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Les structures impliquées dans le sommeil lent et la synchronisation corticale

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Les états d'éveil et de sommeil

B. Les structures impliquées dans le sommeil lent et la synchronisation corticale

D'un point de vue fonctionnel, il se produit au cours de l'endormissement et tout au long du sommeil une diminution de la perception sensorielle. Cette observation a donné lieu à l'interprétation du sommeil comme un phénomène passif, c'est-à-dire résultant d'une dé- activation des systèmes d'éveil. Cette "dé-afférentation sensorielle" coïncide avec l'apparition des signes électroencéphalographiques de l'état de somnolence (fuseaux et ondes lentes) et se produit sans aucun signe d'inhibition de la transmission synaptique au niveau des relais pré- thalamiques (Hubel et Nauta, 1960; Stériade et coll., 1971).

En réalité, le sommeil serait dû d'une part à la mise en route d'un centre hypnogène localisé dans le télencéphale basal et plus précisément la région préoptique latérale, responsable de l'arrêt des systèmes d'éveil, et d'autre part à la désinhibition de l'oscillateur thalamique constitué par le noyau réticulé du thalamus (Figure 3).

10 sec Synchronisation corticale SCN Adénosine Thalamus IL RT LC HP/TM TB POA VLPO NRD

Figure 3. Structures nerveuses impliquées dans les mécanismes du sommeil lent.

Abréviations: HP, hypothalamus postérieur; IL, noyaux intralaminaires thalamiques; LC, locus coeruleus; NRD, noyau du raphé dorsal; POA, région préoptique; RT, noyau réticulé thalamique; SCN, noyau suprachiasmatique; TB, télencéphale basal; TM, noyau tubéromammillaire; VLPO, noyau préoptique ventrolatéral.

1. Télencéphale basal – Région préoptique latérale et ventrolatérale

Depuis les observations anatomo-pathologiques de Von Economo (1929), de nombreuses données expérimentales ont permis d’étayer l'hypothèse selon laquelle le télencéphale basal dans son ensemble et principalement la région préoptique latérale (LPOA) , au sein de l’hypothalamus antérieur, serait le siège d’un centre du sommeil, responsable du déclenchement et/ou du maintien du SL.

Ainsi, Sterman et Clemente (1962) ont montré chez le chat non anesthésié que la stimulation électrique de la LPOA et de la bande diagonale de Broca adjacente induit rapidement des ondes lentes corticales et un comportement caractéristiques du SL, alors que sa lésion électrolytique bilatérale incluant une partie du télencéphale basal supprime le SL pendant trois semaines (McGinty et Sterman, 1968). En outre, la seule lésion chimique de la LPOA par l’acide iboténique induit des insomnies de longue durée chez le chat (Sallanon et coll., 1989). Des arguments décisifs ont été apportés grâce aux enregistrements extracellulaires de l’activité des neurones au cours du cycle veille-sommeil chez le chat libre de ses mouvements. Ainsi, il a été montré que de nombreux neurones enregistrés dans le télencéphale basal incluant la LPOA s'activent juste avant ou en association avec la synchronisation corticale caractéristique du SL, alors que leur décharge diminue fortement durant l'éveil (neurones "SL-ON") (Kaitin, 1984; Szymusiak et McGinty, 1986).

Bien que le neurotransmetteur des neurones "SL-ON" reste à démontrer directement, de nombreux arguments expérimentaux suggèrent leur nature GABAergique (Revue dans Szymusiak, 1995; Shiromani et coll., 1999). Ainsi, les insomnies induites par la lésion chimique de la POA sont réversées par l'injection de muscimol dans l'hypothalamus postérieur, contenant entre autres, les neurones histaminergiques impliqués dans la genèse de l'éveil (Sallanon et coll., 1989). Des études neuroanatomiques ont montré que la LPOA contient un nombre considérable de neurones GABAergiques (Okamura et coll., 1990). Ces neurones envoient des projections sur les systèmes monoaminergiques de l’hypothalamus postérieur, du LC et du NRD (Swanson, 1976; Gritti et coll., 1994 ; Luppi et coll., 1999). Cette entrée synaptique GABAergique pourrait par conséquent être responsable de l'inactivation des neurones monoaminergiques pendant le SL.

L'étude des neurones "SL-ON" présumés GABAergiques est rendue difficile par leur dispersion au sein du télencéphale basal, où se situent également les neurones cholinergiques impliqués dans la désynchronisation corticale. Une approche de neuroanatomie fonctionnelle par le c-Fos a toutefois permis de bien les distinguer. Sherin et coll. (1996) ont en effet

montré chez le rat que des neurones de la LPOA sont immunoréactifs au c-fos après une longue période de sommeil. Une plus forte densité de marquage a été observée dans la partie la plus ventrale de la LPOA, définie comme le VLPO par les auteurs. Des enregistrements unitaires chez le rat ont récemment montré qu'il existait un plus grand nombre de neurones augmentant leur fréquence de décharge spécifiquement pendant le SL dans le VLPO, par rapport à l'aire préoptique adjacente (Szymusiak et coll., 1998). Enfin, des études anatomiques chez le rat ont montré que des neurones GABAergiques du VLPO envoient des projections massives et sélectives vers les différents systèmes d’éveil incluant les systèmes monoaminergiques (Luppi et coll., 1999), ainsi que les neurones cholinergiques du pont et du télencéphale basal (Sherin et coll., 1998).

La caractérisation morphologique, neurochimique et électrophysiologique des neurones du VLPO a été réalisée tout récemment in vitro par Thierry Gallopin, étudiant en thèse au laboratoire, en collaboration avec les laboratoires de Michel Mühlethaler à Genève et Jean Rossier à Paris. Selon cette étude, les neurones GABAergiques du VLPO enregistrés sur tranches ont des propriétés électrophysiologiques compatibles avec celles décrites in vivo et sont en outre inhibés par les neurotransmetteurs de l'éveil (Gallopin et coll., 2000).

2. Le cortex et le noyau réticulé thalamique

Ces structures ne sont pas considérées comme des centres hypnogènes mais interviennent dans la synchronisation corticale.

Le phénomène de dé-afférentation sensorielle du cortex au cours du SL est concomitant de l'apparition dans l'EEG d'ondes lentes (delta) et d'ondes fusiformes (sigma). Les ondes lentes, manifestation de la synchronisation corticale que l'on détecte également au niveau de structures sous-corticales, seraient générées par le néocortex. Elles persistent après lésion bilatérale du thalamus et disparaissent après néodécortication (Jouvet, 1962; Stériade et coll., 1993). Les ondes lentes seraient le résultat de la sommation des hyperpolarisations des cellules pyramidales de la couche V induites par les interneurones GABAergiques (Agmon et Connors, 1989; Stériade et McCarley, 1990). Les fuseaux seraient générés par les neurones du noyau réticulé thalamique (Stériade et coll., 1985; Buzsaki et coll., 1988; Stériade et McCarley, 1990). Chez le chat, ces neurones présentent in vitro et in vivo une activité oscillatoire sous forme de décharges de potentiels d'actions rythmées à la fréquence des fuseaux. Ces neurones ne projettent pas directement au cortex (Stériade et Llinas, 1988) mais

vers différents territoires thalamiques. Sous l'influence des neurones du noyau réticulé thalamique, les neurones thalamocorticaux présentent à leur tour des hyperpolarisations cycliques et des bouffées de potentiels d'action qui sont transmises au neurones corticaux (Stériade et McCarley, 1990).

L'apparition du SL serait donc le résultat de l'inhibition des systèmes exécutifs de l'éveil par les neurones GABAergiques de la LPOA et du VLPO et de la désinhibition de l'oscillateur constitué par le noyau réticulé thalamique. Il nous faut mentionner également l'existence, au sein de la formation réticulée bulbaire dorsale, d'une autre structure potentiellement impliquée dans le SL, le noyau du tractus solitaire (NTS). Il a été montré en effet que la stimulation à faible fréquence du NTS produit une synchronisation corticale (Magnes et coll., 1972). Les données neuroanatomiques et physiologiques suggèrent que l'activité du NTS serait principalement liée aux régulations autonomiques et au système limbique (Jones, 1989).

3. Rôle de l'adénosine

Depuis les années cinquante, il est bien admis que l'adénosine est impliquée dans les mécanismes de régulation de la vigilance. On doit à Feldberg et Sherwood (1954) les travaux mettant en évidence pour la première fois son effet hypnogène. Chez le chat, l'adénosine induit en effet une augmentation de la durée totale de sommeil lorsqu'elle est administrée par voie intracérébroventriculaire. Ces résultats ont été confirmés chez le chien par Haulica et coll. (1973). Plus récemment, il a été montré chez le rat que l'injection d'un inhibiteur de l'enzyme de dégradation de l'adénosine induit une augmentation du sommeil à ondes lentes et une diminution de l'éveil (Virus et coll., 1983). L'intérêt pour l'adénosine s'est considérablement accru dans les années 80 depuis les travaux de Snyder et coll. (1981) montrant que les effets stimulants des xanthynes telles que la caféine ou la théophylline, sont principalement dus à leur action antagoniste sur les récepteurs de l'adénosine (Rall, 1980).

L'adénosine est ubiquitaire dans le SNC (Daly et coll., 1981). Sa présence dans l'espace extracellulaire proviendrait essentiellement de l'activité métabolique des neurones et de la glie (Zetterstrom et coll., 1982; Radulovacki et coll., 1984; DeSanchez et coll., 1993; Benington et Heller, 1995). L'adénosine est issue en effet de la cascade enzymatique dégradant l'ATP (adénosine tri-phosphatase et ecto-5'-nucléotidase). Au cours de périodes d'intense activité, l'adénosine pourrait passer du compartiment intracellulaire vers le milieu

extracellulaire grâce à un transport facilité et une diffusion passive en fonction du gradient de concentration (Zetterstrom et coll., 1982; Benington et Heller, 1995). On peut mentionner également qu'un nombre limité de structures (principalement hypothalamiques) l'utiliseraient comme neurotransmetteur (Nagy et coll., 1984; Braas et coll., 1986). L'adénosine serait alors libérée dans l'espace extracellulaire par des mécanismes conventionnels de neurotransmission en même temps que d'autres neurotransmetteurs (Burnstock, 1986).

Les données actuelles suggèrent que l'adénosine s'accumulerait dans l'espace extracellulaire au cours de l'éveil et aurait un effet rétroinhibiteur en particulier sur les neurones responsable de l'éveil (Radulovacki et coll., 1984, 1985; Benington et Heller, 1995; Porkka-Heiskanen et coll., 1997, 2000; Alam et coll., 1999; Satoh et coll., 1996). En faveur de cette hypothèse, il a été montré récemment chez le chat que la concentration d'adénosine est plus élevée au cours de l'éveil qu'au cours du sommeil dans le télencéphale basal et le LDT/PPT (Porkka-Heiskanen et coll., 1997, 2000; Portas et coll., 1997). En outre, la microdialyse d'adénosine dans le tegmentum mésopontique, le télencéphale basal et l'hypothalamus postérieur induit du SL et du SP (Rainnie et coll., 1994; Satoh et coll., 1996, 1999; Alam et coll. 1999; Gerashchenko et coll., 2000).

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