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L’évaluation de la sureté des cosmétiques, processus le plus sensible, est partagée entre régulateur et industriels

ANNEXE 6 : les processus contribuant à la maîtrise des risques

2 Une évaluation très structurée en amont de la mise sur le marché

2.1 L’évaluation de la sureté des cosmétiques, processus le plus sensible, est partagée entre régulateur et industriels

[555] Le processus d’évaluation le plus abouti concerne les cosmétiques. On s’appuiera pour cette description sur les principales étapes détaillées dans le guide ad hoc régulièrement actualisé par la DG SANTE/CSSC, dont la Xème révision a été publiée en 2018291.

[556] La ligne de partage des responsabilités est clairement placée entre substances et produits, la sécurité des produits finis revenant toujours à l’industriel à la phase précédant la mise sur le marché.

291 Note of Guidance for the testing of cosmetic ingredients and their safety evaluation, SCCS/1602/18 Final version

Schéma 11 : Répartition des rôles entre la commission européenne et l’industrie dans l’évaluation de la sécurité des substances (CSSC) et des produits (évaluateur de la sécurité)

Source : Scientific Committee on Consumer Safety (CSSC). Note of Guidance for the testing of cosmetic ingredients and their safety evaluation, CSSC/1602/18 Final version

[557] Cette dixième version du guide, publiée en 2018 constitue un référentiel destiné aux experts évaluateurs de la sécurité du CSSC mais également à tous les évaluateurs travaillant dans ou pour les groupes industriels. On développera ici les principales étapes de l’analyse de risque conduite par le CSSC et l’évaluateur de la sécurité.

[558] L’évaluation de la sécurité nécessite de dérouler plusieurs étapes, qui constituent autant de sous processus distincts. L’évaluation de son produit par un industriel repose sur une démarche

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intellectuelle qui se doit de rassembler l’ensemble des informations sur le produit et les substances qui le composent. Elle n’est pas totalement standardisable compte tenu des différents types d’usage des cosmétiques (d’une pâte dentifrice à une teinture capillaire) et des populations ciblées par le produit. L’évaluation doit répondre aux questions sur la sûreté mais également à celles sur l’efficacité.

[559] En amont de l’expertise de la sécurité proprement dite, l’industriel doit définir les objectifs assignés au produit, ses fonctions et allégations, afin d’identifier dès ce stade un produit qui relèverait d’un autre cadre réglementaire (biocide, médicament ou dispositif médical par exemple292). Les industriels mettent, de plus en plus souvent, sur le marché, des dispositifs médicaux de classe 1 relativement proches de cosmétiques mais revendiquant des effets thérapeutiques ou des modalités d’action différentes de celles des cosmétiques. Dans le droit européen, les statuts juridiques des différents produits sont exclusifs. Il importe dès lors de veiller aux allégations et modalités d’action du produit cosmétique pour ne pas encourir le risque d’une requalification par les autorités compétentes.

[560] Dès la phase de formulation, l’industriel doit intégrer les contraintes réglementaires existantes ainsi que celles raisonnablement prévisibles dans l’horizon de développement et commercialisation du produit (substances en cours de ré-évaluation par les autorités européennes par exemple).

[561] Le schéma général d’évaluation du risque repose sur trois étape principales, la détermination des dangers, la détermination de l’exposition du consommateur et enfin l’évaluation du risque.

Schéma 12 : Schéma général du processus d’évaluation du risque

Source : Cité par Moutier, ML, les substances à risque dans les produits cosmétiques, Thèse, Université de Lorraine, Faculté de Pharmacie année universitaire 2017-2018,

2.1.1 L’expertise doit identifier et caractériser les dangers.

[562] L’évaluateur identifie et caractérise les dangers intrinsèques des matières premières à partir des caractères physico-chimiques des substances et des données toxicologiques connues. La prise en

292 Cf. Annexe 1

compte d’un faible poids moléculaire et du caractère hydrophobe d’une substance peut, par exemple, influer dans le sens d’une plus grande pénétration dans la peau. Les données sur les impuretés qui résultent de la fabrication de la matière première sont également cruciales et dépendent du fournisseur pressenti. Les données disponibles reposent sur des tests in vivo (quand antérieures à l’interdiction des tests animaux), des tests ex vivo (principalement des cultures cellulaires), des tests in vitro (des études « in silico » (simulation informatiques sur modèles), des études cliniques ou épidémiologiques, ou de surveillances post mise sur le marché…

[563] L’existence d’un danger n’implique pas, obligatoirement, l’existence d’un risque. Passer d’une analyse du danger à celle du risque implique de connaître l’exposition, qui varie selon les produits, les voies d’exposition (respiratoire, cutanée, digestive), la fréquence d’utilisation et enfin les quantités appliquées (ou injectées pour les tatouages).

Danger, risque et dommage

Le danger est la propriété intrinsèque d’un produit, d’un équipement, d’une situation susceptible de causer un dommage à l’intégrité mentale ou physique du salarié.

Le risque est « une notion abstraite, inobservable directement, une catégorie de statut intermédiaire entre celle des dangers et celle des dommages ». C’est un évènement à venir, donc incertain. Cette incertitude est fondamentalement irréductible mais elle est plus ou moins grande selon la qualité des informations disponibles. La définition suivante semble faire l’unanimité : le risque est l’éventualité d’une rencontre entre l’homme et un danger auquel il est exposé. Deux composantes caractérisent le risque :

 La probabilité de la survenance d’un dommage liée à la fréquence d’exposition et/ou la durée d’exposition au danger et la probabilité d’apparition du phénomène dangereux,

 La gravité du dommage.

Le dommage est un évènement non souhaité.

Source : INERIS, 2014

[564] La confusion persiste entre les termes danger et risques, notamment chez certains utilisateurs.

Les industriels se doivent de mettre sur le marché non des produits sans substances dangereuses, mais des produits sûrs dans les conditions usuelles de leur usage. Ces analyses sont l’objet même du processus d’évaluation toxicologique et de maîtrise des risques.

2.1.2 L’expertise doit estimer l’exposition humaine aux substances

[565] L’évaluation de la sécurité n’est pas uniquement basée sur les propriétés toxicologiques intrinsèques des substances mais également sur la manière dont le produit cosmétique est utilisé.

L’appréciation de l’exposition variera selon les produits et les voies d’exposition possibles, d’une part, et la fréquence d’utilisation, d’autre part.

[566] Les données d’exposition reposent pour beaucoup sur les données produites par les industriels ou leurs associations européennes (Cosmetics Europe) et internationales (IFRA). D’autres données nationales peuvent exister. On rappellera notamment ici l’étude financée par l’ANSM en 2011-2012 (cf. Annexe 3 Risques sanitaires)293.

293 FICHEUX AS et al. 2016. Op. cit.

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[567] L’analyse de l’exposition à une substance apportée par le seul produit via une seule route constitue l’approche minimale. Parfois, un calcul d’exposition agrégée est nécessaire qui combine plusieurs voies d’exposition (pour un même produit) ou plusieurs expositions à la substance si elle peut être présente dans plusieurs produits cosmétiques. A l’exception des substances classées CMR, pour lesquelles le règlement impose une analyse plus poussée des expositions de plusieurs sources (alimentation, produits de santé…), l’évaluation de l’exposition reste généralement mono-source, limitée aux seuls cosmétiques.

[568] Selon les usages et la composition, des études d’exposition doivent être réalisées pour des sous- populations jugées plus vulnérables (femmes enceintes, enfants de moins de 3 ans…).

2.1.3 L’évaluation doit produire une analyse dose-réponse

[569] La toxicologie classique est basée depuis Paracelse sur le fait que toute substance peut devenir dangereuse au-delà d’une certaine dose : « Tout est poison, rien n'est poison : c'est la dose qui fait le poison ». L’analyse des risques est construite sur le fait qu’il n’y a pas de risque si cette dose d’exposition est correctement définie et respectée.

[570] Les méthodes diffèrent selon que l’on suppose que les effets nocifs surviennent au-delà d’un certain seuil ou pas.

[571] Dans le cas des effets à seuil, observés pour la plupart des effets toxiques (organospécifiques, neuro-comportementaux, immunologiques, cancérogènes épigénétiques…), « on estime généralement qu’il existe une dose ou une concentration en dessous de laquelle aucun effet indésirable ne se produit : il existe un seuil de toxicité. L’objectif est alors de déterminer la dose ou la concentration en dessous de laquelle la probabilité de survenue de l’effet critique sera en théorie nulle »294 : la dose critique. Il existe différentes méthodes permettant de calculer cette dose critique, utilisées en fonction de la disponibilité des données expérimentales (NOAEL295, LOAEL296…)

[572] Pour les effets sans seuils, notamment les effets mutagènes et génotoxiques, l’hypothèse repose sur le fait que, quelle que soit l’intensité de l’exposition, une probabilité de survenue de la pathologie y est toujours associée. « Des modèles mathématiques, prenant en compte l’ensemble des données sur la relation dose-réponse, ont été conçus pour reproduire ce phénomène biologique. Le choix des modèles d’extrapolation dépendra des informations chimiques et biologiques disponibles sur le mécanisme du processus en cause. Ces modèles interprètent l’extrapolation des fortes doses vers les faibles doses, mais ils ne tiennent pas compte de l’extrapolation des données animales à des données humaines»297. 2.1.4 La caractérisation du risque est alors possible

[573] Le guide du CSSC met l’accent sur les effets systémiques, effets qui, par définition, peuvent concerner tous les organes après passage des substances au-delà de la peau. Dans le cas d'un effet de seuil, la marge de sécurité298 est principalement calculée à partir d'études de toxicité orale, à moins que des données solides de toxicité cutanée ne soient disponibles. Dans le cas d'une étude de toxicité

294 Bonvallot, N et Dor F, valeurs toxicologiques de référence : méthodes d’élaboration. INVS

295Dose maximale sans effet nocif observable (DMSENO ou NOAEL en anglais pour No Observed Adverse Effect Level)

296Dose minimale pour un effet nocif observable (DMENO ou LOAEL en anglais pour Lowest Observed Adverse Effect Level).

297 INVS. Ibid. cit

298 Margin of security (MoS)

orale par exemple, l'équation suivante est utilisée : Marge de sécurité = point de départ / dose d’exposition systémique.

[574] Des facteurs d’incertitudes sont ajoutés à la caractérisation du risque selon la qualité des données disponibles et leur force probante et en fonction de la population (enfants).

Schéma 13 : Schéma simplifié d’un calcul des marges de sécurité

Source : SCCS's Notes of Guidance for the Testing of Cosmetic Ingredients and their Safety Evaluation, 7th Revision

[575] Le CSSC a repris les propositions de l’OMS visant à prendre une marge de sécurité de 100 afin de prendre en compte les variations inter-espèces et les variations entre les groupes humains. Il est parfois possible de raffiner ces estimations comme l’OMS le proposait dès 1994299.

Schéma 14 : Exemple d’un calcul des marges de sécurité affiné

Source : SCCS's Notes of Guidance for the Testing of Cosmetic Ingredients and their Safety Evaluation, 7th et 10th Revision

299 SCCS's Notes of Guidance for the Testing of Cosmetic Ingredients and their Safety Evaluation, 7th Revision

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[576] Avec la décision de réduire les expérimentations animales (REACH) ou de les interdire (Règlement 1223/2009) les méthodes alternatives sont de plus en plus mobilisées pour estimer la dose critique, comme le BenchmarkDose (BMD) les modèles in silico (méthodes numériques) avec notamment la méthode QSAR (Quantitative Structure Activity Relationship) consistant à mettre en place une relation mathématique reliant des propriétés moléculaires microscopiques à un effet expérimental (activité biologique, toxicité, affinité pour un récepteur)300 ; les modèles transversaux : modèles physiologiques pharmacocinétiques PBPK (physiologically-based pharmacokinetic models) et toxicocinétique PBTK (physiologically-based toxicokinetic models).

[577] Les compositions parfumantes représentent un cas particulier. Leur sécurité est attestée par le fabricant de la matière première qui doit fournir des certificats permettant de garantir l’innocuité de la composition parfumante dans certaines conditions d’utilisation. Cette situation renvoie sur le parfumeur la responsabilité de la sécurité. Toutefois, de jure, l’assembleur qui utilise ces mélanges parfumants, doit pouvoir disposer de l’ensemble du dossier de sécurité du parfumeur pour en juger.

2.1.5 Evaluations de la tolérance

[578] Cette évaluation de la sécurité et du risque systémique du produit doit être complétée par des études et tests de tolérance. L’industriel devra choisir les tests in vitro et cliniques les plus pertinents compte tenu « des conditions raisonnables d’usage ». Ils concernent :

La tolérance cutanée ;

La tolérance oculaire ;

La sensibilisation ;

La photo-toxicité.

[579] Le guide du CSSC détaille les tests, proposés par l’OCDE, et recommandés pour ces différents thèmes.

2.1.6 Autres risques évalués avant la mise sur le marché

[580] Plusieurs batteries de test peuvent compléter les évaluations de sécurité décrites ci-dessus.

Elles peuvent concerner :

La stabilité du produit fini ;

La stérilité du produit fini ;

Le conditionnement du produit.

2.2 Un rôle essentiel d’expertise scientifique du CSSC qui repose sur une participation