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1.7 Vers une distinction entre délétion et disomie

1.7.1 Aspects morphologiques et comportementaux

Dès la naissance, des divergences minimes dans les phénotypes entre les patients avec une délétion (simplifiés en patients DEL) et ceux avec une disomie (patients UPD) peuvent être visibles. Ainsi, les parents ayant un enfant avec une disomie sont en moyenne plus âgés que des parents ayant eu un enfant avec une délétion [348]. Il semblerait qu’il y ait un lien étroit entre l’âge maternel/paternel et les atteintes gé- nétiques. De plus les nourrissons UPD sont en moyenne, de plus petite taille que les nourrissons DEL à la naissance (respectivement 44.8cm contre 47.7cm). Par ailleurs, des observations cliniques non publiées de l’équipe attestent que les nourrissons UPD tètent mieux et sont moins hypotoniques.

Les disparités de comportement et même physiques ne sont observables qu’au cours du développement, que ce soit durant l’enfance/adolescence ou encore à l’âge adulte. Alors qu’à la naissance il est difficile de différencier un type génétique , à l’âge adulte, les patients avec une délétion paternelle ont été associés à des traits faciaux plus ca- ractéristiques. Ils présentent donc plus souvent un faciès "Prader-Willi" caractérisé par des yeux en amande, une levre supérieure fine et en forme de chapeau de gendarme que des patients avec une disomie. Ils ont également une petite taille et une masse maigre plus faible. De plus les patients DEL ont une hypopigmentation plus marquée que les patients UPD. En effet, les patients DEL sont décrits comme "plus blonds" que le reste de la famille, probablement parce qu’ils ne possèdent qu’une seule copie du gène de la pigmentation OCA2 ce qui entraîne une expression moindre de ce gène [369] et par conséquent une couleur de cheveux plus claire.

Dans l’ensemble, nous pouvons considérer que les patients UPD ont un phénotype plus modéré que les patients DEL. Par exemple, les patients UPD ont une incidence plus faible et plus tardive de l’apparition de crises et de la puissance des troubles ataxiques (troubles de la coordination des mouvements). Par ailleurs ils vont acquerir la marche plus précocément (vers l’âge de 2 ans en moyenne), utiliser davantage une communica- tion non-verbale, et comme indiquer précédemment, peuvent avoir des caractéristiques faciales moins prononcées [353].

Par ailleurs, des divergences au niveau comportemental et psychiatriques ont égale- ment été décrites entre les patients DEL et UPD, et entre les deux types de délétions. Prenons l’exemple des grattages cutanés. Ce critère évocateur dans le SPW est davan- tage marqué dans la population PW avec une délétion que dans celle avec une disomie. En effet, une étude de Dykens et al a révélé que lorsque les patients avaient été comparés en fonction de leur niveau intellectuel (en fonction du QI), le groupe des patients DEL obtennait des scores de comportements inadaptés plus élevés et avaient une proportion plus importante de grattages cutanés, ou équivalent se ronger les ongles, mordre les autres, et également manger en grande quantité et bouder [110] que des patients UPD. Une autre étude a également montré une plus grande fréquence chez les patients DEL de comportements compulsifs/obsessifs et des comportements ritualistiques [82] comme

ordonner ses affaires, répéter sans cesse la même question.

A l’âge adulte, et parfois au cours de l’adolescence, des troubles psychiatriques sévères peuvent se développer. Ils se manifestent majoritairement par des tendances dé- pressives et des psychoses affectives chez les patients UPD [369]. De nombreuses études ont montré une plus forte proportion à développer des troubles psychiatriques dans la population UPD que ce soit des troubles affectifs, des épisodes psychotiques ou des al- térations de la perception visuelle [243]. Ainsi, 62% des individus UPD ont eu au moins un épisode psychotique au cours de l’adolescence, pourcentage qui augmente jusqu’à 100% lorsque les patients sont âgés de plus de 28 ans. Ces taux sont nettement plus bas dans la population DEL. Seulement 8% des adolescents DEL ont eu un épisode psychotique et ce chiffre atteint 11% à l’âge adulte, ce qui reste un pourcentage à peine plus élevé dans une population avec un retard mental [6].

La fait que les patients UPD manifestent davantage de troubles psychiques argu- mente en faveur d’une prédisposition accrue à la symptomatologie autistique au sein de cette population [243]. De nombreux travaux ont traité des liens entre le SPW et l’autisme et sont parvenus à estimer les taux de commorbidités avec les troubles du spectre de l’autisme (TSA) entre 19 et 36.5% dans la population UPD alors que ce taux est plus faible dans la population DEL [176]. Par ailleurs, il ne semble pas avoir d’effet du niveau intellectuel sur la présence des troubles autistiques, puisque la fréquence de ces troubles est identique pour des sujets avec des QI supérieurs ou inférieurs à 70 [176]. Ces résultats suggèrent une implication de certains gènes présents dans la région PW du chromosome 15, qui accentue la prédisposition des patients UPD à développer des troubles du spectre de l’autisme.

Enfin, d’autres critères peuvent permettre de différencier ces patients. Certains au- teurs ont mis en exergue qu’un haut seuil de détection de la douleur et des troubles du sommeil étaient plus fréquents dans la population UPD. À l’inverse, les patients DEL ont une dérégulation du contrôle de la température corporelle [348] que n’ont jamais les patients UPD.

De plus, les individus UPD sont plus souvent diagnostiqués avec une pneumonie (sur- tout à l’âge adulte) avec une détresse respiratoire, des endormissements diurnes plus fréquents, une anémie (due principalement aux grattages cutanés au niveau rectal), des troubles de l’audition et de l’incontinence. Les patients DEL ont davantage d’ostéopo- rose, de problèmes aux genoux (qui se répercute sur leur façon de marcher) et d’oedèmes des membres inférieurs [318].

Néanmoins, les études qui se sont intéressés aux différences observées entre les deux types de délétions sont beaucoup plus rares. Bien souvent, il est rapporté que les diffé- rences sont minimes. Toutefois, une récente étude a suggéré que les individus DEL de type I (longue) ont plus de comportements compulsifs, de moins bons comportements adaptatifs et des capacités intellectuelles moindres (qui impacte sur la réussite scolaire)

Table 1.2 – Table qui récapitule les différences entre les différents sous-types génétiques. Cette liste est non exhaustive mais reprend les points importants qui sont fréquemment retrouvés dans les articles. Les critères donnés pour la population DEL global sont issus de comparaison avec les patients UPD, et inversement. Table qui a été inspirée des travaux de Bittel et al [43].

que ceux avec une délétion de type II (courte) [61]. En lien avec les observations pré- cédentes, une autre étude a décrit que les patients DEL de type II ont tendance à répéter, relire ou réécrire des phrases, évocateurs de troubles compulsifs, mais ici liés à des aspects académiques. Les patients DEL-I, quant eux, présentent également des comportements répétitifs, stéréotypés qui les enferment bien souvent socialement et qui sont davantage partagés par d’autres patients souffrant de troubles obsessionnels com- pulsifs [379]. Enfin, bien qu’il ne semble pas émerger de corrélation comportementale entre les patients DEL-II et les patients UPD, dans le groupe de patients DEL-I, un âge avancé est associé à une diminution des troubles comportementaux qui n’est pas retrouvé dans les deux autres types génétiques [317].

Le fait que l’expression phénotypique entre les deux type de délétions ne soit pas exces- sivement différentes pourrait s’expliquer par l’expression bi-parentale des gènes situés entre BP1 et BP2. De ce fait, il est fort probable que les gènes portés par le chromosome 15 maternel puissent compenser ceux qui sont absents sur le chromosome 15 paternel et rendre les expressions phénotypiques proches entre les patients DEL de type I et de type II.