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2. La tularémie 1 Epidémiologie

2.1.3 Surveillance de la tularémie humaine

L’étude épidémiologique des différentes sous-espèces de F. tularensis est rendue difficile par la grande diversité des hôtes, l’étendue de leur distribution ainsi que l’irrégularité de leur répartition géographique. De plus, l’activité humaine a un impact important sur l’émergence de la maladie. En effet, depuis 1940, l’exode rural, entraînant l’essor des agglomérations ainsi que la diminution des professions agricoles, a engendré une diminution des cas mondiaux de tularémie. A l’inverse, les périodes de guerre ont conduit à une forte augmentation des cas de tularémie. Cela a été le cas durant la seconde guerre mondiale, notamment en Russie, et plus récemment durant la guerre au Kosovo. Ces cas sont notamment dûs à la dégradation des conditions d’hygiène, ainsi qu’à l’augmentation corrélée des populations de rongeurs (Reintjes, 2002) (voir tableau 3).

Les données exactes concernant le nombre de cas mondiaux ne sont pas connues (Machado, 2002). De plus, une sous-estimation importante, du fait d’affections souvent bénignes et non déclarées, diminue largement les chiffres. Les principales données proviennent des Etats-Unis ainsi que de l’ex-URSS (voir tableau 3).

Aux Etats-Unis, la déclaration obligatoire de la maladie, qui avait disparu en 1994, a été restaurée en 2000, en raison de l’utilisation possible en tant qu’arme de bioterrorisme (Machado, 2002). Le nombre de cas annuels, dépassant les 1000 en 1940, a fortement diminué et oscille actuellement entre 100 et 200 (Feldman KA, 2003 ; Machado, 2002 ; Office international des épizooties et al., 2005). En ex-URSS, le nombre de cas sur le même laps de temps est passé de 100 000 cas annuels à quelques centaines (Euseby JP). En Europe, les principales épidémies de tularémie ont été recensées en Suède, Finlande et au Kosovo.

Tableau 3 : Principales épidémies de tularémie recensées dans la littérature. D’après (Mailles

and Vaillant)

Année, Lieu Nombre de cas

Origine de la contamination Remarques Réf

1978, Velky Tchécoslovaquie

131 Jus de pomme fait maison Maison de retraite (Czerny Z et al., 1982)

1978, Marta’s Vineyard Massachussets

7 Aérosol, Chien Vecteur passif

Ile

hyper endémique

(Matyas et al., 2007)

1981, Ljudsal, Suède 529 Moustiques Durée 2 mois (Christenson, 1984) 1982, Sansepolcro,

Italie

45 Contamination réseau d’eau Lièvres positifs à proximité

(Greco et al., 1987) 1982, Oulu, Finlande 123 Manipulation fourrages,

taillage de haie, aérosols

Durée 9 mois (Syrjälä et al., 1985) 1984, Dakota du Sud 20 Morsures de tiques Coexistence F. t

subsp tularensis et F. t subsp holarctica, enfants (Markowitz LE et al., 1985) 1997, Smolensk, Russie Non précisé

Réseau de distribution d’eau Contamination liée à un défaut d’entretien

(Rogutskiĭ et al., 1997)

1998 Slivnitza, Bulgarie

262 Rongeurs + lièvres + tiques Majorité en 1998-99, fin de l’épidémie en 2003

(Kantardjiev et al., 2006)

1998, Espagne 19 Pêche aux écrevisses Durée 2 semaines (Anda et al., 2001) 1999, Kosovo 900 Aliments contaminés par des

rongeurs

Tout le pays, environ 6 mois

(Reintjes, 2002)

1999, Dagestan 64 Citernes d’eau de boissons ouvertes et tiques

Zone marécageuse (Tikhenko et al., 2001)

2000, Suède 270 Moustiques, travail à la ferme, chat

Plusieurs régions (Eliasson et al., 2002)

2000, Marta’s Vineyard, Massachussets

15 Aérosols de poussières provoqués par des tondeuses à gazon

11 pneumopathies (Feldman et al., 2001)

En France, après avoir été supprimée en 1986, la tularémie a fait son retour dans la liste des maladies à déclaration obligatoire en octobre 2002. Ce retour a pour but de prévenir l’émergence de zone endémique ou l’apparition d’une nouvelle souche éventuellement liée à une utilisation malveillante. Les médecins et biologistes diagnostiquant un cas de tularémie chez un patient, doivent notifier celui-ci à l’Agence régionale de santé (ARS) à l’aide d’une fiche de déclaration standardisée (téléchargeable à https://www.formulaires.modernisation. gouv.fr/gf/cerfa_12214.do). Cette fiche permet de recueillir les données cliniques, les informations sur la nature et les résultats des examens diagnostiqués ainsi que les expositions à des risques connues comme fréquentes dans la littérature.

Sont considérés comme exposition à risque les piqûres de tiques, de moustiques, les contacts directs avec les animaux (en particulier lièvres, rongeurs, lapins sauvages, ruminants, écrevisses), les professions exposant à des animaux ou à un environnement possiblement contaminé par des animaux, les activités de plein air génératrices d’aérosols, de poussières ou exposant à la terre dans les zones géographiques où un réservoir animal est présent (Mailles and Vaillant, 2005).

Du 1er octobre 2002 au 31 décembre 2012, 434 cas de tularémie ont été diagnostiqués et déclarés en France, soit une incidence annuelle moyenne de 0,07 cas pour 100 000 habitants (voir figure4). Parmi ces cas, 395 étaient des cas sporadiques et 39 appartenaient à 10 épisodes de cas groupés. Un pic de tularémie humaine a été observé durant l’hiver 2007/2008. Cette épidémie a été corrélée à une augmentation des cas de tularémie chez le lièvre à la même période.

Figure 4 : Nombre de cas sporadiques et non-sporadiques de tularémie déclarés en France de

2002 à 2012 par année de déclaration. D’après (Mailles and Vaillant, 2012).

Des cas de tularémie ont été retrouvés dans toutes les régions de France à l’exception de la Corse. L’incidence moyenne la plus élevée sur cette période a été enregistrée en Poitou- Charentes (3,2/an/millions d’habitants), en région Centre (1,8/an/millions d’habitants), en Alsace (1,7/an/millions d’habitants) et en Champagne-Ardenne (1,6/an/millions d’habitants) (Mailles and Vaillant) (voir figure 5).

Figure 5 : Incidence des cas de tularémie déclarés par région de résidence en France de 2002

La réceptivité humaine vis-à-vis de la bactérie est totale, quels que soient l’âge et le sexe. La majorité des cas est cependant décrite chez des sujets de sexe masculin, le plus souvent âgés de plus de 30 ans (Raoult D), car ils effectuent les activités potentiellement contaminantes (Mailles and Vaillant, 2012). Aux Etats-Unis (Bryant, 2002; Machado, 2002), toutes les classes d’âge sont concernées avec notamment de nombreux cas chez l’enfant de moins de 10 ans ainsi que chez l’adulte de plus de 50 ans. Aucune différence de sexe/ratio n’est observable chez les enfants. Il est à noter une incidence très forte de la maladie chez les Indiens d’Amérique et notamment dans les réserves du Montana et du Dakota du sud, ceci en raison de leur mode de vie rural.

En ce qui concerne les facteurs professionnels de contamination, une large proportion de la population des travailleurs agricoles est concernée (voir tableau 4). Les bergers, agriculteurs, éleveurs, gardes forestiers et gardes-chasse sont particulièrement exposés (Raoult D). En effet, la simple manipulation d’un animal malade ou mort suffit à provoquer une infection. Les techniciens d’espaces verts (Feldman et al., 2003), employés de parcs zoologiques et ouvriers de chenils sont également touchés (Vaissaire J, 2001). De même, les professions de transformation d’animaux ou de matières animales sont concernées : bouchers, équarisseurs, tanneurs. Les métiers de bouche peuvent éventuellement être touchés et en particulier les cuisiniers, par ingestion de viande insuffisamment cuite ou lors de la préparation culinaire en portant les mains à la bouche après avoir touché de la viande contaminée (vérification de la qualité de marinade avant cuisson par exemple).

Les techniciens de laboratoire et les biologistes exercent une profession à risque et tout spécialement ceux qui sont au contact des léporidés et des petits rongeurs. Pour terminer, les vétérinaires, de par leur contact avec des animaux, ou en laboratoire, ont des risques accrus de contracter la maladie (Feldman, 2003; Raoult D).

Tableau 4 : Professions à risque en fonction des cas de tularémie déclarés en France de 2002

à 2012. D’après (Mailles and Vaillant, 2012)

Profession à risque N(%)

Agriculteur/Eleveur 38 (51)

Forestier 12 (16)

Boucher/Cuisinier 7 (9)

Biologiste et technicien de laboratoire de biologie médicale 4 (5) Vétérinaire/Infirmière vétérinaire 4 (5) Maraîcher 4 (5) Paysagiste 3 (4) Vigneron/Ouvrier viticole 3 (4) Employé d’animalerie 1 (1) Equarisseur 1 (1) Moniteur d’équitation 1 (1)

Vendeur de matériel agricole 1 (1)

Total 79 (100)

Concernant les populations non professionnelles susceptibles d’être infectées par

Francisella, les chasseurs et les braconniers sont les plus exposés, à la fois aux arthropodes et

aux gibiers, ainsi qu’aux cadavres d’animaux morts de tularémie (voir tableau 5). Les jardiniers amateurs, utilisant des moyens mécaniques sont également touchés lors de la tonte du gazon ou du débroussaillage (Feldman et al., 2001), des cadavres de rongeurs pouvant être hachés par les machines utilisées. Les activités de loisirs, notamment en période estivale, sont favorables aux piqûres d’arthropodes.

Enfin, les facteurs socio-économiques défavorables entraînent le développement de rongeurs susceptibles d’établir une contamination de la nourriture ainsi que des réserves d’eau par leurs déjections (Reintjes, 2002).

Tableau 5 : Expositions à risque rapportées par les cas de tularémie déclarés en France de

2002 à 2012 (plusieurs expositions possibles pour un même cas). D’après (Mailles and Vaillant, 2012)

Exposition à risque (N=434) N (%)

Profession 79 (18)

Contact direct non professionnel avec des animaux 311 (72) - Gibier Lièvres Sangliers Chevreuils 179 (41) 8 (2) 8 (2) - Animaux d’élevage Lapins Bovins Caprins Ovins Volailles 18 (4) 2 (0,5) 2 (0,5) 3 (0,7) 8 (2) - Animaux de compagnie ou de loisir

Chiens Chats Chevaux 16 (4) 13 (3) 5 (1) - Faune sauvage sauf le gibier

Rongeurs sauvages Fouine Renards 42 (10) 1 (0,2) 1 (0,2)

- Animal non renseigné 49 (10)

Loisirs de plein air - Chasse - Jardinage - Sports - Rénovation de maison 217 (50) 52 (12) 59 (14) 51 (12) 11 (3) Morsures de tique

Piqûre de moustique et tabanidé

82 (19) 29 (8)

2.2 Modes de contamination, manifestations cliniques, diagnostics et traitements