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De l’Antiquité à la Renaissance

3. Le jardin au Moyen Age et à la Renaissance

3.2. Le Style Italien

Au Moyen Âge, en Europe, les conditions d’existence devinrent critiques. La vie se déroulant dans l’inconfort et l’austérité, les jardins tombèrent en décadence, de même que les cultures. La construction se réduisit aux cloîtres fortifiés des abbayes, où réapparut l’aspect des péristyles romains : des cours fleuries plutôt que des jardins, avec un puits ou une fontaine au centre.

Néanmoins, durant l’époque gothique, le jardin retrouva un peu de sa splendeur antique. Il était entouré d’un mur élevé, auquel s’appuyait une pergola couverte de lierre. La pelouse, au milieu de laquelle s’enchâssait la fontaine, était constellée de fleurs et parcourue de ruisseaux. Tout autour des cèdres, des espaliers d’orangers ou de grenadiers lui faisaient une couronne. Un peu à l’écart se trouvait le coin où l’on cultivait les herbes aromatiques et médicinales, parfois appelé « jardin secret ».

Dans le viridarium (bosquet), les paons et les chevreuils se promenaient à l’ombre des cyprès, des oliviers, des lauriers ou des pins. Un espace était réservé aux arbres fruitiers. Une volière et un vivier complétaient souvent le jardin, qui n’était pas conçu comme un tout et n’avait pas de rapport global avec l’édifice résidentiel.

Dans le jardin de la Renaissance, la composition est stricte, à l'exception du jardin secret. C'est un enclos de verdure, conçu pour le plaisir et isolé des vastes espaces ouverts du reste du

jardin. C'est un endroit où le propriétaire garde la liberté de sa créativité. Le jardin secret de la villa Farnèse est tout particulièrement remarquable, avec notamment un pavillon de plaisirs. Les fleurs et la variété des végétaux ne sont pas de mise dans le jardin de la Renaissance. Seuls le buis et l'if y sont couramment utilisés.

La transition entre les jardins du Moyen-âge et ceux de la Renaissance n'est pas brutale mais il est difficile de retenir une date véritablement charnière. On peut considérer que ce sont les travaux de Léon Battista Alberti (1404-1472), grand écrivain, philosophe, mathématicien et architecte, qui marquent le début de l'art des jardins de la Renaissance, en Italie (Turner, 2005).

Dans son traité (1452) Alberti décrit la villa de campagne idéale à l'heure où les puissants notables de Florence quittent la ville pour s'installer dans leurs riches villas sur les coteaux. La nature est source de richesses et d'énergies soumises à la volonté de l’homme et à ses plaisirs. Le jardin doit être à l'échelle humaine. C'est la raison grecque qui renaît.

Pour atteindre le beau, l'organisation du jardin doit obéir aux règles de géométrie et aux subdivisions mathématiques dictées par Platon : c'est le jardin architectonique. L'art des jardins devient un art majeur, au même rang que la peinture. Alberti, comme les philosophes grecs Pline le Jeune et Vitruve, pense que la beauté résulte de l’harmonie qui lie la villa, le jardin et la nature : l'unité d'une même construction stricte et précise régit l'ensemble. Un axe central fort et fédérateur se dessine.

Alberti s'inspire aussi largement des parcs romains, en privilégiant les perspectives visuelles vers le paysage ; la situation de la villa à flanc de coteau est alors un atout précieux. C'est à Florence que prend forme le premier geste majeur avec l'œuvre de Michelozzo dans les jardins de la villa Fiesole (1458-1461) pour Cosme de Médicis. Mais c'est aux alentours de Rome en ruines que Bramante crée en 1503, pour le pape Jules II, le jardin du Belvédère, au Vatican. Ce jardin pose les marques concrètes et sophistiquées de l'art des jardins de la Renaissance.

La composition repose sur le grand axe central. Cet axe relie trois plans étagés différents : le plan inférieur où l'on trouve les éléments de la nature organisés en un jardin ; le plan médian est composé des bassins et fontaines, au pied de la pente et d’escaliers majestueux ; le plan supérieur comprend les terrasses et la villa. Liés à la topographie du site, ces plans étagés sont également au

service d'une hiérarchie, sur la référence du plan inférieur qui dicte la manière de domestiquer les éléments de la nature.

Durant cette époque de raffinement et de richesse, l’art du jardin occupait une place égale à celle de la musique, de la littérature, de la science ou de l’architecture en Italie et en France. Les styles qui naquirent en Italie et en France, prônaient la symétrie, la régularité des mouvements, exprimant une tendance de l’homme à marquer la nature de son empreinte et l’exigence d’une existence confortable se manifeste simultanément.

Au XVIème siècle, une réaction individualiste s'opère parmi les architectes-paysagistes : l'artiste veut affirmer son identité et revendique sa liberté de création, sans la contrainte des règles de composition. C'est le maniérisme. Les éléments deviennent surabondants, seule leur esthétique propre étant recherchée. Les proportions rigoureuses du concept albertien de l'harmonie ne sont plus respectées.

A la fin du XVIème siècle, les travaux de Galilée, Newton et Kepler et leurs théories d'un univers en mouvement inspirent les courbes et les torsades : c'est la naissance de l'art baroque. L'art des jardins s'en ressent : l'axe de composition ne s'appuie plus sur le palais et disparaît parfois. La pierre est sculptée pour donner l'illusion du mouvement ou illustrer un monde fantastique peuplé de monstres et d'animaux étranges qui ornent parfois les parois des grottes.

Dans les jardins de Vignola, à la villa de Médicis et surtout à la villa d’Este, (voir la figure n°12), joyau de Tivolila composition atteignit parfois une telle richesse qu’elle perdit le sens de la modération. Bois, nymphées, grottes, exèdres, niches, cours, viviers, jeux d’eau et amphithéâtres peuplés de statues étaient couronnés et interposés de semper virens de haute futaie. Chênes verts, pins, cyprès, lauriers, pelouses bien ordonnées régnaient sans conteste au détriment du verger et du jardin secret.

Sir George Sitwell dans son essaie intitulé « On the Making of Gardens » en 1909 déclare “Aucune place n’est aussi poétique que la villa d’Este » qu’il considère avec la Villa Lante à Bagnaia et les Jardins Giusti à Verona comme étant les trois plus beaux jardins italiens (Turner, 2005, p.154).

Le premier jardin botanique créé à Pise en 1543, est surtout consacré aux plantes médicinales, à l'image de ses modèles arabes. Ses successeurs (Padoue, Florence, Leiden, Oxford, etc.) servent rapidement à l'acclimatation de plantes exotiques, dont le palmier. Les plantes sont observées, comparées, étudiées et on commence une classification scientifique des végétaux, afin d'organiser les savoirs botaniques médiévaux.

Fig. 12. Plan de la Villa d’Este Source : Turner, 2005