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4 L’exemple des produits de protection solaire

ANNEXE 3 : Enjeux sanitaires des produits cosmétiques et de tatouage

2 Produits cosmétiques

2.5 Les principaux enjeux sanitaires des cosmétiques

2.5.1 Des effets indésirables de toutes natures et de gravité variable

[215] Les effets néfastes de certains cosmétiques sont connus de longue date. Comme pour les produits de tatouage, les premières publications scientifiques remontent au 18ème siècle.

Historique des effets indésirables de certains cosmétiques

Les produits cosmétiques ont longtemps été considérés comme anodins et sans risque. Cependant, dès le XVIIIème siècle, certains produits cosmétiques sont pointés du doigt pour leurs effets nocifs potentiels. C’est, par exemple, le cas des produits à base de céruse (ou carbonate de plomb). Ce pigment était utilisé dans la préparation de fards tant pour sa couleur blanche que pour ses propriétés détersives atténuant les irrégularités de la peau. Dès le XVIème siècle, l’usage des fards blancs et rouges est introduit à la Cour de France, le blanc du visage témoignant, à cette époque, de la distinction des aristocrates. (…)

Pourtant, certains soupçonnent déjà les effets nocifs de la céruse et mettaient en garde contre ces derniers.

En 1582, Jean Liebaut, par exemple, écrit dans son manuel de cosmétique qu’il faut ≪ se garder [de ces préparations] comme de la peste d’autant qu’on s’y accoutume [...] on se trouvera vieux et tout ridé à 30 ans ≫.

Cependant, il faut attendre la seconde moitié du XVIIIème siècle pour que l’utilisation de la céruse soit remise en cause en cosmétique, consécutivement à la condamnation de l’utilisation du plomb en médecine.

En effet, en 1760, le docteur Maurice Deshais-Gendron s’inquiète de la survenue de pathologies oculaires chez des femmes utilisant ces fards. Il décrit également des sècheresses buccales et des gingivites. Il évoque, parmi les classes élevées, des maladies de poitrine et des affections pulmonaires qui pourraient être consécutives à l’utilisation de ces blancs sur une large surface du corps. Sa dénonciation des cosmétiques est sans appel : ≪ vous ne trouverez dans leur composition que poisons, que corrosifs, que dessicatifs, qu’astringents ≫. D’autres, comme le docteur Lorry, précisent les dangers des préparations au plomb sur la base de raisonnements fondés sur l’observation et la comparaison des signes cliniques.

A partir des années 1770, les effets toxiques de la céruse sont reconnus de tous et condamnés. Les recettes cosmétiques envoyées à la Société Royale de Médecine pour obtenir une autorisation de vente en témoignent : aucune recette contenant de la céruse n’est acceptée, concourant ainsi à l’élimination progressive de cet ingrédient des préparations

Source : Crestey, L. Evolutions de la réglementation des produits cosmétiques et impacts sur l’évaluation de la sécurité pour la santé humaine. 2011, thèse pour le diplôme d’Etat de docteur en pharmacie. Université de Caen.

UFR des sciences pharmaceutiques

[216] L’encadré suivant détaille les principaux effets indésirables, graves ou non, pouvant être induits par un produit cosmétique.

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Les effets indésirables possibles chez l’homme dus à un produit cosmétique

Les effets cutanéo-muqueux

Deux types d’effets cutanéo-muqueux sont recensés :

- Aigus : brûlures par erreur de composition de lot, de packaging, de technique.

- Chroniques : pigmentation (mélanose de Rielh), dépigmentation vitiligoïde, effets comédogènes, hyperpilosité ou dépilation, vergetures, irritation.

Les effets extra-cutanés

Les effets extra-cutanés sont l’expression de la pénétration.

On retrouve : - Les allergies

Immédiate : urticaire, asthme, choc anaphylactique.

Retardée : eczéma de contact, dermatites.

- Les atteintes hépatiques, - Les atteintes respiratoires, - Les atteintes neurologiques,

- Les atteintes endocriniennes et atteintes de la reprotoxicité, - Les effets mutagènes,

- Les cancers voire les décès.

Source : Thanacody B. Cosmétovigilance : Règlementation, Analyse rétrospective clinique de 30 dossiers reçus par l’antenne de cosmétovigilance du Centre Hospitalier Universitaire de Besançon en 2010, Comparaison avec les dossiers déclarés à l’Afssaps la même année. Chimie. Faculté pharmacie Besançon, 2012.

[217] On s’attachera dans un premier temps aux effets possibles les plus graves détaillés dans cette liste, en commençant par sa dernière ligne, les décès et les cancers, pour décrire ensuite les effets indésirables les plus fréquents, notamment les allergies.

2.5.2 Des évènements indésirables graves avérés relativement rares au regard des usages ; des effets de long terme encore peu étudiés.

2.5.2.1 La survenue de décès a conduit à l’édiction des réglementations nationale et européenne

[218] C’est dans la seconde moitié du 20ième siècle que surviennent deux « affaires » dont la révélation va faire prendre conscience des effets potentiellement graves liés à l’usage des cosmétiques. Il s’agit, dans les deux cas, d’affaires de talc contaminé ayant conduit aux décès de nourrissons.

[219] En 1952, le laboratoire Daney qui avait repris la fabrication du talc Baumol pour bébés, a substitué par accident de l'anhydride arsénieux à de l'oxyde de zinc lors de la fabrication de son talc.

On dénombrera environ 500 victimes dont 73 décès. A la même période, en 1954, une affaire similaire concernant un médicament, le Stalinon, prescrit contre la furonculose, est advenue en raison de plusieurs dysfonctionnements dans la procédure d’évaluation de la toxicité et dans la fabrication : le Stalinon contenait par erreur de l'iodure de triéthylétain plus toxique que l’oxyde

d'étain de la formulation117. Ces deux affaires fondent les premières réglementations en matière de bonne pratique de fabrication (BPF) des médicaments. Mais c’est une seconde affaire de talc pour nourrissons qui induira celles relatives aux cosmétiques.

[220] En 1972, une substance à visée bactéricide, de l’hexachlorophène, est mélangée à raison de 6,35 % à un lot de 600 kg de talc conditionné par la société Sético pour le compte de la société Morhange. Sur les 204 nourrissons ayant été poudrés lors de leur lange avec cette substance neurotoxique dont la concentration était excessive, 168 seront victimes de troubles digestifs et neurologiques et 36 en décèderont118. Ces dommages, liés à une mauvaise pratique de fabrication en lien avec un sous-traitant, ont marqué l’opinion et conduit aux premières réglementations des produits cosmétiques, française en 1975 et européenne en 1976, Le législateur français a posé à cette occasion les fondements de l’utilisation des cosmétiques « un cosmétique ne doit pas nuire à la santé humaine »119.

[221] Depuis cette période, en France, plus aucun décès n’a été rapporté à l’utilisation d’un cosmétique dans ses conditions usuelles. Les décès signalés par les centres antipoison français sont essentiellement liés à un mésusage dans un contexte d’altération des facultés mentales des consommateurs impliqués ou plus rarement, sont liés à une intoxication volontaire : entre 2015 et 2019, ils ont concerné 15 adultes et aucun enfant120.

[222] Un décès a toutefois été signalé en Espagne, lié à la contamination bactériologique d’un cosmétique utilisé dans un service hospitalier en 2006 (cf. infra). Un autre par les autorités canadiennes dans leur rapport de surveillance quinquennal 2013-2017 a été induit par une intoxication associée à un produit de laque capillaire121. Ces dernières données ne sont pas publiées dans les revues scientifiques et leur repérage a été fortuit, l’identification des deux cas ne prétend donc pas être exhaustive.

[223] On peut considérer toutefois que les décès survenant dans des conditions d’usage normal des produits cosmétiques sont aujourd’hui des évènements exceptionnels. Cette évolution témoigne des progrès manifestes apportés à la sécurisation de la conception et de la production de ces produits en Europe.

2.5.2.2 Une centaine d’effets indésirables graves immédiats est déclarée chaque année

[224] Le nombre d’évènements jugés graves déclarés en France à l’ANSM se situe autour d’une centaine par an entre 2015 et 2018. L’imputabilité a été jugée vraisemblable dans les deux tiers des cas.

117 Monneret, C. La révolution thérapeutique sous les trente glorieuses, Faits et anecdotes. Editions universitaires européennes (2016). 160 pages

118 Martin-Bouyer G, Toga M, Lebreton R, Stolley P, Jean L. Out-break of accidental hexachlorophene poisoning in France.

Lancet1982;319(8263):91–5.

119Coiffard L et Couteau C. De l’influence de scandales sanitaires sur la réglementation des produits cosmétiques, Médecine

& Droit 2017 (2017) 51–55

120 Centre antipoison et de toxicovigilance de Nancy. 2020. Réponse à une requête de la mission.

121Santé Canada. Rapport de surveillance quinquennal du Programme de la sécurité des produits de consommation : 2013-2017. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/securite-produits/rapport-surveillance-securite-produits-consommation/2013-2017.html?wbdisable=true

RAPPORT (ANNEXES) IGAS N°2019-076R/IGF N°2019-M-040-02

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Graphique 3 : Imputabilité au produit des effets indésirables graves

Source : ANSM, Rapport annuel de cosmétovigilance 2018

[225] La majorité de ces cas graves relevaient de manifestations allergiques immédiates ou retardées (respectivement 48 % et 46 % des cas graves).

Extraits du rapport d’activité de la cosmétovigilance (ANSM 2018)

Les déclarations concernaient majoritairement des adultes, qui représentaient : 70 % des cas graves et 80 % des cas non graves.

Les cas rapportés concernent majoritairement des femmes, ainsi en 2018 : 81 % des cas graves et 78 % des cas non graves concernent des femmes ; 19 % des cas graves et 22 % des cas non graves concernent des hommes.

Au niveau des cas graves, les trois produits les plus souvent suspectés sont les produits de soin de la peau (32,1 % des cas), les colorations capillaires (15,5 % des cas) et les produits de nettoyage de la peau (11,9 % des cas). On remarque donc une légère différence entre la tendance générale et les cas graves isolés.

Les trois diagnostics les plus courants sur les cas graves sont les allergies retardées (29 % des cas) les brûlures (20 % des cas) et les allergies immédiates (20 % des cas).

56 % des cas graves ont mené à un arrêt de travail, 21 % à une hospitalisation et 10 % des cas ont mené à une simple consultation médicale.

L’imputabilité au produit des cas grave est jugée comme très vraisemblable ou vraisemblable dans 73 % des cas et possible dans 18 %.

Source : ANSM, Rapport annuel de cosmétovigilance 2018

[226] Ces évènements peuvent survenir avec une large gamme de produits, les principaux produits sont détaillés ci-dessous.

Graphique 4 : Répartition des cas graves selon les produits suspectés en 2018

Source : ANSM, Rapport annuel de cosmétovigilance 2018 Risque vital

[227] Chaque année, l’ANSM est confrontée à 4 ou 5 cas graves caractérisés par un risque vital immédiat : choc anaphylactique de stade 2 ou 3122 avec malaises, œdèmes de Quincke et/ou des urticaires généralisés, difficultés respiratoires avec gonflement de la bouche et de la gorge.

Imputabilité des cas aux produits impliqués en 2018

Sur 2 cas graves caractérisés par un risque vital immédiat. Les effets sont un œdème de Quincke et une réaction allergique.

Pour le premier cas conduisant à un œdème de Quincke, l’imputabilité du produit est vraisemblable. Le patient a eu une allergie qui a entraîné une perfusion d’adrénaline, un traitement par corticostéroïdes et antihistaminiques. Le délai entre l’application du produit et la survenue de l’effet indésirable concorde.

Pour le second cas, l’imputabilité du produit est vraisemblable. Le produit a entraîné une allergie avec des rougeurs comme un coup de soleil au niveau du visage et du cou. Le délai entre la survenue des symptômes et la dernière utilisation du produit est de 2 à 3 jours et il a entraîné l’appel du SAMU.

Source : ANSM, Rapport annuel de cosmétovigilance 2018

[228] Le taux de décès en cas d’anaphylaxie est de l’ordre de 0,3 %123. Dans l’hypothèse où tous les cas de ce type seraient bien notifiés à l’ANSM, le risque de décès par réaction allergique en France lié à un cosmétique est heureusement très limité.

122 Classification adaptée de Ring et Messmer. Dans les formes de gravité I ou II, l’évolution peut être spontanément favorable après l’arrêt de l’administration de l’allergène. Dans les grades III et IV, considérés comme menaçant le pronostic vital, un traitement adapté doit être mis en œuvre précocement.

123 L Ma TM Danoff L. Borish Case fatality and population mortality associated with anaphylaxis in the United States. J Allergy Clin Immunol 2014 (133)

RAPPORT (ANNEXES) IGAS N°2019-076R/IGF N°2019-M-040-02

90 Convulsions chez des nourrissons

[229] Hormis ces circonstances dramatiques de décès ou menace de risque vital, d’autres évènements graves sont survenus ces dernières années ayant concerné des nourrissons. Il s’agit d’intoxications par une substance terpènoïde (camphre, eucalyptol, menthol) présente dans un cosmétique, ayant entraîné des convulsions chez huit nourrissons.

Survenue en France de convulsions chez des nourrissons entre 2004 et 2008124

Deux cas d'effets indésirables neurologiques se traduisant notamment par des convulsions ont été observés en 2004 chez des nourrissons à la suite de l'utilisation d'un produit cosmétique contenant des dérivés terpéniques (huiles essentielles renfermant de l'eucalyptol et du camphre). Il s'agissait de Vicks BabyBalm, baume parfumant corporel, pot de 50 ml commercialisé par la société Procter & Gamble destiné à être utilisé comme relaxant par massage, sur la poitrine des nourrissons de plus de 3 mois.

Les effets indésirables observés ont conduit l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) à demander à la firme de procéder au retrait du baume parfumant dans le circuit officinal et dans les établissements de santé.

Cette alerte n’a malheureusement pas suffi pour sécuriser le marché sur ce sujet.

Elle a été suivie en 2006 par une demande de l’AFSSAPS à un fabricant de retirer du marché, des lots d’une lotion physiotonique, contenant des concentrations importantes en terpènoïdes, ne mentionnant pas des précautions d’utilisation du produit chez le nourrisson et l’enfant, et ayant occasionné la survenue d’un effet indésirable neurologique grave. Puis en 2007 et 2008 trois autres effets indésirables neurologiques graves ont été déclarés chez des nourrissons et ont conduit au retrait d’un produit destiné à partir de l’âge de 3 mois et contenant de l’eucalyptol.

Dans le domaine du médicament, les spécialités pharmaceutiques contenant un des terpènes, le camphre, étaient contre-indiquées chez les enfants de moins de 30 mois. Cette contre-indication a été étendue en 2011 à tous les terpènes notamment l'eugénol et l'eucalyptol.

Source : AFFSSAPS. Traitement mission.

Un faible nombre de cas graves déclarés en cosmétovigilance atteste-t-il de produits globalement sûrs ?

[230] S’agissant de produits « ne devant pas nuire », l’absence de décès apparaît comme une exigence minimale. La faiblesse des évènements graves signalés au regard d’une utilisation pluriquotidienne d’une dizaine de produits différents par la quasi-totalité de la population est un élément rassurant.

[231] Toutefois, les signaux de cosmétovigilance portent essentiellement sur des effets de court terme où le lien entre un effet et un produit peut être raisonnablement envisagé et établi. La cosmétovigilance ne dit rien des effets graves qui pourraient survenir à long terme. Ce sont des sujets qui demandent des travaux de recherche. Il n’existe pas de « cosméto-épidémiologie » qui, à l’image de la pharmaco-épidémiologie, permettrait de lier utilisation d’un produit et effet néfaste, comme les études conduites sur les risques liés à l'exposition in utero aux antiépileptiques.

[232] L’identification d’effets indésirables graves survenant à long terme ne peut reposer que sur des enquêtes spécifiques, le plus souvent longues et coûteuses, notamment s’agissant d’études

124 AFFSAPS Produits cosmétiques à base de terpénoïdes : camphre, eucalyptol, menthol. Recommandations à l’attention des fabricants et responsables de la mise sur le marché. Août 2008

prospectives qui suivent sur plusieurs années des populations importantes, en surveillant leur exposition à un, ou des, produit(s).

[233] Plusieurs risques sérieux ont été en partie explorés lors de travaux, essentiellement publics, et d’organismes de recherche et/ou universitaires. On présentera ici ceux relatifs aux cancers ainsi que ceux, plus récents, des troubles du développement de l’enfant.

2.5.2.3 La responsabilité des cosmétiques dans la survenue de cancers, souvent invoquée, n’est pas démontrée

[234] Les produits cosmétiques, comme les produits de tatouages peuvent ponctuellement contenir des substances classées cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (cf. infra). Celles-ci ne peuvent toutefois être utilisées dans les cosmétiques à titre dérogatoire que sous réserve d’une évaluation favorable du CSSC, attestant que le danger (un effet cancérogène avéré) est maîtrisé sous certaines conditions d’usage, principalement de concentration, et qu’aucun dommage, en l’occurrence ici un cancer, ne surviendra. Tout l’enjeu de la surveillance épidémiologique est de s’assurer que les évaluations toxicologiques préalables ont été suffisamment protectrices.

[235] L’hypothèse de cancers induits par l’usage de cosmétiques a été très régulièrement soulevée dans la littérature. Il n’a pas été retrouvé de revue récente faisant l’état des connaissances actuelles sur la relations entre les cancers, toutes localisations confondues, et l’usage des cosmétiques. Il existe par contre de très nombreuses publications sur certaines localisations anatomiques et certains types de cosmétiques. Deux localisations ont occupé les débats ces 20 dernières années : les cancers hématopoïétiques et les cancers de la vessie chez les utilisateurs de teintures capillaires.

[236] La carcinogénicité des teintures a été démontrée en 1975 par Ames, lorsque des tests réalisés sur Salmonella Typhimurium ont montré que près de 90 % des teintures oxydatives induisaient des mutations chez ces bactéries125.

125 World Health Organization International Agency For Research on Cancer (IARC) Monographs on the Evaluation of Carcinogenic Risks to Humans VOLUME 99 Some Aromatic Amines, Organic Dyes, and Related Exposures, Lyon France 2010

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Teintures capillaires et cancer de la vessie

Une étude cas-témoin en 2001 a relié cancer de la vessie observé entre 1992 et 1996 en Californie et l’utilisation de teintures capillaires126. Ce risque était connu chez les utilisateurs professionnels (coiffeurs et barbiers)127 et suspecté sans avoir été démontré en population générale. Dans l’étude de 2001, le risque de survenue d’un cancer de la vessie était lié au genre, avec une relation dose-effet, le risque augmentant avec le nombre d’années d’exposition et la fréquence d’usage (> 1 fois/mois). Le SCCNFP128, comité scientifique saisi par la Commission européenne dès 2001, a jugé l’étude correctement conduite et la question fondée, mais a considéré devoir disposer d’autres études épidémiologiques européennes pour se prononcer129. En 2002, le SCCNFP a proposé une stratégie de réévaluation des produits incluant leurs effets génotoxiques et carcinogènes.

Des publications ultérieures en 2003 ont mis en cause le rôle de substances, ou de leurs métabolites issus de leur dégradation, comme potentiellement carcinogènes. Ces publications ont renforcé les évidences reliant exposition professionnelle et cancer en Europe en soulignant que ce cancer n’était plus observé avec les teintures commercialisées après les années 1960. La sécurité de la plupart des colorants capillaires alors sur le marché européen n’avaient pas été évaluée par les autorités publiques mais uniquement par les industriels. Le CSSC a fait un nouvel appel à données en 2004 portant notamment sur les populations européennes et demandant aux industriels européens de compléter leurs dossiers d’évaluation toxicologique, un nombre important d’entre eux étant jugés incomplets ou non conformes aux méthodes expérimentales récentes130. Les industriels ont soulevé la question de l’intérêt de distinguer les risques selon le type de produits, car les mécanismes d’action et la durabilité de la teinture ne sont pas les mêmes, selon qu’on a affaire à un colorant qui teinte le cheveu ou à un pigment qui s’y dépose, ce dernier étant beaucoup plus rapidement éliminé par les lavages.

L’association européenne des industriels (COLIPA) a financé une étude sur plus de 300 produits131. Des études publiées sur des populations européennes (Espagne) n’ont pas mis en évidence de risque de cancer de la vessie en Europe. La divergence entre résultats Européens et Nord-américains a été rapportée à l’interdiction en Europe dans les années 1980 d’un nombre important de substances aux effets carcinogènes connus, contrairement aux Etats-Unis.

Source : Analyse bibliographique Mission

[237] La survenue de cancer induits par l’usage de teintures capillaires en population générale a fait l’objet de très nombreuses études depuis 40 ans, principalement pour des populations nord-américaines ou européennes. Une synthèse des études existantes pour chaque localisation a été réalisée en 2010 par le centre international de recherche sur le cancer qui concluait à l’insuffisance de preuve pour les utilisateurs particuliers132. La controverse semble aujourd’hui (provisoirement ?) éteinte s’agissant du cancer de la vessie : une méta analyse a été publiée en 2014 portant sur les sept études les plus récentes sur l’incidence et la mortalité par cancer et teintures capillaires : elle n’a retrouvé aucun sur-risque133. D’autres études ont porté sur d’autres cancers, notamment des cancers des organes hématopoïétiques (leucémies, myélomes, maladies de Hodgkin…) et ont fait l’objet d’une

126 Gago-Dominguez et al Use of permanent hair dyes and bladder cancer risk’ by M. Int. J. Cancer : 91, 575-579, 2001

127 IARC Monographs on the Evaluation of the Carcinogenic Risks to Humans. Occupational exposures of hairdressers and barbers and personal use of hair colourants. 57: 43-118, 1993

128Comité scientifique ayant été remplacé par le CSSC après le règlement de 2009

129 The Use of Permanent Hair Dyes and Bladder Cancer Risk" SCCNFP/484/01

129 The Use of Permanent Hair Dyes and Bladder Cancer Risk" SCCNFP/484/01