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Cette éjection hormonale d'ocytocine est complétée par le mouvement de la bouche du bébé. De l’efficacité de l'action de l'enfant dépendra la réussite du processus de l'allaitement. Si le bébé fait bien son travail et s’il peut le faire librement, les mères ont du lait. Non seulement au moment de la tétée, les bébés utilisent des mouvements de leurs mains sur les seins, en petits massages coordonnés pour stimuler encore la libération d’ocytocine, mais ils sont surtout les maîtres d’œuvre de la succion.

Figure 18: Déclenchement de la synthèse et de l'éjection du lait par la succion [63]

La succion comprend deux composantes, l’une, de compression-expression (la stimulation de l’aréole par la langue et les lèvres déclenche l’ocytocine et amorce l’éjection du lait) et surtout l'autre, de dépression intrabuccale qui est le

mécanisme principal d’extraction du lait pendant la tétée au sein, puis, en une

parfaite coordination, la déglutition et la respiration permettent un mouvement prolongé pendant plusieurs dizaines de minutes.

La manière dont l’enfant prend le sein plus ou moins profondément en bouche joue un rôle dans la création de la dépression intrabuccale et l’efficacité du transfert de lait. Les lèvres collées sur l’aréole en avant, une anatomie spéciale du pharynx en arrière (positionné au niveau de la première vertèbre cervicale, beaucoup plus haut que chez l’adulte), font de la bouche une cavité étanche. C’est pourquoi les tout petits bébés ne peuvent respirer que par le nez et sont très gênés au moindre rhume.

• Dans un premier temps, le bébé, stimulé par l'odeur de l'aréole, cherche le sein, se positionne activement et prend en bouche largement le pourtour de l'aréole. Cependant il y a un temps de latence entre le début de la tétée et l'éjection du lait. Pendant quelques secondes, mais parfois les premiers jours pendant plusieurs minutes, il ne se passe rien. Certains bébés coopérants patientent courageusement en faisant travailler leur langue, d'autres se fâchent très fort et affolent leur mère.

• Puis I'ocytocine et la prolactine arrivent au sein. Les signes peuvent être nettement perçus par la mère: le mamelon et l'aréole se mettent en érection, les fibres myoépithéliales se contractent, ce que la mère peut percevoir comme une sensation de durcissement, de tension, parfois de picotements. Enfin, les premiers flux de lait jaillissent, c'est le réflexe d'éjection, ce que le bébé fait entendre, modifiant radicalement le bruit sa déglutition. Plusieurs jets vont se succéder pendant quelques minutes puis surviendra une nouvelle

phase de latence où le bébé devra poursuivre ses mouvements de succion

pour provoquer un autre flux d'éjection, moins puissant que le premier. Certaines mamans peuvent observer 3, 4 voire 5 flux d'éjection successifs.

Téter, c'est sortir la langue, en avant et au dessus des arcades dentaires, et lui

faire effectuer, à un rythme rapide entrecoupé de pauses, un mouvement de va et vient. Ce mouvement se décompose schématiquement en plusieurs temps:

• le bébé prend en bouche le mamelon et la plus large partie d’aréole possible, en créant dans sa bouche une « dépression »;

• la langue sort vers l'extérieur en une avancée rapide, directe;

• le bébé relève puis abaisse son maxillaire inférieur et sa langue, pressant l'aréole et faisant varier le volume de sa cavité buccale, donc la pression. L’intensité de la dépression peut varier de 50 à 240 mmHg;

• la langue ne suit pas un mouvement péristaltique (c’est-à-dire de contraction puis d’aspiration), mais se déplace dans un mouvement assez droit de haut en bas;

• le mamelon n’est pas pincé de façon marquée, et suit le mouvement de haut en bas de la langue.

Ce double mouvement est puissant, et fait prendre en bouche toute l'aréole du sein (surtout pas le seul mamelon). Tous les récepteurs sensitifs en contact avec la langue sont ainsi largement stimulés.

Téter, c'est surtout déglutir lorsque la langue est sortie, au bout de son

parcours vers l'extérieur. Cette déglutition, appelée « déglutition infantile », est strictement coordonnée au rythme de la langue, permettant au bébé l'exploit de téter, avaler et respirer sans avoir à lâcher le sein. Cette déglutition, physiologique pendant les premiers mois de vie, ne devrait normalement évoluer vers une déglutition de type adulte qu'avec l'introduction des premiers aliments solides, donc vers 6 mois.

Une succion efficace nutritive se reconnaît au rythme impulsé par le bébé. S’il tète bien, il va téter en longues salves ininterrompues :

• on peut compter les mouvements : dix, vingt, trente… cent ou plus (un bébé peut ainsi téter plusieurs minutes sans s’arrêter);

• les pauses entre les salves de succion sont rares et brèves et, durant ces pauses, le bébé ne lâche pas le sein;

• au cours des salves, les mouvements sont lents, environ un par seconde. Plus lents encore quand le débit de lait est important, pour permettre de « grosses gorgées »;

• pendant ces mouvements de succion, le bébé respire en continu, librement. Cette respiration s’interrompt brièvement à chaque déglutition, puis reprend son cycle;

• il y a une déglutition par mouvement de succion si le débit de lait est abondant (plutôt en début de tétée) puis une déglutition après 3 à 4 succions.

C'est en observant et en écoutant les différents rythmes d'une tétée que la mère a l'assurance que son bébé est bien nourri et prend tout ce dont il a besoin et envie.

Figure 20: Le déroulement de la tétée [79]

À l’inverse, une succion non nutritive (un enfant qui « tétouille »), qui a lieu en fin de tétée, apaise et sécurise le bébé, se caractérise par un rythme beaucoup plus rapide de petits à-coups irréguliers (plus de deux par seconde), des salves courtes, incoordonnées, des pauses multiples et parfois longues, une déglutition rare, tous les six ou huit mouvements de succion. Cette succion normale in utero et avant terme, ne doit pas être confondue avec une succion nutritive.

Pour pouvoir téter efficacement, le bébé a besoin d’être dans un état d’éveil optimal et d’être positionné correctement pour prendre une grande bouchée de sein. Il doit:

• être calme, détendu sur sa mère, parfaitement réveillé;

• avoir le temps de prendre des repères, de sentir, de bouger sa tête, de lécher un peu le sein, véritables préliminaires moteurs, sensoriels et affectifs de la rencontre avec sa mère. Il doit avoir la possibilité d’exprimer ses réflexes sans contrainte et de mettre sa tête légèrement vers l’arrière afin de faciliter l’ouverture de sa bouche.

Si tout se passe bien, il peut alors ouvrir grand la bouche pour saisir largement l’aréole et initier ses mouvements de succion. La bouche du bébé doit recouvrir l’aréole du sein avec sa lèvre supérieure plus que la lèvre inférieure. Le menton est enfoui dans le sein, le nez se trouve plus en hauteur et est dégagé.

Une bonne prise du sein limite les risques de frictions et donc de lésions des mamelons, permet d’optimiser le drainage efficace et uniforme des lobes afin d’entretenir la production de lait et de limiter les risques d’engorgement localisé ou de mastite.

La prise du sein spontanée par l’enfant positionné ventre à ventre sur sa mère elle- même en position allongée ou demi-assise (auto-attachement) est une alternative à considérer y compris au-delà de la salle de naissance, de même qu’il est souhaitable de renoncer aux mises aux seins forcées ainsi qu’aux attitudes dogmatiques lors des conseils donnés aux mères pour se positionner et mettre leur enfant au sein.

Dans les premiers jours de vie, il conviendra de proposer le sein au bébé dès qu’il se réveille, sans attendre qu’il pleure. Ne jamais tenter de le forcer.

Les bébés nés avant terme ou ayant souffert, peuvent présenter des difficultés de deux ordres: une mauvaise coordination de la séquence succion-déglutition- respiration et une difficulté à rester réveillés assez longtemps et activement pour réussir à bien prendre le sein. Ils auront donc besoin d’un soutien tout spécial.

Du côté de la mère, tout le mécanisme de la tétée est donc un phénomène automatique, inconscient. Elle « laisse couler » le lait provoqué par l’enfant. Ses émotions peuvent ralentir, freiner, retarder ce réflexe mais elles ne produisent pas d’arrêt de la lactation. Et tout le travail actif est réalisé par l’enfant.