés. Les tissus végétaux en position primaire au sein de la porosité (i.e. racines) vont également pouvoir être dégradés (couleur brun foncé à noire en PPL, fragmentation ; Figure IV.53). Ce trait n’est toutefois pas une spécificité des zones de sédiments oxydés.

Figure IV.49: Expérimentations, lame mince RGT12 2012G ; faible oxydation d’un hyporevêtement calcitique par rapport à la micromasse argilocarbonatée (tirets bleus). Noter, à l’inverse, celle des deux grains calcaires en haut des images (flèches rouges).

Figure IV.50: Expérimentations, lame mince RGT12 2012E; oxydation de particules ferrugineuses au sein d’un nodule calcitique(flèches rouges).

Figure IV.51: Expérimentations, lame mince RGT12 2012G ; Chenal densément comblé (dense infilling) de déjections enrichies en matériaux fins, par la suite rubéfiées (assemblage de microphotographies ; OIL).

Figure IV.52: Expérimentations, lame mince RGT12 2012F ; Altération thermique de déjections. a) Pelotes de déjection ellipsoïdales formant un comblement lâche dans un chenal (loose infilling). b) Détail d’une déjection rubéfiée, noter la présence de tissus végétaux dégradés et brunifiés sous l’action de la chaleur (flèche rouge).

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Partie IV: Référentiel expérimental

3.3.4. Interprétation

Les faciès d’altération thermique observés dans les sédiments prélevés sous les foyers expérimentaux sont avant tout ceux liés à la rubéfaction de la fraction fine. Celle-ci est marquée, même pour les foyers utilisés peu de temps, par la formation dans la micromasse d’oxydes de fer bien perceptible en OIL (Stoops, 2003) comme l’hématite à partir des constituants ferreux qu’elle contient (Wattez, 1992 ; Schwertmann, 1993 ; Canti et Linford 2000 ; Certini, 2005). Cette oxydation affecte également certains matériaux grossiers, mais pas les sables de quartz. La présence ou non de fer au sein de ces matériaux semble déterminante pour expliquer la présence ou non de réaction à la chaleur. Ainsi, les quartz ou encore la calcite formant les traits calcitiques sont, a priori, dépourvus de fer susceptible d’être oxydé, tandis que les constituants calcaires et les limons argileux sont des matériaux détritiques au sein desquels cet élément peut être bien plus abondant.

Les variations dans la répartition de la fraction fine expliquent la variabilité latérale de l’intensité de cette rubéfaction. Au sein du foyer 2012J par exemple, les zones riches en matrice fine présentent une couleur rouge plus soutenue que les zones de sables limoneux de SJ classique. De même, certains comblements de chenaux par des déjections de mésofaune présentent une rubéfaction plus marquée du fait de leur plus grande teneur en matériaux fins. Les variations horizontales dans le degré de rubéfaction par contre ne semblent pas corrélées à des changements au sein de l’encaissant. La limite inférieure du faciès altéré est toujours très diffuse. Le caractère décroissant en profondeur de cette rubéfaction reflète plutôt les différences de température au sein du sol lors du, ou des, fonctionnements des foyers. Ces observations confirment le caractère déterminant des durées de fonctionnement et les quantités de combustible dans le cadre de nos expérimentations.

La microstructure du sol est peu affectée par le fonctionnement des foyers. Les fissurations clairement attribuables à l’action de la chaleur (évaporation de l’eau par exemple ; Wattez, 1992), sont assez peu marquées dans la plupart des lames minces. Seul le foyer 2013F livre des réseaux de microfissures pouvant se rapporter à ce phénomène. Dans la mesure où les expérimentations ont eu lieu sur un substrat relativement sec, il est possible que la porosité naturelle ait été suffisante pour évacuer l’eau contenue dans le sol lors du fonctionnement des foyers.

La MO héritée est quant à elle parfois altérée par le fonctionnement des foyers. Celle-ci paraît cependant plus brunifiée que véritablement carbonisée ce qui évoque des températures atteintes dans le sol relativement basses (Wattez, 1992 ; González-Pérez et al., 2004 ;Tableau IV.13).

En recoupant les différents registres d’observation menés sur les différents constituants de la sole des foyers expérimentaux, les températures atteintes dans les soles n’ont pas dû dépasser les 500°C au maximum. Dans la plupart des cas, la faible altération constatée évoque même des températures plus proches des 300°C. La préservation de la microstructure massive du sédiment, ou parfois sa très faible fragmentation, indique que les températures atteintes étaient peu élevées, inférieures à 450°C (Wattez, 1992 ; Mallol et al., 2013b). La fraction grossière est peu affectée par l’altération thermique, hormis quelques graviers calcaires contenant du fer qui se sont oxydés. L’absence d’altération des quartz indique que les températures atteintes dans le sol sont inférieures à 500°C (Wattez, 1992). L’altération des traits pédologiques hérités est, elle aussi, limitée. Concernant les revêtements et hyporevêtements calcitiques, l’absence d’altération (par exemple la formation de chaux) indique des températures atteintes inférieures à 800°C. La

faible altération de ces traits, oxydation notamment, peut également résulter à la fois d’une faible exposition à la chaleur, mais aussi de leur composition, pauvre en fer. Certains restes de tissus végétaux présents dans la porosité montrent une brunification pouvant résulter de leur exposition à des températures peu élevées, inférieures à 300°C (Wattez, 1992 ; González-Pérez et al., 2004 ; Courty, 2012), mais il est difficile de les différencier clairement de tissus naturellement dégradés (Stolt et Lindbo, 2010).

Ces estimations sont en adéquation avec les très nombreux travaux portant sur la thermodynamique des sols et des sédiments (e.g. Fenn et al., 1976 ; Wells et al., 1979 ; Debano, 1998 ; Canti et Linford, 2000 ; Aldeias et al., 2016a ; cf. Partie II.2.2) qui ont démontré que les propriétés physico-chimiques de la plupart des sols limitent la montée en température en leur sein. Dans la plupart de structures ouvertes, les températures atteintes en surface sont fréquemment supérieures à 700°C, mais celles mesurées à l’intérieur du sédiment sous-jacent excèdent rarement les 300 °C à quelques centimètres de profondeur.

< 300 °C 300- 450 °C 450-500 °C 500-700 °C > 600 °C

Matériaux

argilo-limoneux Évaporation de l’eau dès 100°C (fissuration)

Oxydation ou réduction du fer, perte de réfringence Destruction de matériaux argileux (800°C), vitrification (>1000°C) Quartz vitrification, opacification, contours noirs Fracturation

Calcaire/ calcite Faible oxydation, fissuration Fracturation et désagrégation; altération de la calcite; oxydation du fer et de la MO À plus de 800°C : formation de chaux Grès Oxydation du fer, fissuration Fracturation

Schiste Délitement, couleur brune à orangée

Silex Lustre Rubéfaction, blanchiment, craquellement Éclatement, fracturation

Végétaux/litière/

OM du sol carbonisation/ Brunification/ Charring / caramelization Pseudocarbonisé/ Cendres brunes / aromatisation Disparition SOM ; Cendres noires à grises Cendres blanches

Os Couleur blanc/ivoire Brunissement puis

noircissement Couleur gris beige à grise Couleur blanche

Coprolithe Brunification/

carbonisation Matrice jaune, constituant organique carbonisé Matrice beige, cendres d’organisation, Perte caractère fondu

Coquilles de gastéropode (aragonite)

Couleur brune Couleur bleue Couleur grise Couleur blanche

Tableau IV.13: Principaux critères macro- et microscopiques d’évaluation du degré d’altération thermique de matériaux communément associés aux foyers préhistoriques. Les indications de températures représentent un ordre de grandeur et non des valeurs absolues (d’après Wattez, 1992 ; DeBano et al., 1998 ; Tiffagom, 1998 ; Murad et Wagner, 1998 ; González-Pérez et al., 2004 ; Certini, 2005 ; Reiche et al., 2012 ; Hanson et Cain, 2007 ; Mallol et al., 2013b).

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Partie IV: Référentiel expérimental