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Les structures impliquées dans l'éveil et l'activation corticale

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Les états d'éveil et de sommeil

A. Les structures impliquées dans l'éveil et l'activation corticale

La mise en évidence d'un système activateur ascendant comprenant les neurones de la formation réticulée bulbo-ponto-mésencéphalique, a été à l'origine de la théorie dite "réticulaire" de l'éveil (Moruzzi et Magoun, 1949). Des études neurochimiques et électrophysiologiques ont depuis permis de délimiter au sein de la formation réticulée mais également en dehors, des structures distinctes, suffisantes, mais non nécessaires au maintien de l'éveil et de la désynchronisation (activation) corticale (Figure 2): le système noradrénergique du locus coeruleus (LC), le système sérotoninergique du raphé dorsal (NRD), le complexe cholinergique et GABAergique du télencéphale basal, le système cholinergique ponto-mésencéphalique et le système histaminergique de l'hypothalamus postérieur. Ces structures sont non seulement impliquées dans l'activation corticale mais également dans l'inhibition du centre hypnogène localisé dans l'aire préoptique latérale (LPOA) et ventrolatérale (VLPO).

10 sec Activation corticale FR TB HP/TM Thalamus IL LDT / PPT NRD / LC

Figure 2. Schéma des structures impliquées dans l'éveil et l'activation corticale.

Abréviations: FR, formation réticulée; HP, hypothalamus postérieur; IL, noyaux intralaminaires thalamiques; LC, locus coeruleus; LDT, noyau tegmental latérodorsal de Castaldi; NRD, noyau du raphé dorsal; PPT, noyau tegmental pédonculopontin; TB, télencéphale basal; TM, noyau tubéromammillaire.

1. Le système noradrénergique (NA) du locus coeruleus (LC)

Le locus coeruleus (LC) contient des neurones noradrénergiques (NA) qui envoient des projections directes sur le cortex, le télencéphale basal, le thalamus et l'hippocampe (Mason et Fibiger, 1979; Jones et Yang, 1985; Foote et coll., 1983; Jones, 1991; Losier et Semba, 1993). Chez le chat, la déplétion de la noradrénaline par l'alpha-méthyltyrosine entraîne une diminution de l'activation corticale (King et Jewett, 1971). La lésion électrolytique du LC diminue respectivement de 60 et 85% la quantité de noradrénaline dans le thalamus et le cortex et n'entraîne cependant pas de troubles majeurs de l'éveil (Jones et coll., 1977). En revanche, l'activation pharmacologique des neurones du LC produit une activation corticale chez le rat (Berridge et Foote, 1991; Curtis et coll., 1997).

Les neurones NA du LC ont une décharge tonique pendant l'éveil, diminuent leur activité au cours du SL et sont silencieux au cours du SP (Aston-Jones et coll., 1981a; Jacobs, 1986). La noradrénaline a généralement un effet excitateur sur les neurones corticaux et un effet inhibiteur sur les neurones du noyau réticulé thalamique (Krnjevic, 1964, 1974; McCormick et Prince, 1988; McCormick et Williamson, 1989; McCormick, 1992). En outre, l'injection in situ de noradrénaline dans le télencéphale basal produit une activation corticale chez le rat anesthésié (Foote et Morrison, 1987). L'implication des neurones NA dans les mécanismes de l'éveil sera développée plus spécifiquement dans la deuxième partie des rappels biblio-graphiques consacrée au système NA du LC.

2. Le système sérotoninergique (5-HT) des noyaux du raphé

Les neurones des noyaux du raphé dorsal (NRD) et médian (NRM) contenant de la sérotonine envoient notamment des projections sur le cortex, le thalamus et l'hypothalamus (Bobillier et coll., 1976; Vertès, 1991). Historiquement, ce système a d'abord été impliqué dans le contrôle du sommeil. En effet, il a été montré chez le chat que la lésion de ce système induit non pas une somnolence, mais une insomnie prolongée de plusieurs jours dont la sévérité est corrélée à la taille de la lésion (Jouvet et coll., 1967).

L'enregistrement de l'activité électrique des neurones 5-HT a remis en question leur rôle dans le maintien du sommeil. Les neurones 5-HT ont en effet, comme les neurones NA du LC, une décharge tonique pendant l'éveil, faible au cours du SL et quasiment nulle au cours du SP (McGinty et Harper, 1976; Trulson et Jacobs, 1979; Cespuglio et coll., 1981; Heym et coll., 1982a, 1982b; Hobson et coll., 1983; Lydic et coll., 1983, 1987a, 1987b). En

outre, par des mesures voltamétriques, il a été montré que la concentration de sérotonine est plus élevée dans le cortex au cours de l'éveil et diminue fortement au cours du SL et du SP (Cespuglio et coll., 1984).

Nous reviendrons sur cette contradiction entre les données lésionnelles et les données électrophysiologiques dans la troisième partie des rappels bibliographiques consacrée au système 5-HT du NRD. Le système 5-HT pourrait en réalité préparer l'apparition du sommeil en favorisant, pendant l'éveil, la synthèse de peptides hypnogènes (Chastrette et coll., 1990a, 1990b; El Kafi et coll., 1994, 1995) et en atténuant l'influence des neurones cholinergiques ponto-mésencéphaliques et du télencéphale basal actifs au cours de l'éveil (Jones, 1989; Luebke et coll., 1992; Khateb et coll., 1993).

3. Le système du télencéphale basal

Constitué du noyau préoptique magnocellulaire, des bandes diagonale, horizontale et verticale de Broca et de la substance innominée (Heimer et Alheid, 1991; Lin, 1994), le télencéphale basal (TB) reçoit notamment des afférences sérotoninergiques du NRD et noradrénergiques du LC (Jones et Cuello, 1989). Ce complexe hétérogène contient des neurones synthétisant l'acétylcholine, des acides aminés excitateurs ou inhibiteurs tels que le glutamate et le GABA (Brashear et coll., 1986; Gritti et coll., 1993, 1997). Les neurones cholinergiques du TB envoient des projections diffuses au cortex et aux noyaux thalamiques (Mesulam et coll., 1983; Levey et coll., 1987). Des neurones GABAergiques - et probablement des neurones glutamatergiques (Gritti et coll., 1997) – projettent aussi vers le cortex (Fisher et coll., 1988) et plus précisément sur des interneurones inhibiteurs (Freund et Meskenaite, 1992).

La lésion électrolytique du TB incluant le noyau préoptique magnocellulaire ou la substance innominée induit une diminution des ondes rapides de l'EEG (Lo Conte et coll., 1982; Stewart et coll., 1984) et cet effet est mimé par l'administration d'atropine, un antagoniste des récepteurs cholinergiques muscariniques (Stewart et coll., 1984). Chez le rat, la lésion de ce système par l'acide iboténique (neurotoxine détruisant les corps cellulaires en épargnant les fibres de passages) entraîne l'apparition d'ondes lentes alors que sa stimulation est éveillante (Buzsaki et coll., 1988). La stimulation électrique du TB produit en effet une augmentation de la libération d'acétylcholine dans le cortex (Casamenti et coll., 1986; Rasmusson et coll., 1992) et une excitation des neurones corticaux (Metherate et coll., 1992).

La contribution du TB à l'activation corticale est à la fois directe et indirecte, via l'inhibition du noyau réticulé thalamique (impliqué dans la genèse des oscillations lentes corticales) et la désinhibition des neurones intralaminaires du thalamus (Krnjevic et coll., 1971; McCormick, 1990).

4. Le système cholinergique ponto-mésencéphalique

Ce système, constitué de neurones cholinergiques distribués dans le noyau tegmental latérodorsal de Castaldi (LDT) et le noyau tegmental pédonculopontin (PPT), est impliqué dans la désynchronisation corticale de l'éveil mais aussi du SP.

Chez le rat et chez le chat, les neurones cholinergiques du complexe LDT/PPT ont des projections ascendantes principalement sur le thalamus, le télencéphale basal et dans une moindre mesure sur l'hypothalamus postérieur et l'aire préoptique latérale (Sugimoto et Hattori, 1984; Woolf et Butcher, 1986; Hallanger et coll., 1987; Levey et coll., 1987; Rye et coll., 1987; Paré et coll., 1988; Smith et coll., 1988; Stériade et coll., 1988; Stériade et Buzsaki, 1990; Semba et Fibiger, 1992; Losier et Semba, 1993). Ils n'ont pas de projection directe sur l'ensemble du cortex (un groupe seulement de neurones du LDT projette sur le cortex préfrontal uniquement). L'acétylcholine libérée par les neurones de ce système contribuerait donc à l'activation corticale de façon indirecte en inhibant les neurones réticulés du thalamus (McCormick et Prince, 1986) et en excitant les neurones thalamocorticaux (McCormick et Prince, 1987; Stériade et McCarley, 1990).

5. La formation réticulée

Avec les neurones cholinergiques mésopontins, les neurones de la formation réticulée bulbo-ponto-mésencéphalique forment la voie réticulo-thalamo-corticale. Chez le rat et le chat, les neurones de la formation réticulée mésencéphalique n'ont pas de projections directes sur le cortex. En revanche, ils innervent densément les noyaux thalamiques (Jones et Yang, 1985; Sakai, 1985; Satoh et Fibiger, 1986; Smith et coll., 1988; Stériade et coll., 1988). La contribution de ces neurones à l'activation corticale, mise en évidence par Morruzi et Magoun (1949) est donc indirecte. Le neurotransmetteur contenu dans ces neurones n'est pas connu. Néanmoins, en raison de l'effet excitateur rapide sur les neurones thalamocorticaux observé à

la suite de leur stimulation électrique, Glenn et Stériade (1982) ont suggéré qu'ils utiliseraient des acides aminés excitateurs comme neurotransmetteur.

6. Le système histaminergique de l'hypothalamus postérieur

Von Economo (1926) a été le premier à attribuer à l'hypothalamus postérieur (HP) la qualité de centre d'éveil. Sa lésion à la suite de l'encéphalite dite "léthargique" conduit en effet à un état de somnolence. Cette hypothèse a été confirmée par la suite chez l'animal par des études neurophysiologiques. Ainsi, il a été montré que la lésion électrolytique de l'hypothalamus postérieur induit une hypersomnie (Nauta, 1946; McGinty, 1969). La lésion chimique induite par l'injection d'acide iboténique produit une importante hypersomnie en SP (+300%) puis en SL (+60%) (Sallanon et coll., 1986). Inversement, la stimulation électrique ou pharmacologique de l'hypothalamus postérieur produit une activation corticale (Belardetti et coll., 1977; Lin et coll., 1986a, 1989; Sallanon et coll., 1989). En outre, l'injection dans l'hypothalamus postérieur de muscimol, produit une augmentation très importante de SL mais supprime complètement le SP (Lin et coll., 1989).

L'hypothalamus postérieur renferme à lui seul la quasi-totalité des neurones histaminergiques du SNC (Lin et coll., 1986b). Ces neurones ont des projections diffuses sur le cortex et diverses structures sous-corticales impliquées dans les états de vigilance. Chez le chat, des neurones présumés histaminergiques ont été enregistrés dans l'hypothalamus postérieur et présentent une activité tonique pendant l'éveil et faible au cours du sommeil (Vanni-Mercier et coll., 1984, 1994a). Des neurones de type "SP-OFF" ont été également enregistrés dans cette région chez le rat (Steininger et coll., 1999).

En plus de ces neurones, l'hypothalamus postérieur chez le chat renferme, dans ses parties ventro-latérale et dorso-latérale, des neurones dont la fréquence de décharge est augmentée pendant l'éveil et le SP (Vanni-Mercier et coll., 1984; Sakai et coll., 1990a). Ces neurones ne seraient pas de nature histaminergique.

Enfin, l'hypothalamus postérieur contient également une population de neurones synthétisant l'oréxine (hypocrétine). Ce neuropeptide découvert récemment (De Lecea et coll., 1998; Sakurai et coll., 1998) serait un neurotransmetteur de l'éveil (Piper et coll., 2000). Les neurones oréxinergiques projettent notamment sur le cortex et les systèmes monoaminergiques (Peyron et coll., 1998a; Horvath et coll. 1999). En outre, l'oréxine a un effet excitateur in vitro sur les neurones NA du LC (Evans et coll., 1999; Ivanov et coll.,

1999) et l'injection intracérébro-ventriculaire d'oréxine chez le rat induit un éveil (Hagan et coll., 1999; Piper et coll., 2000). Un dysfonctionnement de ces neurones serait à l'origine de la narcolepsie/cataplexie, une pathologie qui se traduit notamment par des accès de sommeil et des pertes du tonus musculaire (Lin et coll., 1999; Nishino et Mignot, 2000).

7. Le système thalamique

Ce système n'est pas, à proprement parler, une structure responsable de l'éveil, mais un relais des systèmes d'éveil cholinergiques et non cholinergiques de la formation réticulée.

Les noyaux intralaminaires du thalamus (IL) sont des noyaux non spécifiques. Ils reçoivent en effet des projections de l'ensemble des systèmes sensoriels et projettent à l'ensemble du cortex (Jones et Levitt, 1974; Itoh et Mizuno, 1977; Stériade et Glenn, 1982). Ils reçoivent en plus des afférences excitatrices issues de la formation réticulée, de l'hypothalamus postérieur et du télencéphale basal (Stériade et Llinas, 1988; McCormick et Williamson, 1991). L'injection de muscimol dans les noyaux intralaminaires chez le chat produit une synchronisation de l'EEG cortical et l'injection de substances cholinomimétiques induit une désynchronisation prolongée (Stériade et McCarley, 1990). Les neurones des noyaux intralaminaires ont une activité tonique au cours de l'éveil (Glenn et Stériade, 1982) et utilisent des acides aminés excitateurs, aspartate et glutamate, comme neurotransmetteurs (Stériade et Llinas, 1988).

Aux réseaux formés par les structures évoquées précédemment, qui contribuent à l'éveil cortical, il nous faut ajouter deux systèmes jouant un rôle dans la régulation de la motricité et du tonus sympathique. Le premier est le système dopaminergique comprenant l'aire tegmentale ventrale (VTA) et la substance noire (SN). Ces neurones projettent notamment sur le striatum (noyau caudé, putamen) et sur le cortex. La lésion de la VTA et de la SN chez le chat induit notamment une akinésie (Jones et coll., 1977). Chez l'Homme la lésion dégénérative de ce système est responsable de la maladie de Parkinson. Ces neurones présentent des taux de décharge relativement faibles et non corrélés à l'état de vigilance (Miller et coll., 1983). Cependant, leur mode de décharge est en relation avec des stimulations sensorielles et des mouvements volontaires (Jacobs et coll., 1987). Ils contribueraient ainsi à l'activation corticale et à l'éveil comportemental. Le second système est formé des neurones

adrénergiques situés notamment au niveau bulbaire. Il serait responsable de l'adaptation des réactions végétatives pendant l'éveil.

B. Les structures impliquées dans le sommeil lent et la synchronisation

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