• Aucun résultat trouvé

Destin intracellulaire de Francisella tularensis

Chapitre II : Relations hôtes pathogènes lors de l’infection par Francisella tularensis

2. La vie intramacrophagique de Francisella tularensis

2.3. Destin intracellulaire de Francisella tularensis

2.3.1 Sortie du phagosome et multiplication intracytosolique

Après être sortie du phagosome, Francisella se trouve dans le cytosol où elle va se multiplier activement (temps de doublement variant entre 45 min et 90 min selon les sous- espèces, les types cellulaires et les milieux de culture utilisés) (voir figure 13). Le comportement intracellulaire des bactéries a été étudié, sur des souches virulentes et atténuées, dans différents types cellulaires : macrophages murins, humains, cellules hépatocytaires, macrophages primaires murins, … (Checroun et al., 2006; Clemens et al., 2004; Golovliov et al., 2003; Santic et al., 2005; Schulert and Allen, 2006).

La diversité des souches bactériennes utilisées ainsi que la variété des cellules réceptrices a permis de générer un panel de données sur la vie intracellulaire de Francisella, qui contient, dans certains cas, des contradictions.

Lors de l’infection de macrophages murins de moelle osseuse par F. tularensis, la dégradation de la membrane phagocytaire débute dès 30 minutes, la moitié des bactéries se trouvent dans le cytosol en 1 heure et la totalité en 4 heures. Par la suite, la multiplication de

doublement est différent selon les souches et les sous-espèces. Il est, par exemple, de 109 minutes pour la souche FSC200 de F. tularensis subsp holarctica et de 114 minutes pour la souche LVS. Cette multiplication plus rapide de la sous-espèce de type A semble indiquer une meilleure adaptation à la vie intracellulaire.

Durant cette étape de multiplication, il a été observé lors de l’infection de BMM par la souche SCHU S4 de F. tularensis subsp tularensis, un regroupement de cellules bactériennes dans de grandes vacuoles multi-membranaires juxta-nucléaires, appelées vacuoles contenant

Francisella (VCF) (Checroun et al., 2006). Ces vacuoles, composées d’une double

membrane, possèdent à leur surface le marqueur LAMP-1 et contiennent la protéine LC-3 spécifique de l’autophagie. La confirmation du rôle de l’autophagie dans la genèse de ces membranes a été effectuée par la mise en évidence de l’inhibition de leur formation par la 3- méthyl adénine (Checroun et al., 2006; Wehrly et al., 2009). Cependant, ces résultats n’ont pu être confirmés par des observations similaires dans d’autres types cellulaires ou avec d’autres sous-espèces de F. tularensis. L’hypothèse d’un rôle des VCF dans l’accession de F.

tularensis à la machinerie du trafic membranaire, facilitant ainsi sa sortie dans le milieu

extracellulaire par exocytose, a été émise.

F. tularensis est en mesure de lutter contre l’autophagie, l’une des défenses de la cellule

contre les bactéries à multiplication intracellulaire. En effet, seuls des mutants incapables de se répliquer dans le cytosol ou étant déficients pour la synthèse de l’antigène-O de capsule ont été observés comme étant éliminés par un processus d’autophagie classique (Case et al., 2014; Chong et al., 2012).

Plusieurs gènes impliqués dans la réplication cytosolique de F. tularensis, comme par exemple le gène iglD présent dans le FPI (Santic et al., 2007). De façon intéressante, la co- infection de mutant dans le gène iglD et de souche sauvage de F. tularensis entraîne un retour de la multiplication cytosolique des mutants. Cette étude suggère donc une implication de la protéine IglD dans la formation d’un environnement cytosolique favorable à la multiplication de la bactérie.

2.3.2 Adaptations$ métaboliques$ et$ nutritionnelles$ lors$ de$ la$ phase$ cytosolique

La nutrition revêt un aspect essentiel dans la multiplication intracellulaire de Francisella. En effet, des mutations dans les systèmes de transport de nutriments, ainsi que dans les voies

métaboliques bactériennes, entraînent une perte de l’adaptation à l’environnement nutritionnel de l’hôte et de forts défauts de croissance. Des travaux sur l’importance de la voie de biosynthèse des purines ont mis en évidence l’importance des gènes purMCD pour la multiplication cytosolique (Pechous et al., 2006). Au niveau des systèmes d’acquisition de nutriments nécessaires à la multiplication bactérienne, peu de données sont disponibles chez

Francisella. Nous pouvons cependant citer la mise en évidence de la capture des peptides

intracellulaires contenant de la cystéine et notamment le glutathion, comme source de cystéine pour la souche LVS de F. tularensis (Alkhuder et al., 2009). En effet, le glutathion, qui est le tripeptide contenant de la cystéine le plus abondant dans les cellules de mammifères (Franco et al., 2007; Griffith, 1999; Wu et al., 2004), a été mis en évidence comme étant essentiel à la multiplication cytosolique de la souche LVS de F. tularensis. Son utilisation passe par une enzyme, la γ-glutamyl-transpeptidase, qui clive la liaison entre le glutamate et le dipeptide cystéine-glycine du glutathion (Alkhuder et al., 2009) permettant (après clivage par une aminopeptidase) la libération de glycine et de cystéine.

2.3.3 Déclenchement de la mort cellulaire de l’hôte et sortie de la cellule

F. tularensis est en mesure d’initier la mort cellulaire de son hôte par deux mécanismes

distincts : l’apoptose et la pyroptose. Cette mort cellulaire permet la libération des bactéries dans le milieu extérieur et leur dissémination (voir figure 13).

Les signalisations nécessaires au mécanisme de mort cellulaire par apoptose, observées notamment dans les macrophages, sont déclenchées par le grand nombre de bactéries retrouvées dans le cytosol. L’observation de la sortie de Francisella, conséquence de l’apoptose du macrophage, a lieu environ 18h post infection. Cette sortie correspond au moment où, au vu du grand nombre de bactéries par cellule, les nutriments cytoplasmiques deviennent rares (Lai et al., 2001). L’initiation de l’apoptose dans les macrophages est, elle, plus précoce. En effet, elle débute entre 9h et 12h après infection. Cette activation, qui semble similaire à la voie intrinsèque de l’apoptose, passe par le relargage du cytochrome C des mitochondries, entraînant le changement du potentiel de membrane mitochondrial. Cette libération déclenche la formation du complexe apoptotique, l’activation des caspases pro- apoptotiques 3, 8 et 9 et la libération des bactéries par apoptose (Lai and Sjostedt, 2003; Pierini et al., 2012).

F. tularensis est aussi en mesure de déclencher une mort cellulaire inflammatoire par

pyroptose. En effet, le récepteur AIM2, qui détecte la présence d’ADN double brin bactérien dans le cytoplasme, entraîne l’activation de l’imflammasome lors de l’infection par

Francisella (Fernandes Alnemri et al., 2010; Jones et al., 2012; Rathinam et al., 2010). Cette

activation de l’inflammasome conduit à la lyse de la procaspase-1 en caspase-1 et à l’enclenchement de la pyroptose (Mariathasen et al., 2005; Weiss et al., 2007).

Figure 13 : Cycle de réplication de Francisella tularensis dans les macrophages. D’après

(Chong and Celli, 2010)