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A.2.b.3.Définition et contexte de la prise de poids insuffisante

Il n’existe pas de définition précise de l’insuffisance de lait et dans ce contexte il est essentiel d’essayer de différencier:

• une incapacité physiologique maternelle à produire du lait ou assez de lait; • un problème transitoire, susceptible d’être corrigé, donc une insuffisance de

lait « secondaire »;

• la crainte ou la perception de l’insuffisance des apports maternels.

L'insuffisance de lait se traduit par un manque ou une insuffisance de

lactogenèse de stade 2 et/ou une prise de poids inférieure à 20 g/jr chez un

nourrisson exclusivement allaité.

i. A la maternité [64][50][84][91]

L'insuffisance de prise de poids précoce ou « retard à la récupération du poids de naissance » correspond typiquement à « un enfant trop sage qui fait déjà ces nuits ».

La perte de poids maximale attendue chez un nouveau-né en allaitement exclusif est en moyenne de 5 à 7 % au 2e ou 3e jour de vie. Une perte de poids inférieure à

10 % du poids de naissance (PN) est acceptable pour la plupart des équipes.

En effet, cette perte de poids est physiologique, reflétant l’adaptation métabolique liée en partie à l’élimination du méconium, des urines, à la plus grande consommation d'énergie et à la perte d’eau par évaporation.

Cette perte de poids ne doit en aucun cas faire courir le risque d'une déshydratation du nouveau-né. Les adaptations métaboliques néonatales amènent le nouveau-né à rééquilibrer sa masse hydrique, sans danger pour lui si cela se fait de façon progressive et si les apports nutritionnels viennent rapidement compenser les pertes, d'autant plus que le colostrum a des qualités colloïdales qui freinent les pertes hydriques.

La perte de poids associée à des signes de déshydratation ou à un ictère et la perte de poids excessive vont nécessiter l'apport de complément et une surveillance particulière par un médecin.

La perte de poids excessive est définie par une perte de poids supérieure ou égale à 10 % du PN.

Mulder et coll. ont montré chez 53 enfants allaités une perte de poids supérieure ou égale à 7 % du PN chez 20,8 % d’entre eux à 2 jours de vie. Ces enfants avaient eu plus de selles et d’urines que ceux ayant perdu moins de poids. Cette perte de poids s’accompagne normalement d’une augmentation progressive de la quantité de lait consommée sous réserve que le nouveau-né ait un accès au sein sans restriction.

La perte de poids fait peur car elle conditionne souvent la date de sortie. Elle augmente aussi le manque de confiance des mères et des soignants envers la capacité des mères à allaiter.

ii. En cours d'allaitement [92][72][89][51][93][91][69]

Il faut savoir que les quatre premiers mois, les bébés au sein ont une croissance en poids et en taille plus importante (+ 106 g et + 0,5 cm à 3 mois) que les bébés au biberon, alors qu'à partir de 4 mois, leur croissance est un peu plus lente, pour arriver, en moyenne, vers l'âge de 1 an, à 600 g de moins et 1 cm de moins qu'un enfant nourri au biberon. Alors que les tailles sont globalement équivalentes à 1 an, la différence de poids s’accentue nettement entre 9 et 12 mois, à un moment où la consommation de protéines est supérieure aux besoins dans les deux groupes, ce qui écarte toute relation avec ce facteur.

La croissance pondérale moins rapide des enfants nourris au sein, pourrait être liée au fait qu’ils stabilisent d’eux-mêmes leur consommation énergétique à un niveau plus faible. L’introduction d’aliments de complément n’affecte pas cette autorégulation, l’énergie fournie en supplément provoquant une réduction compensatrice de la consommation de lait. Les nourrissons dont l’allaitement maternel est prolongé déposent, par ailleurs, moins de graisses dans leurs tissus. La part de masse maigre dans leur accroissement pondéral et le gain de masse maigre par gramme de protéines consommées sont ainsi plus élevées que chez les enfants alimentés artificiellement. Cependant, les différences précoces de vitesse de croissance et de composition corporelle s’estompent complètement dans les mois et les années qui suivent.

L’OMS a établi en 2006 de nouvelles courbes adaptées aux bébés allaités (Annexe 3). Ces nouvelles courbes peuvent servir de référence internationale pour décrire au mieux la croissance physiologique de tous les enfants de moins de 5 ans. Elles permettent aussi d'établir l'enfant allaité au sein comme modèle normatif de croissance et de développement.

Plus tard, il faudra se préoccuper sérieusement de la situation si: • le bébé continue toujours à perdre du poids après 10 jours de vie; • il n'a pas repris son poids de naissance à 3 semaines;

Pendant les premières semaines de l’allaitement une courbe de poids hésitante ne doit pas être considérée comme normale. Si à partir de la fin de la première

semaine, le nouveau-né ne prend pas au moins 120 à 130 grammes par semaine, il est probable qu’il ne consomme pas suffisamment de lait.

Par contre, si la croissance d’un nourrisson en bonne santé, exclusivement allaité, a tendance à s’infléchir à partir du 3ème ou du 4ème mois, il n’y a pas lieu de s’alarmer ni

de conseiller à la mère d’introduire des compléments.

Une étude parue en 2011 a mis en évidence des taux de ghréline significativement plus élevés dans les laits infantiles (2 007,1 ± 1 725,36 pg/mL) que dans le lait maternel (828,17 ± 323,32 pg/mL). La concentration sérique de ghréline était également significativement plus élevée chez les bébés non allaités (1 247,93 ± 328,07 pg/mL) que chez ceux allaités (1 045,7 ± 263,38 pg/mL); cette différence de concentration pourrait donc jouer un rôle dans la différence d’appétit des enfants en fonction du mode d’alimentation.

En cas de poids insuffisant, il est important d'étudier d'abord le contexte: s'agit-il d'un gain de poids lent ou bien d'un retard de croissance? On considérera que la prise de poids lente constitue la croissance normale d'un certain pourcentage de bébés, dépendant de facteurs généralement génétiques, alors que la Stagnation Staturo-pondérale (SSP) représente la situation anormale d'un bébé ne recevant pas un apport nutritionnel suffisant pour couvrir ses besoins. Il sera donc important de savoir les différencier. L'observation de la courbe de croissance, de l'état clinique du nourrisson et de la pratique de l'allaitement permettent de préciser dans quelle situation se trouve réellement l'enfant:

observation de la courbe de croissance:

Figure 40: Comparaison des courbes entre un gain lent et un retard de croissance [93]

D'autres paramètres de croissance peuvent être appréciés: poids de naissance, poids le plus bas, poids et âge actuels, poids intermédiaires connus, mais aussi poids et taille des parents, courbes des enfants précédents, éventuellement...

état clinique de l'enfant et pratique de l'allaitement:

Tableau 16: Comparaison entre un gain lent et un retard de croissance [93]

Gain lent Retard de croissance Apparence Éveillé, actif

Apathique,

pleurs geignards après les tétées, dort « 24 h/24 h », ou « ne dort

jamais »

Tonus Bon tonus, vigoureux Hypo ou hypertonique

Aspect Peau saine, ferme et élastique même si le bébé est mince

Sécheresse de la peau et des muqueuses

bébé maigre, voire d'aspect « vieux »

Mictions ≥ 6/jour < 6/jour

Urine Claire, diluée Foncée, voire simple tâche à l'avant de la couche

Selles Fréquentes, granuleuses, toujours molles Si rares, abondantes

Rares, petites, sèches, parfois simples tâches à l'arrière de la

couche

Tétées

8-10/jour,

Au moins 15-20 min le 1er mois

Nombreux bruits de déglutition pendant la tétée

< 8/jour ou, au contraire, bébé au sein en permanence,

Courtes ou, au contraire, interminables (le bébé dort au sein)

Peu de bruits de déglutition

Réflexe

d’éjection Bon réflexe Pas de signe Gain

pondéral Inférieur à la normale mais continu Erratique, perte

Déroulement de

l'allaitement L’allaitement se passe bien

L’allaitement peut être émaillé d’incidents: engorgement, lymphangites récidivantes, mamelons chroniquement

douloureux

La mère donne-t-elle les deux seins ou un seul? Y a-t-il une mauvaise position, un problème de succion, de mamelon...

Au cours des 3 premiers mois, une prise de poids inférieure à 300 g/mois ou

entre 300 et 500 g/mois associée à des signes de déshydratation, ou un état clinique altéré vont nécessiter une surveillance étroite et régulière de la croissance de l'enfant par un médecin ainsi que l'apport de complément, en

plus des recommandations qui seront précisées dans la prise en charge de la prise de poids insuffisante.