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Les crevasses peuvent être prises en charge à l'officine, sauf en cas de douleurs en « coup de poignard », d'écoulement, de pus, de symptômes de candidose ou de lésion persistante qui doivent être orientés vers une consultation spécialisée ou un médecin. Pour les traiter, il faut agir sur trois points:

• la prévention ou traitement de la cause;

• la cicatrisation, en rétablissant et maintenant une hydratation correcte de la peau;

• la douleur.

Une crevasse correctement soignée sur ces trois points devrait guérir en 48 h maximum.

Le pharmacien peut demander à la mère de décrire précisément ses douleurs, ses lésions (localisation sur le mamelon, présence d'écoulement...), ou avec l'accord de la patiente, d'observer la crevasse dans un espace de confidentialité.

Il doit faire vérifier l'absence d'un frein de langue court ou d'un palais ogival en orientant vers un spécialiste en allaitement, ou faire vérifier l'absence de pathologie telle qu'un muguet ou un herpès par un médecin.

Globalement, le protocole de traitement est le même que les douleurs mammaires mais en ajoutant la cicatrisation en milieu humide.

i. La prévention ou traitement de la cause [75]

Elle est indispensable à la guérison de la crevasse. Il faut donc rechercher la cause systématiquement:

• la peau du mamelon et de l'aréole est-elle déshydratée?

• le bébé tète-t-il mal (mauvaise position d'allaitement, mauvaise prise du sein...)?

• la mère pratique-t-elle des manœuvres traumatisantes?

Dès l’apparition des douleurs ou des crevasses, le mieux est de revoir sans attendre la mise au sein et le positionnement du bébé, comme décrit dans le paragraphe portant sur les douleurs mammaires:

• parce que certaines positions et une meilleure mise au sein apportent un soulagement immédiat, même s’il faut plusieurs jours aux crevasses pour cicatriser;

• pour aider le bébé à apprendre une « bonne façon de téter ». Le traitement est le même que les douleurs mammaires.

ii. La douleur

Le traitement de la douleur est exactement le même que pour les douleurs mammaires.

iii. La cicatrisation [73][79][75][69][80][67][71][81][105]

Les deux mots d'ordre du traitement local des crevasses sont: propreté et

humidité.

La cicatrisation en milieu humide prévient la formation de croûtes qui s’arrachent au moment de la tétée, interrompant le processus de guérison. Deux sortes d’hydratation sont impliquées dans ce processus: une hydratation interne, et l’humidification de surface. La cicatrisation en milieu hydratant préserve l’hydratation naturelle des tissus de l’aréole, permet à la crevasse de se combler sans formation de croûte, et à la peau de retrouver son état normal, souple et doux. Le « pansement idéal » serait donc celui qui retient une hydratation adéquate de la plaie, mais ne serait pas toxique pour le bébé qui l’ingère, n’irrite pas l’épiderme du mamelon, et ne doit pas être enlevé avant la mise au sein. Il existe un produit idéal, accessible, gratuit, compatible avec l’allaitement, lipidique, hydratant, comestible, non toxique, non allergisant et qui a une odeur connue, appréciée par le bébé: le colostrum et le lait qui lui succède, tout simplement.

Lors de la formation des gouttelettes lipidiques dans les cellules de la glande mammaire, une membrane vient entourer le futur globule gras. Cette paroi est constituée de glycoprotéines, de phospholipides, de triglycérides, de cholestérol et d'enzymes, si propices au comblement de la crevasse et à sa cicatrisation.

Le lait humain contient aussi des facteurs de croissance épidermique (EGF), qui agissent sur la multiplication cellulaire, favorisant ainsi la cicatrisation, et des facteurs anti-infectieux (immunoglobulines, macrophages, polynucléaires neutrophiles, lymphocytes...). Par ailleurs, la présence de Lactobacillus bifidus dans le lait s'oppose à la croissance de germes pathogènes en occupant le terrain. Un pansement constitué de colostrum ou de lait apporte donc tous les éléments directement opérationnels sur un processus anti-infectieux éventuel. En revanche, en cas de mycose ou de muguet, il n'est pas recommandé de mettre du colostrum sur le mamelon. En effet, c'est un excellent milieu de culture pour le champignon.

L'application de colostrum ou de lait à la fin de la tétée constitue aussi bien un traitement curatif que préventif.

Le bénéfice de ce procédé va être prolongé par l’application d’un pansement humide qui va conserver l’humidité du milieu et éviter la formation d’une croûte. Traiter une crevasse, ce sera donc à la fois proscrire tout ce qui pourrait aggraver la déshydratation, notamment le séchage au sèche-cheveux, et appliquer dessus du lait maternel. Le lait soulagera la douleur et créeront une barrière cutanée réduisant l'évaporation et maintenant une hydratation adéquate.

L'utilisation de crèmes cicatrisantes a été insuffisamment peu évaluée pour être recommandée. Mais en réponse à la demande d'une mère et après rappel des bénéfices de l'application de lait maternel, l'équipe officinale peut proposer des crèmes à base de lanoline, qui sont efficaces pour combattre les crevasses.

Lansinoh®, PureLan 100® et Dodie crème Lanoline soin crevasses® ont de la

lanoline pure, contrairement à Prelan®, Avent crème mamelons sensibles® ou à la

pommade au Calendula LHF®.

D'autres onguents peuvent aussi être utilisés, comme la pommade au Castor equi®,

Véa olio® (vitamine E à 100 %) ou Mustela baume allaitement®. Cependant, seule la

lanoline purifiée peut être laissée sans danger sur le mamelon pendant les tétées car le lanostérol se retrouve chez tous les mammifères y compris l'espèce humaine.

La pommade au Castor equi®, la pommade au Calendula LHF® ou le Bepanthen®

doivent être rincées avant la tétée car ils contiennent de la vaseline.

Par ailleurs, une trop grosse couche de crème ou de pommade rend le mamelon glissant et peut provoquer l’occlusion des pores au niveau du mamelon et l’aréole. Elle peut également provoquer l’occlusion des tubercules de Montgomery. Si la crème ou la pommade doit être ôtée avant de mettre l’enfant au sein, la friction peut provoquer davantage de lésions.

Voici comment procéder pour la cicatrisation:

• veiller à l’hygiène des mains de la mère et des soignants et à l'hygiène des seins pour éviter une surinfection: lavage une fois par jour, pas plus, à l'eau du robinet et avec un savon doux et éviter les antiseptiques (qui décapent la peau), le lait maternel jouera son rôle anti-infectieux;

• par des massages du sein, extraire du lait de fin de tétée plus gras, pour en imbiber une compresse de 5 sur 5 cm ou ajouter sur la compresse une noisette d'émollient;

• pour maintenir cette humidité localement, utiliser des compresses d'hydrogel (sauf en cas de candidose mammaire ou de crevasse infectée) ou couper un morceau de film plastique alimentaire de 7 sur 7 cm, et l’appliquer fermement sur la compresse imbibée;

• la maman remet son soutien-gorge pour maintenir le tout;

• dans la mesure du possible, essayer d’alimenter le bébé avec un seul sein par tétée, pour laisser plus de temps à l’autre pour cicatriser;

• si les crevasses sont trop importantes et si la maman manifeste trop d’appréhension, il pourra être nécessaire de tirer le lait manuellement de préférence, durant 2 ou 3 tétées, de manière à avoir un peu de lait en réserve à donner à la tasse. Le tire-lait est à éviter car il risque d'écarter les berges de la crevasse;

• changer les compresses au moins toutes les 4 heures le jour, toutes les 6 heures la nuit, sauf si le bébé se réveille plus tôt et réclame le sein.

Les caractéristiques des compresses d'hydrogel (compresses Medela® ou

pansements Hydrosorb®, Intrasite®, Urgo hydrogel®...) sont très différentes en

fonction du modèle (durée d'utilisation, modalités de rinçage...).

La conservation au réfrigérateur est possible (sauf en cas de vasospasme mamelonnaire) pendant les tétées pour augmenter l'effet antalgique lors de l'application.

L'usage de coussinets d'allaitement imbibés de lait maternel et appliqués sur les crevasses est à proscrire, surtout si les crevasses sont surinfectées. Les coussinets attirent le lait à l'intérieur en maintenant une surface sèche. La présence de lait en surface n'est donc possible que s'ils sont imprégnés de manière très importante.

L'usage de coquilles « protège mamelon » dans le soutien-gorge bien ample pour ne pas écraser le sein peut aussi être intéressant. Ces systèmes sont commercialisés par différents laboratoires (Ameda, Dodie, Medela...).

Il est préférable de choisir un modèle avec une large ouverture. Elles ont de très nombreux trous d'aération pour laisser circuler l'air et éviter la macération. Les trous doivent être placés en haut. La partie en contact avec la peau est en silicone et donc souple.

Elles empêchent le soutien-gorge de coller aux mamelons, tout en favorisant l’absorption du lait maternel de fin de tétée, de l’onguent pour mamelons.

Elles ne doivent pas être portées en permanence (donc pas non plus la nuit) car sinon elles entraînent souvent une sur-stimulation de la lactation et un risque d'engorgement. Elles sont donc contre-indiquées en cas d'antécédent de stase lactée (engorgement, canal lactifère obstrué...).

Les éventuelles fuites de lait recueillies peuvent s'écouler hors des coquilles par les trous d'aération lorsque les mères se penchent en avant. Si les mères perdent d'importantes quantités de lait, les coupelles peuvent être munies de garniture absorbante.

Par ailleurs, le recours à l'homéopathie pour les complications de l'allaitement est une aide non négligeable. L'homéopathie peut être conseillée dans le traitement des crevasses mais son efficacité dans cette situation n'est pas prouvé scientifiquement:

• Nitricum acidum en 5 CH: 5 granules avant chaque tétée si la crevasse est nette à fond rouge avec sensation de « coup de canif ». Il est bien complété par Causticum 5 CH (en granules, 3 fois par jour) dont la douleur ressemble à une gerçure et s’aggrave à la tombée de la nuit;

• si le fond de la crevasse est évasé avec un aspect jaunâtre (plus rare), conseiller Graphites 15 CH, 5 granules 3 fois / jour.

• L'alternance de ces deux médicaments est possible.

Castor equi (4 CH) est un médicament de cicatrisation en général et Ratanhia (4 CH) est un médicament des jonctions cutanéo-muqueuses avec prurit brûlant.

Si de petites papules pruriantes sont présentes au méat des canaux galactophores, Rhus toxicodendron sera préféré.

Le traitement restera inefficace si la cause du problème n'a pas été identifiée et corrigée (position, succion, mauvaises pratiques...).

Figure 39:

II.A.2. Retard de la montée de lait, manque de lait