5 Analyse des protocoles d’entretiens et interprétations
5.5 Synthèse des analyses et pistes d’interprétations
Figure 20C : LS3 • PF3 Figure 20D : LS3 • ST3
Lors du premier entretien (figure 20A), la focalisation de l’attention de PF3 s’est portée majoritairement (environ 50 %) sur les niveaux 2 et 4 correspondant à l’engagement des élèves dans la tâche et à leurs apprentissages. Le niveau 1 en lien avec la discipline est également convoqué, dans une proportion d’environ 10%. Dans cette situation, dans la figure 20B, on observe que ST3 focalise de manière semblable son attention sur les niveaux 1, 2 et 4. Avec une incursion sur le niveau 3 relevant de la quantité de travail effectué par les élèves.
Il est intéressant de relever, dans la boucle LS3 (figure 20C), l’abandon de la part de PF3 des niveaux 1,2 et 3 dans son guidage, au profit des niveaux 4 et 5. Ainsi, on observe qu’elle focalise l’attention de l’étudiant à près de 90 %, sur les apprentissages des élèves et à hauteur d’environ 10 % sur leur développement. Même si les niveaux 1,2 et 3 sont mobilisés dans une moindre mesure chez ST6 (figure 20D), on constate que cette dernière focalise comme PF3, son attention majoritairement sur le niveau 4, puisque près de 70% de ses interventions portent sur les apprentissages des élèves, avec un 15% d’attention posée sur le niveau 5.
5.5 Synthèse des analyses et pistes d’interprétations
Dans cette recherche qualitative, au final ce sont près de 500 tours de parole qui auront été codés et analysés. Les constats apportés par cette enquête exploratoire sont très intéressants. Plusieurs hypothèses émergent de ces analyses.
Dans la comparaison intra PF des postures de tutorat issues de LS3, il y a un basculement des deux PF ad hoc vers une posture clinique et un renforcement de cet accompagnement chez PF3. L’entretien effectué durant la troisième boucle poursuivait un objectif spécifique en lien avec les apprentissages des élèves. Ainsi, il semble qu’il y ait corrélation,
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Ø lorsque les PF posent un objectif de formation clairement identifié, la posture d’enquête transparait dans les interactions avec le stagiaire. Les questions sous forme de devinette disparaissent et le lien avec les apprentissages des élèves est posé de manière plus explicite et récurrente en fonction de l’objectif de formation du stagiaire.
Il existe également une corrélation entre les habiletés mobilisées et les postures de tutorat revêtues. Ainsi,
Ø plus les PF guident leurs stagiaires selon les caractéristiques d’une posture clinique, plus ce dernier mobilise des habiletés de haut niveau, allant même jusqu’à l’adoption d’un point de vue exotopique, ou démontrant des indices de secondarisation. A ce sujet, et comme déjà évoqué dans le cadrage théorique, cela rejoint les travaux de Romainville (2007) qui ont montré que le mélange entre certaines habiletés cognitives et métacognitives permettait de rendre visible chez les acteurs, la présence de prises de conscience, relatives à leurs apprentissages.
De plus, le fait d’adopter une posture clinique aura également un impact sur les types de savoirs mobilisés. Dans les protocoles issus des derniers entretiens,
Ø le fait de moins mobiliser des savoirs provenant du terrain au profit de savoirs portant sur les objets enseignés (savoirs à enseigner), les savoirs académiques et ceux du prescrit, favorisent des relances de types réflexives chez les PF, notamment, par la mobilisation d’habiletés de pensée plus complexes. Ce qui aboutit au corollaire de pousser les étudiants à analyser leur pratique à l’aune de savoirs théoriques. C’est le cas notamment lorsque les praticiennes formatrices questionnent et relancent les étudiants sur leurs choix et sur les apprentissages des élèves.
Pour terminer, même si les stagiaires changent d’un stage à l’autre, en lien avec la catégorie de la centration de l’attention de l’étudiant, il est intéressant du point de vue des interactions analysées de noter la tendance d’un effet miroir entre PF et stagiaires. Ainsi, une nouvelle hypothèse peut être tirée de ce constat,
Ø lorsque le PF focalise l’attention du stagiaire sur les niveaux 1, 2 et 3 de cette catégorie, il y a de fortes chances pour que ce dernier pointe également son attention sur ces trois premiers niveaux. A l’inverse, si le PF focalise son attention sur les apprentissages, voir le développement des élèves, le stagiaire déplacera la réflexion sur les apprentissages des élèves, voir dans certains cas (ST3, ST4 et ST6), sur leurs développement.
Ainsi ces analyses montrent que pour identifier si les praticiens formateurs participent à renforcer une alternance intégrative auprès des étudiants, il s’agit d’aller repérer notamment dans leurs entretiens la présence ou l’absence de caractéristiques issues de la posture clinique de tutorat (Chaliès & al., 2009). Durant les séances plénières collectives, les PF ont ainsi eu l’occasion de définir les caractéristiques des savoirs à convoquer selon les objectifs de formation proposés au stagiaire. Ce travail de décorticage en collectif a donc influencé les points d’attention des PF lors des deuxièmes entretiens avec leur stagiaire.
Il a également été intéressant d’analyser, dans les extraits d’entretien, où la centration de l’attention -‐ empruntée à Durand (2002) -‐ s’est posée entre PF et ST. Enfin, les types d’habiletés convoquées dans les interactions ont permis d’analyser si les PF influençaient les interactions en direction des apprentissages des élèves et de la prise en compte des effets de l’enseignement du stagiaire sur ceux-‐ci.
Concernant, la dénaturalisation des gestes professionnels (Leutenegger, 2004) par les PF, l’analyse en collectif des protocoles et la réalisation de la transcription d’un extrait issu des entretiens de LS3 ont favorisé chez les participantes le travail de déconstruction de gestes et de manière de penser intériorisés, notamment par l’analyse et le décryptage des différents types de savoirs convoqués dans les interactions entre stagiaires et PF. Ainsi, cette mise à distance s’est réalisée durant les moments en plénière des différentes boucles LS (interpsychique), mais aussi lorsque chacune se retrouvait seule à devoir anticiper le l’entretien suivant (intrapsychique).