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2. La tularémie 1 Epidémiologie

2.2 Modes de contamination, manifestations cliniques, diagnostics et traitements de la tularémie

2.2.2 Manifestations cliniques

La sensibilité animale à F. tularensis dépend de plusieurs facteurs : de la réceptivité de l’espèce animale, de la souche bactérienne et de la voie de contamination. Chez l’animal, tout comme chez l’Homme, une dose de 10 à 50 bactéries est suffisante pour déclencher une infection par voie intradermique ou pulmonaire.

Les espèces animales peuvent être réparties en 3 groupes selon leur réceptivité à

Francisella :

i) Le premier groupe est constitué d’espèces très réceptives à la tularémie, tels les rongeurs et les lagomorphes. Il est, chez ces espèces, difficile d’observer les symptômes de la tularémie car elles développent très rapidement une forme septicémique fatale. L’inoculation expérimentale d’un lièvre entraîne une hyperthermie et une apathie. L’animal est en boule avec un poil hérissé et se laisse facilement approcher. La mort survient en quelques jours. Les mêmes phénomènes sont observables pour toutes les espèces de ce groupe. Il existe aussi une forme subaigüe accompagnée d’asthénie intense, mortelle en une semaine (Euseby JP).

ii) Le second groupe est constitué par les espèces réceptives mais moins sensibles à la bactérie. Ce groupe contient notamment les primates non humains, les ovins et les oiseaux. Chez ces animaux, l’expression de l’infection est très variable, allant des formes asymptomatiques à des formes mortelles.

iii) Le dernier groupe est constitué des espèces très peu réceptives et quasiment insensibles à la maladie (carnivores). Chez ces espèces, ce sont les formes inapparentes qui sont les plus nombreuses.

Les animaux appartenant au premier groupe sont les principaux responsables de la contamination des autres animaux, des arthropodes, de l’Homme et de l’environnement.

Chez l’Homme, les formes cliniques sont extrêmement variées, que ce soit par leur localisation, leur gravité et leur porte d’entrée. Néanmoins, les formes ganglionnaires restent de très loin les plus caractéristiques (Mailles and Vaillant).

La première phase d’incubation, pouvant durer entre 1 et 15 jours (le plus souvent 3 à 5 jours) (Raoult D), est suivie d’une phase d’invasion d’une durée similaire. Le début de l’infection est le plus souvent brutal, avec une hyperthermie importante, accompagnée de frissons, de céphalées, de sensation de malaise, d’anorexie et d’asthénie. Ce tableau évoquant

un syndrome grippal peut aussi être accompagné de myalgies et de signes digestifs tels des douleurs abdominales, des diarrhées ou des vomissements (Raoult D).

On distingue six formes cliniques principales de la tularémie chez l’Homme. Cette distinction de formes est schématique, car des associations cliniques sont souvent décrites.

i) Formes ganglionnaire et ulcéro-ganglionnaire : il s’agit des formes les plus fréquentes de la maladie (75 à 85% des cas). Le point d’inoculation est cutané et indique l’origine de l’infection. Pour la tularémie ulcéro-ganglionnaire (26% des cas de tularémie en France de 2002 à 2012), une ulcération cutanée d’un diamètre compris entre 0,5 et 3 cm est observable au point d’inoculation, accompagnée d’une adénopathie satellite (voir figure 7). Cette ulcération est douloureuse, suintante et possède un pourtour rouge. Elle est le plus souvent unique mais parfois multiple. L’évolution de cette lésion se fait sur plusieurs semaines et laisse une cicatrice. Les adénopathies peuvent être multiples et de volume variable. L’évolution de cette pathologie peut se poursuivre durant six mois. Des formes dites ganglionnaires simples (sans formation d’escarre cutané) sont fréquentes (46% des cas de tularémie en France de 2002 à 2012). Dans ce cas, on observe une adénopathie simple sans présence d’ulcère et accompagnée d’un syndrome pseudo-grippal. Cette forme est la plus répandue au Japon (Office international des épizooties, 2005).

Figure 7 : Illustration de la tularémie ulcéro-ganglionnaire

ii) Formes digestive et pharyngo-ganglionnaire : ces deux formes de tularémie sont en lien car elles résultent soit de l’ingestion de viande consommée avec une cuisson insuffisante, soit de l’absorption d’eau contaminée. La tularémie digestive prend la forme d’une gastro-entérite avec toxémie possible. Des lésions ulcéreuses du tube digestif accompagnées d’adénites cervicales, pharyngées et mésentériques sont observables. La forme pharyngo-ganglionnaire

est peu fréquente (6% des cas de tularémie en France de 2002 à 2012). Elle se caractérise soit par une pharyngite pouvant passer facilement inaperçue, soit par une angine fébrile (voir figure 8). Un cas a été décrit en 2002 à l’hôpital de Saint-Dizier, faisant suite au plumage d’un canard (Lepilleur et al.).

Figure 8 : Illustration de la tularémie pharyngo-ganglionnaire

iii) Forme oculo-ganglionnaire : cette forme concerne 1 à 2 % des malades (2% des cas de tularémie en France de 2002 à 2012). La transmission est consécutive au contact d’un objet ou de gouttelettes contaminés avec la conjonctive. La contamination est souvent due au frottement de l’œil par des doigts contaminés, à des projections d’eau contaminée, ou à des particules aériennes infectées. Cette forme, touchant la paupière inférieure, entraîne un syndrome oculo-ganglionnaire de Parinaud, c'est-à-dire une conjonctivite purulente, douloureuse et unilatérale (voir figure 9). Cette atteinte oculaire peut se compliquer en ulcère de la cornée (Dr Cavallini).

iv) Forme typhoïdique ou fébrile pure : cette forme septicémique, s’accompagnant de symptômes systémiques sévères, est peu fréquente et ne comporte ni ulcérations cutanées, ni adénopathies (10% des cas de tularémie en France de 2002 à 2012). Elle a été en premier lieu décrite par le personnel de laboratoire chargé d’autopsier des cobayes et des lapins sauvages. Elle se traduit par une perte de poids, une fièvre et une prostration. Une forme pulmonaire, souvent asymptomatique, y est associée dans environ un cas sur deux (Euseby JP). Ces formes peuvent aussi être la conséquence d’une infection digestive. Le taux de mortalité de cette forme de tularémie peut atteindre les 60% avec la sous-espèce tularensis (Sjostedt, 2007).

v) Forme pulmonaire : les formes pulmonaires, rares en France, surviennent après inhalation d’aérosols contaminés par des déjections de tiques (Raoult D), ou des rongeurs déchiquetés par des machines agricoles (10% des cas de tularémie en France de 2002 à 2012). Ces formes sont observées principalement chez les agriculteurs. Dans les années 1966-67, une épidémie impliquant plus de 600 patients a été observée chez des agriculteurs suédois. L’atteinte respiratoire fait partie des signes de gravité de la maladie avec une possibilité de détresse respiratoire et peut mettre en jeu le pronostic vital. Dans cette forme, la fièvre est élevée, accompagnée de manière inconstante des signes suivants : toux sèche, douleurs thoraciques, dyspnée ou crachats hémoptoïques. Des signes radiologiques sont présents dans 50 à 100% des cas (voir figure 10). On retrouve des infiltrats unis ou bilatéraux et des épanchements pleuraux. Cette forme complique la forme ulcéro-ganglionnaire dans 1 à 15% des cas.

Figure 10 : Illustration de la tularémie pulmonaire

vi) Il existe également des formes cliniques particulières : asymptomatiques (pouvant atteindre 20% des cas) (Dr Cavallini) ; cutanées (Estavoyer et al., 1993) ; pseudo- typhoïdiques ou hépato-digestives ; pédiatriques (ganglionnaires et pharyngées) ; ou encore des formes cliniques graves (avec atteintes neuroméningées ou septicémiques).

La durée d’évolution de la maladie est de quelques semaines et la convalescence peut prendre des semaines ou des mois, avec des accès de fièvre intermittents (Office international des épizooties, 2005). Le taux de mortalité est de l’ordre de 0,1% en Europe (F. tularensis subsp. holarctica), mais celui-ci peut atteindre 6% en Amérique du Nord avec la sous-espèce

tularensis. Sans traitement, le taux de mortalité avec la sous-espèce tularensis avoisine les

10% (pour les formes simples) et peut atteindre les 60% pour les formes graves. La mort due à la tularémie est le plus souvent observée dans le cas de formes typhoïdiques, lors de pneumonies ou de complications pulmonaires.