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2. La tularémie 1 Epidémiologie

2.2 Modes de contamination, manifestations cliniques, diagnostics et traitements de la tularémie

2.2.3 Diagnostics de la tularémie

Le polymorphisme des manifestations cliniques de la tularémie entraîne des difficultés lors du diagnostic de présomption clinique, ainsi que lors du diagnostic différentiel. Le diagnostic de référence de la tularémie reste donc biologique. Cependant, la manipulation de prélèvements infectés ou de cultures représente un risque important pour le personnel de

subsp. tularensis nécessite un laboratoire de classe 3, F. tularensis subsp. holarctica un laboratoire de classe 2 (mais manipulés le plus souvent en laboratoire de classe 3).

Le diagnostic clinique est le plus souvent un tableau fébrile, d’allure grippale, avec une notion de contact avec les animaux dans une zone endémique de tularémie. Lors de la phase d’invasion, un syndrome grippal, une fièvre typhoïde ou une brucellose peuvent être évoqués (Dr Cavallini).

Lors d’une infection à F. tularensis, l’hémogramme est normal à l’exception des formes graves dans lesquelles il existe une polynucléose neutrophile (Estavoyer et al., 1993). Les enzymes hépatiques et la créatine phosphokinase sont légèrement augmentés (Dr Cavallini). La formule sanguine et la vitesse de sédimentation demeurent le plus souvent normales (Benlyazid et al., 1997).

La mise en évidence d’une tularémie repose sur trois bases : i) le diagnostic bactériologique ; ii) le diagnostic sérologique et iii) le diagnostic moléculaire.

i) L’analyse bactériologique peut être réalisée à partir de différents prélèvements pathologiques selon la forme clinique de la tularémie.

Les prélèvements doivent être rapidement analysés ou être stockés à 4°C (Vaissaire J et al., 2007). L’analyse microscopique des prélèvements peut se réaliser par coloration de Gram, de May-Grünwald-Giemsa ou par immunofluorescence directe (Vaissaire J et al., 2007). L’isolement de la souche se fait sur des géloses chocolat enrichies avec de l’IsoVitaleXTM (BD) ou du PolyViteXTM (Biomériex, AES). Les cultures sont incubées et contrôlées durant un minimum de 10 jours à 37°C en aérobie. L’apparition de colonies peut se faire dès 48H d’incubation. Les cultures en milieu liquide sont réalisées en bouillon thioglycolate, cœur- cervelle, trypticase soja complémenté avec 2% d’IsoVitaleXTM ou en bouillon Schaedler. Les caractères d’identification sont une catalase positive, une oxydase négative ou très faiblement positive, une nitrate réductase positive et une uréase négative. Certaines galeries d’identification commerciales (API®bioMérieux) conduisent à de fausses identifications, de type Haemophilus influenzae ou Actinobacillus spp. L’utilisation de la galerie API®NH (bioMérieux), permettant la mise en évidence de la fermentation de quelques sucres, de la présence de l’uréase et de la β-galactosidase, est préférable. L’étude de la fermentation du glycérol, de la présence de citrulineuréidase et surtout l’exigence en cystine ou cystéine permet de différencier les souches. La confirmation du diagnostic peut, depuis peu, être

effectuée par agglutination sur lame ou en tube au moyen d’un immun-sérum dirigé contre

Francisella tularensis (Difco – BD) (Vaissaire J et al., 2007).

ii) Le diagnostic sérologique, est basé sur la recherche d’anticorps spécifiques dirigés contre la bactérie. Il est actuellement réalisé en première intention et permet le diagnostic de 70 à 90% des cas en France. Chez l’Homme, les anticorps des 3 classes M, A et G apparaissent simultanément entre le 8ème et le 10ème jour d’infection (Bryant KA, 2002). Les anticorps atteignent un titre maximal en 1 à 2 mois et peuvent persister plus de 10 ans. L’antigène utilisé est une suspension de F. tularensis stabilisée avec du phénol ou du formol (BD, Bioveta). Des réactions sérologiques croisées sont observées entre F. tularensis et F.

philomiragia ou F. novicida. Cependant, ces espèces étant susceptibles de causer des

pathologies comparables, ces réactions ne sont pas gênantes. Des techniques de micro- agglutination, d’hémagglutination, d’Elisa ou de Western Blot sont couramment utilisées et ont été développées à partir de plusieurs antigènes (Waag et al., 1995, 1996), dont le LPS d’une souche atténuée de F. tularensis subsp. holarctica.

Une autre méthode de diagnostic utilise l’intradermo-réaction du patient face à la tularine, un lysat bactérien chauffé une heure à 75°C. L’injection intradermique de 0,1 mL de tularine conduit, chez les individus malades, à une réaction érythémateuse et œdémateuse qui apparaît en 12 à 20 heures et qui atteint un maximum en 48h.

iii) Les techniques de biologie moléculaire permettent l’obtention rapide d’une identification présomptive de la bactérie à partir de séquences spécifiques de son ADN génomique, et ce sans isolement préalable. La PCR (Polymerase Chain Reaction) est la méthode la plus utilisée. Son grand avantage est de permettre de cibler de façon spécifique un agent infectieux même présent en petite quantitée dans un milieu qui peut être poly- contaminé. Du point de vue de la dangerosité des souches, ainsi que de la culture fastidieuse de F. tularensis, cette méthode est particulièrement avantageuse.

Plusieurs marqueurs génétiques ont été caractérisés et sont utilisés pour identifier et discriminer les espèces du genre Francisella. L’identification du genre se fait par la mise en évidence des gènes fopA ou tul4, codants pour des protéines membranaires (Fulop et al., 1996; Higgins et al., 2000), du gène codant la protéine 23 kDa (Golovliov et al., 1997) et de la séquence d’insertion ISFtu2 (Thomas et al., 2003). Les cibles pour la discrimination des espèces sont la séquence Ft-M19 (Bystrom et al., 2005; Johansson et al., 2004), la séquence

(Broekhuijsen et al., 2003). Des études cliniques ont permis de mettre en évidence l’intérêt de la PCR pour le diagnostic des formes ulcéro-ganglionnaires, oro-pharyngées et oculo- ganglionnaires de la maladie (Eliasson et al., 2005; Johansson et al., 2004; Kantardjiev et al., 2007). L’utilisation de PCR multiplexes pour la détection simultanée d’agents de risque biologique présents dans un même échantillon, a également été décrite (Skottman et al., 2007; Tomioka et al., 2005).

De nouvelles approches, utilisant la spectrométrie de masse, via des approches de SELDI- TOF-MS (Surface enhanced laser desorption ionization time-of flight mass spectrometry) (Lundquist et al., 2005; Seibold et al., 2007) ou de MALDI-TOF-MS (Matrix-assisted laser desorption ionization time-of flight mass spectrometry) (Seibold et al., 2010) sont actuellement développées. Ces méthodes, performantes et rapides, permettent actuellement l’identification et la discrimination des différentes Francisellaceae jusqu’au niveau de la sous-espèce. Cependant, les méthodes actuelles ne pouvant être utilisées que sur des bactéries en culture, des avancées technologiques sont possibles. Ces approches de spectrométrie de masse, performantes et rapides, font aussi l’objet de recherches pour la détection simultanée des différents agents de bioterrorisme (virus, bactéries, toxines).