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Substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR)

3 Enjeux sanitaires transverses aux produits de tatouage et aux cosmétiques

3.1 Substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction (CMR)

Définition des substances CMR

Cancérogène : Agent chimique dangereux à l’état pur (amiante, poussières de bois, benzène…) ou en mélange ou procédé pouvant provoquer l’apparition d’un cancer ou en augmenter la fréquence. Toutes les localisations de cancer sont potentiellement concernées.

Mutagène ou génotoxique : produit chimique qui induit des altérations de la structure ou du nombre de chromosomes des cellules. Les chromosomes sont les éléments du noyau de la cellule qui portent l’ADN.

L’effet mutagène (ou atteinte génotoxique) est une étape initiale du développement du cancer.

Toxique pour la reproduction ou reprotoxique : produit chimique pouvant altérer la fertilité de l’homme ou de la femme, ou interrompre (avortements) ou altérer le développement de l’enfant à naître malformations, hypotrophies, troubles neurocomportementaux, cancers167 , atteintes de la fertilité de la descendance du fait d’une exposition in utero. Des discussions existent sur le fait que l’exposition à des substances chimiques pendant la grossesse puisse être à l’origine d’une atteinte du système immunitaire chez l’enfant ou puisse perturber son système endocrinien. La transmission de mutations génétiques par les parents exposés est également débattue.

Source : INERIS, 2018

[306] La réglementation en matière de classification, d’étiquetage et d’emballage des substances et préparations dangereuses reposait jusqu’en 2009 sur les directives 67/548/CEE (Dangerous Substances Directive) et 1999/45/CE (Dangerous Preparation Directive). Ces directives ont été abrogées par le règlement (CE) n° 1272/2008 dit « règlement CLP » entré en vigueur le 20 janvier 2009. Son application est devenue obligatoire pour les substances au 01/12/2010 et pour les mélanges au 01/06/2015.

[307] Les substances CMR sont classées dans le règlement CLP en trois catégories selon que leur toxicité est avérée (1A), présumée (1B) ou suspectée (2).

167 Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a conclu en 2009 à de possibles leucémies chez les enfants dont les mères ont été exposées professionnellement à la peinture avant et pendant leur grossesse

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Tableau 16 : Les classes de danger des substances CMR dans le règlement CLP

Classes de danger Catégories Définitions des catégories

Cancérogénicité

Catégorie 1A Substances dont le potentiel cancérogène pour l'être humain est avéré.

Catégorie 1B Substances dont le potentiel cancérogène pour l'être humain est supposé.

Catégorie 2 Substances suspectées d'être cancérogènes pour l'homme.

Mutagénicité sur les cellules germinales

Catégorie 1A Substances dont la capacité d'induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains est avérée.

Catégorie 1B Substances dont la capacité d'induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains est supposée.

Catégorie 2 Substances préoccupantes du fait qu'elles pourraient induire des mutations héréditaires dans les cellules germinales des êtres humains.

Toxicité pour la reproduction

Catégorie 1A Substances dont la toxicité pour la reproduction humaine est avérée.

Catégorie 1B Substances présumées toxiques pour la reproduction humaine.

Catégorie 2 Substances suspectées d'être toxiques pour la reproduction humaine.

Source : Règlement CLP

[308] La liste des substances ayant fait l'objet d'un classement CMR européen harmonisé figure dans l'annexe VI du règlement CLP. Cette liste est révisée régulièrement en fonction de l’évolution des connaissances168.

[309] L’un des objectifs majeurs du règlement REACH est de parvenir à réduire ou substituer la présence des substances jugées les plus dangereuses par des substances plus sûres. Pour ce faire, une procédure d’autorisation est rendue obligatoire pour toutes les substances considérées comme

« extrêmement préoccupantes » pour l’homme ou l’environnement. Une feuille de route, dite « SVHC 2020 Roadmap », visait à ce que, d’ici 2020, toutes les substances extrêmement préoccupantes pertinentes soient incluses sur cette liste des substances candidates à l’autorisation. L’agence européenne des produits chimiques a détaillé les critères devant conduire au classement de ces substances :

Les substances qui répondent aux critères de classification des substances comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR), de catégories 1A (effets avérés), ou 1B (effets présumés) tels que définies dans le règlement CLP 1272/2008 modifié169 ;

Les substances qui sont persistantes, bioaccumulables et toxiques (PBT) ou très persistantes et très bioaccumulables (vpvb), conformément à l’annexe XIII de REACH ;

Les substances au cas par cas qui suscitent un niveau de préoccupation équivalent à celui suscité par l’utilisation de substances CMR ou PBT/vpvb.

168 Règlements dit d’adaptation au progrès technique (APT) du règlement CLP relatif aux substances dangereuses 1272/2008/CE qui complètent la liste des substances classées CMR.

169 Les CMR de catégorie 2 (effets suspectés) ne sont pas pris en compte pour le classement des substances extrêmement préoccupantes.

[310] On dénombrait, en 2018, 1 391 substances classées CMR, plus de 1 000 d’entre elles étant classées comme cancérogènes170 . Toutefois, cette liste n’est pas exhaustive des substances CMR présentes sur le marché. D’autres substances peuvent être classées cancérogènes et/ou mutagènes et/ou toxiques pour la reproduction par les industriels sur la base des critères figurant à l’annexe I du règlement CLP.

3.1.1 L’impact de l’articulation des réglementations CLP et Cosmétiques

[311] Les termes composant l’acronyme « CMR » ne figurent pas dans la directive de 1976. Avant le règlement de 2009, les dangers intrinsèques « CMR » s’inscrivaient dans le processus « normal » d’évaluation des substances débouchant sur une autorisation, une interdiction ou une restriction. Le considérant n°32 du règlement 1223/2009 justifie un traitement spécifique de ce danger en le raccordant à la classification CLP et en posant une interdiction de principe.

Considérants n°32 et 33 du règlement 1223/2009 relatif aux substances CMR

(32) En raison des propriétés dangereuses des substances classées comme cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR) des catégories 1A, 1B et 2, en vertu du règlement (CE) no 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, leur utilisation dans les produits cosmétiques devrait être interdite. Toutefois, étant donné qu’une propriété dangereuse d’une substance n’entraîne pas nécessairement toujours un risque, il convient de prévoir la possibilité d’autoriser l’utilisation de substances classées comme CMR de catégorie 2 lorsque, au vu de l’exposition et de la concentration, elles ont été considérées comme sûres pour un emploi dans les produits cosmétiques par le CSSC et qu’elles sont réglementées par la Commission dans les annexes du présent règlement. En ce qui concerne les substances classées comme CMR de catégorie 1A ou 1B, il devrait être possible, dans le cas exceptionnel où ces substances sont conformes aux exigences de sécurité alimentaire, notamment parce qu’elles sont naturellement présentes dans les produits alimentaires, et où il n’existe aucune substance de substitution appropriée, d’employer ces substances dans les produits cosmétiques, à condition que cette utilisation ait été considérée comme sûre par le CSSC. Lorsque ces conditions sont remplies, la Commission devrait modifier les annexes pertinentes du présent règlement dans un délai de quinze mois après la classification des substances comme CMR de catégorie 1A ou 1B conformément au règlement (CE) no 1272/2008. Ces substances devraient faire l’objet d’un réexamen continu par le CSSC.

(33) Toute évaluation de la sécurité des substances, en particulier des substances CMR de catégorie 1A ou 1B, devrait tenir compte de l’exposition globale à ces substances émanant de toutes sources. Dans le même temps, il est essentiel que, pour les personnes chargées de la réalisation des évaluations de la sécurité, il existe une approche harmonisée en ce qui concerne l’élaboration et l’utilisation des estimations relatives à cette exposition globale. En conséquence, la Commission, en étroite coopération avec le CSSC, l’Agence européenne des produits chimiques (AEPC), l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et d’autres parties intéressées, devrait procéder de toute urgence à une révision et élaborer des lignes directrices en matière de production et d’utilisation des estimations relatives à l’exposition globale pour ces substances.

Source : Règlement UE 1223/2009

[312] On relève que si la classification CLP distingue trois catégories de dangers (avéré, supposé et suspecté), celle sur les cosmétiques n’en retient que deux, les catégories danger avéré ou supposé étant finalement renvoyées aux mêmes conditions de dérogation « à titre exceptionnel ».

170 Liste des substances CMR issue du tableau 3 de l’annexe VI de CLP, 13e APT/ site CNRS http://www.prc.cnrs.fr/spip.php?rubrique14/ traitement mission

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[313] L’article 15 du règlement 1223/2009/CE a prohibé l’incorporation dans les produits cosmétiques de substances classées CMR sauf évaluation positive du CSSC. L’entrée en application de cet article est intervenue au 1er décembre 2010, date coïncidant avec l’entrée en application des règlements d’adaptation CLP. S’est posée dès lors la question des modalités d’application de cette interdiction dans les cosmétiques. Fallait-il ou non en faire une transposition explicite dans les annexes du règlement de 2009 ?

[314] Jusqu’à décembre 2010, un peu plus de 1 000 substances classées CMR 2 ou 1 ont été interdites et introduites à l’annexe II du règlement cosmétique. Les autres substances évaluées par le CSSC, figuraient dans les annexes III à VI. Après la phase d’alignement initial des deux réglementations, la commission européenne a changé de position et considéré que toute nouvelle classification ou requalification d’une substance CMR via CLP vaudrait interdiction automatique, sans nécessité d’introduire spécifiquement celle-ci à l’annexe II du règlement cosmétique. Après 2010, l’application du principe d’interdiction « automatique » sans transposition explicite dans l’annexe II a construit un paradoxe réglementaire, certaines substances interdites par voie automatique au titre de l’article 15 (mais sans être inscrites formellement dans l’annexe II) continuant à figurer comme substances soumises à restriction (Annexe III) ou figurant sur les listes positives (Annexes IV à VI).

Tableau 17 : Les substances CMR utilisés dans les cométiques dans une incertitude réglementaire dès 2010

Stock : Substances ou mélanges classés comme

automatiquement interdits à partir de 2010 Période interdiction

Boric acid Avant 2010

Quaternium 15 Avant 2010

PHMB Entre 2010 et 2016

Formaldehyde Entre 2010 et 2016

Chloroacetamide Entre 2010 et 2016

Methylene chloride Entre 2010 et 2016

Source : Cosmetics Europe

[315] Entre 2010 et 2016, avec les mises à jour de la classification CLP, de nouvelles substances se sont ajoutées. En 2016, près de 200 nouvelles substances étaient interdites sans transposition explicite dans l’annexe II ou en attente d’évaluation dérogatoire du CSSC. Pour en sortir, après consultation des Etats membres, la commission européenne a souhaité revenir à l’approche initiale d’une double inscription formelle des substances CMR, dans le règlement CLP et dans les annexes du règlement cosmétique. Cette évolution a rencontré l’opposition de certains Etats membres dont la France qui craignait la lenteur du processus de translation ou d’évaluation et que certaines substances classées CMR puissent être utilisées plusieurs années dans les cosmétiques avant évaluation par le CSSC et inscription dans l’une des annexes du règlement cosmétique.

[316] Après des débats importants au sein du comité des Etats membres, le COMCOS, une majorité a opté en 2018 pour une transcription annuelle dans le règlement cosmétique. Un premier règlement de rattrapage dit « Omnibus 1 » modifiant les annexes II, III et V a été adopté en 2018 pour 220 substances CMR, un second règlement Omnibus 2 a été adopté début janvier 2020 (12 substances) et chaque année devrait maintenant connaître son règlement Omnibus alignant les deux

réglementations dans un délai de 15 mois correspondant à l’entrée en vigueur de la nouvelle classification CLP. La France a exprimé le souhait de guidelines précisant le cadre temporel de transposition en annexe II ou d’évaluation des demandes de dérogation par le CSSC. Il ne s’agissait pas que le choix d’une transposition retarde l’interdiction, ni qu’une demande de dérogation dont l’examen s’éterniserait ne conduise à une prolongation indue de l’utilisation de substances aux propriétés dangereuses. Le CSSC doit avoir statué avant l’entrée en vigueur de la classification CMR, ce qui peut être un défi compte tenu de sa charge de travail. Ces guidelines n’ont pas été produits à ce stade. L’un des dossiers récemment examiné par le CSSC concernant le zinc pyrithione montre toutefois que ce cadre temporel a été globalement respecté.

[317] Ce débat juridique sous-tend de fait un enjeu sanitaire important : classées CMR, les substances ne doivent pas pouvoir demeurer utilisées une durée indéterminée dans les cosmétiques hors un usage encadré par le CSSC. Compte tenu de leurs dangers, c’est par un choix délibéré et rapide et non par un flou juridique en attente d’examen que leur usage exceptionnel est acceptable.

3.1.2 Le projet de restriction des encres de tatouages dans le cadre du règlement REACH.

[318] Faisant suite aux travaux initiés par le Conseil de l’Europe171, la Commission européenne a saisi l’agence européenne des produits chimiques ECHA sur l’opportunité d’une restriction de près de 6 000 substances entrant dans la composition des encres.

[319] Les conclusions des appels à contribution ouverts en 2016 et 2017, et de la consultation publique en 2018, ont conduit l’ECHA à proposer aux Etats membres de restreindre l’usage d’environ 4 000 substances et à en interdire deux, les pigments bleu 15 et vert 7172. Le projet de décision est principalement alimenté par les préoccupations concernant les substances CMR mais il les dépasse : ainsi des substances irritantes ou allergisantes, des substances potentiellement corrosives pour les yeux et la présence de certains métaux sont également concernées.

[320] L’usage d’une partie de ces substances est déjà restreint dans les cosmétiques par le règlement 1223/2009 mais ne l’était pas pour les produits de tatouage commercialisés en Europe. Il s’agit d’aligner les deux réglementations pour tous les Etats membres comme cela a été fait dans la législation française.

[321] Le projet de l’ECHA devait être discuté par les Etats membres à partir de février 2020. La mise en œuvre s’appliquerait dans un délai de un à deux ans après la décision173.

3.2 Nanomatériaux

[322] On développera ici la question des nanomatériaux manufacturés et notamment ceux entrant dans la composition des produits cosmétiques ou de tatouage. Le développement de ces matériaux de très petite taille concerne l’ensemble des secteurs industriels et doit être replacé dans ce contexte.

[323] L’échelle nanométrique peut, selon les définitions intégrer des éléments de la taille d’un virus à celle d’un atome. On considère généralement qu’elle concerne des éléments relevant de la taille d’une molécule (100 nm) ou d’un atome (0,1 nm).

171CoE-ResAP(2008)

172 Opinion of the Committee for Risk Assessment and Opinion of the Committee for Socio-economic Analysis on an Annex XV dossier proposing restrictions of the manufacture, placing on the market or use of a substance within the EU, 201

173 La restriction s’appliquera dans un délai d’un an, l’interdiction dans un délai de 2 ans afin de permettre aux formulateurs de trouver des solutions de remplacement plus sûres.

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Schéma 5 : Comparaison des échelles micro et nanométriques

Source : Buzea, Pacheco, I & Robbie K, Nanomaterials and nanoparticles: Sources and toxicity.

Biointerphases, Vol. 2, No. 4, December 2007

[324] On remarquera en préambule qu’il existe de nombreuses sources de nanoéléments autres que celles des produits synthétisés à dessein par les industriels :

La production des nanoparticules est tout d’abord naturelle : cendres volcaniques, feux de forêts, produits d’érosion terrestre naturelle véhiculés par les eaux, les vents et les embruns marins… ; de nombreux virus sont également à taille nanométrique comme cela est rappelé dans le schéma précédent ;

La production liée à l’activité humaine peut ne pas être intentionnelle : la combustion d’un moteur diesel, l’activité d’un grille-pain produisent des nanoparticules dites incidentelles.

[325] S’agissant de la fabrication à dessein, les nanomatériaux manufacturés sont classés selon la première norme ISO/TS 80004-1 publiée en 2010174 en deux grands groupes : les nano-objets et les matériaux nanostructurés.

174ISO/TS 80004-1:2010. Une deuxième édition a été publiée en 2015 : ISO/TS 80004-1:2015 Nanotechnologies

Schéma 6 : Nano-objets et matériaux nanostructurés

Source : Hansen 2007, (adaptation INRS, 2012)

[326] Les nanomatériaux utilisés dans les produits cosmétiques et de tatouage relèvent de la première catégorie, les nanoparticules, qui se présentent le plus généralement sous forme de poudres ultrafines entrant dans la composition des crèmes et lotions cosmétiques ainsi que des encres de tatouage.

[327] L’usage des nanomatériaux manufacturés est croissant dans le monde. La figure suivante détaille leur progression dans les différents biens de consommations entre 2007 et 2015. Les données ont été compilées dans le cadre du projet sur les technologies émergentes175 qui suit les produits de consommation nanoformés depuis une vingtaine d’années et dont la base de données a fait l’objet d’une synthèse en 2015176.

175 https://www.nanotechproject.org/cpi/

176 Vance, M. E., et al. (2015) Nanotechnology in the real world: Redeveloping the nanomaterial consumer products inventory. Beilstein Journal of Nanotechnology, 6, 1769-1780

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Graphique 3 : Evolution du nombre de matériaux nanoformés dans les différents biens de consommation entre 2007 et 2014

Source : Vance, M. E., et al. (2015)

[328] Le recours croissant à partir des années 1980 à des substances manufacturées de taille très réduite, de l’ordre de 0,1 à 100 milliardièmes de mètre, dans l’ensemble des produits de consommation, et notamment dans les produits de santé et de bien-être, a attiré l’attention des consommateurs et des régulateurs en charge de la sécurité des produits dès les années 1990. En 2005, la Commission européenne a défini dans son plan d’action pour l’Europe 2005-2009 « une série d’actions articulées et interconnectées en vue de la mise en œuvre immédiate d’une stratégie des nanosciences et des nanotechnologies sûre, intégrée et responsable ». Ces actions ont généré de nombreux travaux de recherche et ont conduit à l’édiction de normes, réglementations générales et spécifiques en Europe au début des années 2010.

[329] Il s’agissait de définir les conditions d’évaluation des dangers et éventuels dommages d’une part et de prendre les mesures de réduction des risques d’autre part.

[330] Evaluer les dangers sur les systèmes biologiques et les dommages renvoie tout d’abord à une définition stabilisée de ce qu’est un nanomatériau, cela nécessite ensuite de disposer de méthodes fiables pour les mesurer dans les produits mis sur le marché ; l’exposition de la population à ces substances nanoformées peut ensuite être estimée et on peut alors tenter de rapporter à cette exposition d’éventuels effets indésirables de court, moyen et long terme.

3.2.1 Une approche juridique non harmonisée

3.2.1.1 Une harmonisation des définitions européennes longtemps différée, qui pourrait progresser en 2020

[331] Dans le cadre de son plan d’action 2005-2009, la Commission a passé en revue la législation de l’Union afin de déterminer l’applicabilité des dispositions existantes aux risques potentiels des nanomatériaux. Les conclusions de cette étude publiée en juin 2008 ont établi que le terme

« nanomatériaux » n’était spécifiquement mentionné dans aucun texte législatif de l’Union. Le Parlement européen a préconisé en avril 2009 l’introduction d’une définition scientifique exhaustive des nanomatériaux dans la législation européenne.

[332] C’est dans ce contexte que dès 2009, le règlement européen relatif aux cosmétiques a introduit une définition des nanomatériaux : un matériau insoluble ou bio-persistant, fabriqué intentionnellement et se caractérisant par une ou plusieurs dimensions externes, ou une structure interne, sur une échelle de 1 à 100 nm177. Toutefois, il précisait que celle-ci pourrait être adaptée si la Communauté européenne parvenait à un accord sur une définition dans des enceintes internationales appropriées. « Si un tel accord était obtenu, la définition des nanomatériaux devrait être adaptée en conséquence dans le présent règlement »178.

[333] La commission européenne a publié une définition en 2011 : « On entend par nanomatériaux, un matériau, formé accidentellement ou manufacturé contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont au moins 50 %, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1nm et 100 nm. Cependant, dans des cas spécifiques, lorsque cela se justifie pour des raisons tenant à la protection de l’environnement, à la santé publique, à la sécurité ou à la compétitivité, le seuil de 50 % fixé pour la répartition numérique par taille peut être remplacé par un seuil compris entre 1 % et 50 %. »179. Etait également mentionné que tout matériau est à considérer comme relevant de la définition, dès lors qu’il présente une surface spécifique en volume supérieure à 60 m2/cm3.

[334] Cette définition a fait l’objet de nombreuses discussions et, alors même que la recommandation de 2011 prévoyait un ré-examen à l’échéance de décembre 2014, notamment sur la pertinence du seuil des 50 %, aucune nouvelle définition n’a finalement été adoptée depuis.

[335] Parallèlement les autorités françaises se sont appuyées sur les définitions internationales, notamment ISO180, et ont introduit dans la législation nationale leurs propres définitions. Il existe

177 Article 2 Définitions, §k Règlement (CE) 1223/2009

178 Considérant 29 Règlement 1223/2009

179 Recommandation n° 2011/696/UE du 18/10/11 relative à la définition des nanomatériaux, Article 2.

180 ISO/TS27687: 2008 et ISO/TS80004-4 : 2011

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