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4.3 Effets centraux et comportementaux

4.3.3 Sur les processus mnésiques et l’axe du stress

Mémoire sociale

Dans certains travaux menés chez l’animal, il a été proposé que l’OT jouerait un rôle dans la mémoire sociale. Lorsque un nouveau mâle est introduit dans la cage d’une souris et que celle-ci est en gestation, sa grossesse est interrompue en lien avec des signaux chimiosensoriels présents dans les urines du nouveau mâle : il s’agit de l’effet Bruce [366]. Les souris hétérozygotes et les souris sauvages bloquent spontanément leurs grossesse lorsque un nouveau mâle est introduit dans la cage (et pas quand il s’agit du mâle habituel), comme ce qui peut être attendu. Les souris OT KO, elles bloquent leur gestation même lorsque l’ancien mâle (leur compagnon précédent) est rencontré, ce qui indique un déficit de mémoire sociale [218]. Sur des rats mâles, l’OT influence également la mémoire sociale ce qui se répercute sur les capacités en reconnaissance sociale. Cet

effet se fait via l’action de l’OT sur le bulbe olfactif de ces rats, ce qui améliore leurs capacités de traitement des odeurs, et la mémoire qui y est associée. Une administration localisée au niveau du bulbe olfactif va faciliter la reconnaissance sociale des rats, et ce même avec un délai de 120 minutes [218]. Ainsi la reconnaissance d’un autre rat, même si celui-ci n’a été présenté qu’une seule fois au rat testé, sera meilleure, ce qui implique l’OT dans la phase d’acquisition de la mémoire sociale. L’OT pourrait agir sur la région CA2 de l’hippocampe, cette région ayant été décrite comme agissant sur les mécanismes de la mémoire de reconnaissance sociale [225].

Chez l’Homme, certaines études ont montré l’action de l’OT dans les mécanismes mnésiques. Rimmele et al ont testé 44 hommes sains (en deux groupes, traité et pla- cébo) lors d’une tâche divisée en deux parties [282]. 40 minutes précédant l’expérience, 22 hommes ont reçu 24UI d’OT par voie intranasale. Dans un premier temps, ils devaient indiquer sur une échelle allant de 1 à 7, dans quelle mesure ils aimeraient approcher le stimulus présenté, soit un visage soit un objet. Puis 24 heures après cette première tâche, les participants devaient effectuer un test de reconnaissance sur les stimuli ren- contrés la veille (sans avoir été prévenus initialement). Les sujets devaient alors indiquer s’ils se souvenaient du stimulus, s’ils l’avaient déjà vu, ou si celui-ci était totalement nouveau. Les auteurs de cette étude, ont ainsi pu mettre en évidence que l’OT amé- liorait les performances de reconnaissance des visages mais pas des objets usuels [282]. Une analyse plus fine des résultats a révélé que l’OT n’a pas affecté la recollection mais les jugements de familiarité (traduit par une diminution des False Alarm), selon que le stimulus était un visage ou non. Par conséquent, l’OT agit sur la familiarité des visages précédemment rencontrés [282]. Il faut mentionner que, comme l’étude de Rimmele et

al, l’amélioration des performances s’est traduite par une diminution du nombre de

fausses alarmes.

Dans une autre étude, la mémoire de reconnaissance faciale a été testée 30 minutes et 24 heures après l’administration intranasale d’OT. À la différence de l’étude précé- dente qui s’intéressait aux effets de l’OT lors de la phase d’encodage des visages, celle-ci se focalise sur les effets lors de la consolidation mnésique [300]. La première phase re- pose sur l’observation de 60 images d’hommes exprimant deux émotions différentes (la joie et la colère) et des visages neutres. À la fin de la phase d’encodage, les participants (hommes et femmes) ont reçu une dose intranasale de 20UI d’OT. Puis, les performances de reconnaissance ont été testées 30 minutes et 24 heures après la phase d’encodage. On présentait aux sujets 50 images de visages neutres. La consigne était d’indiquer si le visage était familier et si il exprimait une émotion [300]. Les auteurs démontrent que les participants, après avoir visionné les visages masculins, améliorent considérable- ment la mémoire de reconnaissance. Par ailleurs, cette amélioration est retrouvée pour des visages neutres et pour des visages exprimant la colère mais pas pour les visages joyeux [300]. Ces résultats indiquent que l’OT agit sur les processus de consolidation des informations en mémoire.

Toutes ces études ont apporté des preuves de l’action de l’OT sur les processus mnésiques, de reconnaissance sociale et des émotions. Ces actions sont spécifiques aux visages et ne sont pas retrouvées pour des stimuli non-sociaux. L’OT agit à la fois sur les processus d’encodage et sur ceux de consolidation de l’information, qu’elle amé- liore. Néanmoins, l’OT semble agir préférentiellement sur les jugements de familiarité. Lorsque les participants ont reçu de l’OT, ils considéraient moins régulièrement que des visages n’ayant jamais été vus l’avaient déjà été lors de la phase d’encodage. Par conséquent, les participants ne se souviennent pas spécifiquement des visages mais ont moins tendance à considérer un visage inconnu comme étant connu.

Réponse au stress

Nous avons vu que l’OT agissait sur la prise alimentaire, sur les comportements sociaux et plus particulièrement sur les relations mère-enfant. Ces effets, vont pour cer- tains, être en relation avec l’interaction de l’OT avec l’axe du contrôle de la réponse au stress, c’est-à-dire, l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS). Cette interaction entre axe du stress et OT aura pour conséquence d’atténuer la réponse stressante, en diminuant les taux de cortisol circulant. De plus, l’OT va induire des effets anxioly- tiques en inhibant la réponse cardiovasculaire et en limitant la réaction de l’amygdale à des stimuli émotionnels [207], que nous verrons dans le paragraphe suivant. Chez la souris, le lien entre OT et l’axe HHS a été démontré de façon robuste. En règle générale, les concentrations plasmatiques en OT augmentent fortement suite à des stress, qu’ils soient physiologiques et/ou psychologiques. Par exemple, les taux d’OT plasmatiques augmentent fortement lorsque la souris subit plusieurs types de stess comme un stress au froid, un stress social, un choc d’hyperosmolarité, lors d’un test de nage forcé ou en réponse à un stress de contention [218].

Chez l’Homme, le PVN a été impliqué dans la régulation de la réponse au stress. Il est un site important de convergence et d’intégration des communications neurales entre le système nerveu central et l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien. Cette commu- nication serait à la base des réponses au stress, des troubles affectifs et de la régulation cardiovasulaire [59]. On peut donc penser que l’OT agit de manière endocrine sur le PVN afin de tempérer les réponses au stress.

En conclusion de ce paragraphe, depuis son apparition au cours de l’évolution il y a plusieurs dizaines de millions d’années, le système OT/AVP est maintenant divisé en deux systèmes distincts au travers desquels les nombreux effets du système OT/AVP transitent [155]. Il est admis, aujourd’hui, que les récepteurs OT/AVP sont exprimés dans chaque classe de vertébrés dans au moins deux réseaux qui, ensemble, ont été proposés pour constituer les réseaux décisionnels sociaux mésolimbiques [155]. Le pre- mier de ces réseaux régule les comportements agressifs et sexuels ainsi que les soins parentaux qui englobe le septum latéral, le noyau du lit de la strie terminale (BNST), l’amygdale médiale, la région préoptique, l’hypothalamus antérieur et ventromédial et la substance grise périaqueducale et centrale (Figure 4.2). Le deuxième réseau régule la

saillance des stimuli entrants et comprend un large ensemble d’aires cérébrales parmi lesquelles l’amygdale, le BNST, le septum latéral, le noyau accumbens, le striatum, le pallidum ventral, la région de la VTA et le cortex préfrontal chez les mammifères [155] sont retrouvés.