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Données neurophysiologiques

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Le système noradrénergique du Locus coeruleus

E. Contrôle par les afférences

1. Données neurophysiologiques

Parmi les afférences mises en évidence par Aston-Jones et coll. (1986, 1991c) et plus récemment par Luppi et coll. (1995), les données physiologiques ne sont disponibles que pour le noyau prepositus hypoglossi (PrH), le noyau paragigantocellulaire latéral (LPGI) et le cortex préfrontal.

Le PrH exerce une action inhibitrice sur les neurones du LC par un mécanisme GABAergique (Ennis et Aston-Jones, 1989b) et vraisemblablement enképhalinergique (Van Bockstaele et coll., 1996). Cette influence serait tonique (Aston-Jones et coll., 1991c) mais son rôle fonctionnel reste hypothétique (Figure 12). De nombreux neurones du PrH innervent des régions associées à la coordination visuo-motrice, une composante importante des réactions d'orientation. Au cours de l'orientation vers une cible, les neurones du PrH diminueraient leur décharge. Ceci lèverait l'inhibition des neurones du LC qui seraient alors prêts à répondre au stimulus. Ce mécanisme pourrait faciliter une libération de noradrénaline au niveau des structures cibles et favoriser une réponse comportementale dans le cas d'un stimulus particulièrement pertinent (Usher et coll., 1999).

Figure 12. Implications fonctionnelles des projections issues du LPGI (à gauche) et du PrH (à droite). D'après Aston-Jones et coll. (1990a).

Le PGi serait une région clef pour l'intégration et la coordination de l'activité du LC et du système sympathique. Les connexions entre les neurones sympathiques préganglionnaires de la colonne intermédio-latérale (IML) de la moelle épinière sont particulièrement importantes. Les stimuli qui activent le système sympathique activent également le LC. Pour Aston-Jones et coll., cette co-activation reflète l'existence de projections parallèles du LPGI sur le LC et l'ILM. L'activation du système sympathique préparerait physiquement l'animal à des réponses adaptées à des situations d'urgence. L'activation du LC, en augmentant la vigilance et l'attention, préparerait cognitivement l'animal à l'élaboration d'une réponse aux mêmes stimuli. Dans ce modèle, le LC constitue l'élément cognitif du système nerveux sympathique pris dans son ensemble, les réponses cognitives et sympathiques étant coordonnées par le LPGI.

De nombreux neurones du PrH projettent sur les structures cérébrales impliquées dans les réactions d'orientations (mouvements des yeux et de la tête). Ainsi, des stimuli suffisants pour induire une réaction d'orientation le font en grande partie grâce aux circuits neuronaux du PrH, lequel activerait simultanément le LC. Dans ce modèle, les neurones du PrH projetant sur les neurones du LC diminuent leur activité au cours de l'orientation et lèvent une inhibition tonique sur les neurones du LC. Simultanément à l'orientation des systèmes sensoriels vers les stimuli les plus pertinents, le LC ainsi désinhibé serait prêt à répondre et contribuerait à l'augmentation de la vigilance et de l'attention à ces stimuli.

La projection du LPGI vers le LC est plus complexe en raison de la présence de trois neurotransmetteurs distincts, le glutamate, l'adrénaline et les enképhalines (Ennis et Aston- Jones, 1988; Pieribone et coll., 1988; Drolet et coll., 1990; Ennis et coll., 1992). L'influence des acides aminés excitateurs serait toutefois prépondérante sur les effets des autres neurotransmetteurs. En effet, la stimulation électrique ou chimique du LPGI induit généralement une activation des neurones du LC. L'excitation produite est abolie par l'injection intracérébroventriculaire ou locale de kynurénate, un antagoniste des acides aminés excitateurs (Aston-Jones et coll., 1991c). Il est alors possible de mettre en évidence l'inhibition adrénergique par les neurones du groupe C1 (Aston-Jones et coll., 1991c). Le LPGI serait un bon candidat pour relayer les excitations diverses induites par des stimulations intéro- ou extéroceptives (Aston-Jones et coll., 1990, 1991c). Son rôle fonctionnel consisterait à intégrer et coordonner l'activité du LC et du système sympathique (Figure 12) (Aston-Jones et coll., 1991a). En effet, le profil pharmacologique des réponses observées dans le LC après une stimulation physiologique (stimulus sensoriel, douloureux, distension de la vessie) est identique à celui observé après stimulation électrique du LPGI (Page et coll., 1992; Aston- Jones et coll., 1991c). Cette afférence glutamatergique se terminerait sur les dendrites distales des neurones NA, à l'extérieur du LC propre (Ivanov et Aston-Jones, 1995) mais aussi au niveau somato-dendritique. Il a été montré, en effet, que les neurones NA du LC sont sensibles à des applications iontophorétiques brèves et de faible intensité de kainate, d'aspartate et de quisqualate, ce qui suggère la présence de récepteurs au niveau du soma et des dendrites proximales (Ennis et coll., 1992). En plus du relais de diverses informations sensorielles, cette afférence glutamatergique issue du LPGI pourrait contribuer à des mécanismes d'activation indirecte par la nicotine (Chen et Engberg, 1989) et dans le sevrage de la morphine (Rasmussen et Aghajanian, 1986; Akaoka et Aston-Jones, 1991; Aghajanian et coll., 1994) et des analogues de la noradrénaline comme la clonidine (Duggan et coll., 1994; Feng et coll., 1995, 1997).

Le cortex préfrontal est impliqué dans des processus cognitifs comme l'acquisition de nouveau réflexes moteurs et des réponses à des stimulations sensorielles. A cet étage de traitement et d'intégration, la noradrénaline semble avoir une action modulatrice complexe sur le réseau formé des cellules pyramidales et des interneurones GABAergiques (Branchereau et coll., 1996). En retour, le cortex préfrontal influencerait le LC. Les données de la littérature sur ce sujet sont toutefois contradictoires. Par la même approche expérimentale, des influences inhibitrices ou facilitatrices ont été mises en évidence. Ainsi, en effectuant des

inactivations réversibles du cortex par la lidocaïne chez le rat anesthésié, Sara et Hervé- Minvielle (1995) ont observé une augmentation de la décharge des neurones NA du LC. En outre, la stimulation du LC induit des réponses antidromiques de courtes latence suggérant une médiation par des interneurones restreints au LC. Dans certains cas, les neurones du LC et ceux du cortex préfrontal présentent des patrons d'activité en opposition de phase (Sara et Hervé-Minvielle, 1995). Plus récemment le groupe d'Aston-Jones a observé au contraire une diminution de la décharge des neurones du LC à la suite de l'inactivation du cortex par la lidocaïne (Jodo et coll., 1998). En effectuant des stimulations électriques brèves du cortex préfrontal, les auteurs ont observé inversement des réponses excitatrices des neurones du LC et celles-ci seraient de type glutamatergique (Jodo et Aston-Jones, 1997). L'évidente contradiction entre les deux études pourrait s'expliquer par les différents doses de lidocaïne et par les différents anesthésiques utilisés. Selon Jodo et coll. (1998), la kétamine utilisée par Sara et Hervé-Minvielle aurait induit un blocage des récepteurs-canaux de type NMDA et donc masqué l'influence excitatrice sur le LC en absence de lidocaïne. On doit admettre, cependant, que le blocage artefactuel de la transmission glutamatergique a permis de démasquer une influence inhibitrice, de sorte que la projection du cortex préfrontal sur le LC ne peut être considérée de façon catégorique comme purement excitatrice. De récentes études en microscopie électronique montrent en particulier la présence dans le LC de synapses enképhalinergiques sur les neurones NA projetant dans le cortex et sur des terminaisons excitatrices d'origine corticale sur les neurones NA (VanBockstaele et coll., 1996).

L'ensemble de ces données suggère un rôle important du PrH, du LPGI et du cortex préfrontal dans le contrôle de l'activité des neurones NA du LC.

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