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1.9 Avancées thérapeutiques

2.1.2 Notion de "social brain" : l’évolution vers un monde social

De ce fait, il apparait primordial pour nous de parfaitement traiter ces signaux afin d’interagir de façon adaptée dans notre monde social. C’est certainement pour cela que l’on retrouve, au niveau cérébral, une multitude de régions impliquées dans le traite- ment des informations sociales. Ces aires cérébrales sont maintenant regroupées sous le terme de "social brain" ou "cerveau social" [2]. Ce social brain représente l’ensemble des régions neurales qui participent au traitement des informations renvoyées par le monde social.

Le cerveau social serait le reflet de l’évolution de l’espèce humaine du fait des nom- breuses interactions avec nos semblables. La théorie du cerveau social (Social Brain Theory ou SBH, Dunbar) provient d’observations morphologiques sur les cerveaux des primates et des humains qui se révèlent être volumineux par rapport à la taille des individus. De cette observation, les chercheurs ont corrélé la taille du néocortex des primates avec plusieurs indices sociaux comme la taille du groupe social, le nombre de femelles dans le groupe, la fréquence des coalitions (entraide), la prévalence des jeux sociaux et la fréquence des apprentissages sociaux [106]. Il semblerait que la taille du néocortex soit positivement corrélée avec la complexité des échanges et du monde social dans lequel nous évoluons quotidiennement. De ce fait, notre cerveau aurait évolué afin de garantir la survie de notre espèce, tout en améliorant nos performances de traitement des informations et des indices sociaux.

La figure 2.1 ci-dessous, représente l’évolution de comportements sociaux et met l’emphase sur l’évolution des structures cérébrales de chaque espèce. Par exemple, dans le cas présent, les hérissions auraient des comportements sociaux essentiellement liés aux comportements maternels qui permet le bon développement de ses progénitures. Les primates non humains, comme les chimpanzés, vivent en colonies de quelques indi- vidus et les humains sont capables de vivre en société de millions d’individus. Si l’on se réfère à la taille des cerveaux, ceci revient à la corrélation de Dunbar et al, qui démon- trait un lien entre la taille du néocortex avec la taille du groupe social [2].

Figure 2.1 – Evolution des cerveaux en fonction des comportements sociaux au travers de différentes espèces de mammifères. Chez les hérissons, le contact social s’effectue principale- ment via l’éducation des progénitures. Les chimpanzés peuvent s’établir en groupe d’une dizaine d’individus, et les Hommes, eux jusqu’au million d’individus. Cette illustration montre que le cerveau s’est adapté à l’évolution des interactions sociales et à leurs compléxités. Issu de la revue d’Adolph et al [2]

De par l’évolution du « social brain » dans l’espèce humaine, une part importante des neurosciences est attribuée aujourd’hui à l’étude de la cognition sociale. Elle regroupe tous les processus et mécanismes liés au traitement des signaux de communication et des indices sociaux.

Le modèle en Figure 2.2, reprend l’ensemble des processus qui sont liés à la cog- nition sociale. Il regroupe les processus basiques comme la reconnaissance des visages, en passant par le traitement des émotions et leur régulation, mais également des as- pects plus complexes comme le raisonnement social et la prise de décision. Tous ces mécanismes sont sous-tendus par des régions cérébrales que l’on peut diviser en 3 ca- tégories : les régions impliquées dans la représentation perceptive et dans le traitement des caractéristiques du stimulus portés par les cortex sensoriels (visuels, auditifs. . . ). La seconde étape rajoute à la perception du stimulus une valeur émotionnelle et applique un traitement cognitif, en faisant intervenir des aires comme l’amygdale, le striatum ou

Figure 2.2 – Modèle de la cognition sociale proposé par Adolphs [2]. Ce modèle reprend l’ensemble des processus et des aires cérébrales impliquées dans la cognition sociale au sens large.

encore le cortex orbitofrontal (OFC). Enfin la troisième étape permet de construire une représentation interne des relations sociales en incluant sa propre action sur un groupe social ainsi que ses conséquences et fait intervenir les cortex préfrontaux et les cortex cingulaires [2, 3].

De plus la cognition sociale intègre le fait de déchiffrer ou d’interpréter les signaux provenant d’une tierce personne, ses motivations et ses pensées dans le but d’adap- ter notre comportement en fonction des attentes d’autrui. De nombreux mécanismes psychologiques ont été décrits parmi lesquels nous retrouvons l’empathie, la théorie de l’esprit ou encore le réseau des neurones miroirs. Ces derniers découverts chez le singe puis extrapolés chez l’Homme, ont la propriété de répondre quand on fait per- sonnellement une action mais également lorsque l’on voit quelqu’un faire cette même action [283]. Certains auteurs ont décrit que des lésions dans les aires somatosensorielles pouvaient altérer la reconnaissance faciale des émotions [88] mettant en lien qu’une al- tération de sa propre sensation somatique pouvait jouer un rôle dans la capacité à juger les émotions d’autrui.

Un autre mécanisme est essentiellement l’apanage de l’Homme : il s’agit de la théo- rie de l’esprit (qui sera par la suite simplifiée en ToM pour Theory of Mind). Cette faculté qui apparait aux alentours de 4 ans [258], nous permet d’attribuer des états mentaux à autrui, d’inférer les croyances d’une autre personne [20] afin de prédire ses comportements. La théorie de l’esprit a également été décrite sous plusieurs termes comme « mind reading » ou « social intelligence » et ces mécanismes se recoupent avec les processus de l’empathie [21]. Plusieurs études ont démontré que la ToM était traitée au niveau cérébral par plusieurs aires, notamment le cortex préfrontal [140] mais aussi l’amygdale (en lien avec la valence émotionnelle) ou encore le cortex orbitofrontal [347]. Cette capacité à prédire les comportements d’autrui est particulièrement étudiée dans des pathologies ou la cognition sociale est déficitaire comme dans les troubles du spectre de l’autisme (ref), le syndrome de Williams (ref) ou la schizophrénie (ref).

Pour conclure, les études sur la cognition sociale ont été menées via l’utilisation de diverses expériences, soit en présentant des points lumineux représentant une posture corporelle, soit en présentant des voix avec des variations de prosodie ou encore en utili- sant des visages (statiques ou dynamiques) sous différentes conditions. Ces derniers ont fait l’objet d’une multitude d’études et représentent certainement le signal de commu- nication le plus finement traité au niveau cérébral. Nous développerons dans la section suivante l’ensemble des mécanismes cérébraux impliqués dans son traitement.