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4.2.6. Structure trophique des peuplements

Les carnivores au sens large (piscivores , carnivores et planctonophages) représentent la majorité des abondances sur toutes les structures (Tableau 11A, Figure 31A). Ils représentent la quasi-totalité des individus sur les récifs artificiels et plus de 80 % sur le récif corallien et la Tonne. Les Planctonophages sont dominants sur le récif nord et le récif corallien du Cap la Houssaye, et en proportion similaire aux carnivores sur le récif centre. Inversement, les carnivores sont dominant sur la Tonne qui se caractérise aussi par une forte proportion d’omnivores (représentés par une seule espèce Dascyllus trimaculatus).

Lorsque les valeurs sont exprimées en pourcentage, les carnivores au sens large sont fortement majoritaire sur l’ensemble des sites. Le Cap la Houssaye se distingue par une diversité plus importante des régimes alimentaires et la présence des herbivores qui sont absents sur les structures artificielles et la Tonne. En biomasse, les proportions des planctonophages et des carnivores benthiques sont moins contrastées en fonction des sites (Tableau 11B, Figure 31B). Les carnivores au sens strict (planctonophages et carnivores) représentent la quasi-totalité des peuplements sur les récifs artificiels, alors qu’au Cap La Houssaye, les piscivores, omnivores et herbivores représentent une part non négligeable du peuplement (proche de 10%).

139. Tableau 11 : structure trophique de l’ichtyofaune des récifs artificiels (RC : récif centre, RN : récif Nord), de la Tonne (T) et du Cap La Houssaye (CH), exprimée en nombre moyen d’individus (A) et en grammes (B). A RC RN CH T carnivore 475,82 159,80 44,50 447,57 herbivore 4,91 2,47 11,23 3,25 omnivore 7,70 3,30 15,50 151,21 piscivore 8,68 3,32 3,22 8,29 planctonophage 383,85 422,94 115,88 189,57 TOTAL 880,97 591,83 190,34 799,89 B RC RN CH T carnivore 7550,03 3053,47 1368,87 44622,15 herbivore 67,26 17,95 376,74 210,41 omnivore 52,15 15,70 357,27 4439,13 piscivore 319,49 99,85 427,46 1585,46 planctonophage 4631,44 3258,97 1827,78 48549,77 TOTAL 12620,37 6445,93 4358,11 99406,92 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% RA CH T site % bi om a s s e carnivore herbivore omnivore piscivore planctonophage 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% RA CH T site % nb i n di v idu carnivore s herbivore omnivore piscivore planctonophage A B

4.3. DISCUSSION

Alors que le récif corallien du Cap La Houssaye est faiblement développé, la diversité de ses peuplements est comparable à celle observée sur les unités plus développées de la Réunion comme le récif de Saint-Gilles (Chabanet, 1994). On peut simplement noter la faible représentation des herbivores (6%). Néanmoins, la faible représentativité de ce groupe trophique est souvent remarquée sur les pentes externes à des profondeurs équivalentes (Harmelin-Vivien, 1979 ;

Bouchon-Navaro, 1997 ; Chabanet et al., 2000). Cette proportion est cependant moindre que sur la pente externe d’autres récifs de la Réunion (20% in Chabanet, 1994) ou dans les zones d’arrière récif (28% à 30% in Letourneur, 1992). Cette faible représentation pourrait venir de la faible étendue du récif corallien du Cap La Houssaye, et de l’absence d’une zone d’arrière récif de faible profondeur favorable aux développements algaux. Les valeurs des indices de Shannon et de l’équitabilité observées sur les récifs coralliens sont comparables à celles trouvées dans d’autres zones coralliennes de la Réunion (Letourneur, 1992 ; Chabanet, 1994).

Contrairement à ce qui est observé dans d’autres régions (Ambrose et Swarbrick, 1989), les peuplements de poissons des récifs artificiels sont différents de ceux des zones rocheuses proches. Des familles entières ne sont pas représentées sur les récifs artificiels (Labridae, Scaridae), alors que les Pomacentridae ne sont représentés que par une seule espèce ubiquiste, Dascyllus trimaculatus (Nakamura et al., 2003). Le rôle discriminatoire des Pomacentridae entre les zones naturelles et les récifs artificiels a déjà été mis en évidence dans les Caraïbes (Rooker et al., 1997). La forte association des Pomacentridae aux coraux vivants (Juncker et al., 2005) pourrait expliquer leur absence des récifs artificiels. De même au sein d’une même famille, on ne retrouve pas les mêmes espèces entre les récifs frangeants réunionnais et le récif embryonnaire du Cap la Houssaye, comme c’est le cas chez les Chaetodontidae. Certains poissons-papillons sont observés sur les récifs coralliens (Chaetodon lunula, C. trifasciatus, C. guttatissimus), et d’autres sur les récifs artificiels (C. blackburnii, C. kleinii).

La structure trophique des peuplements ichtyologiques des récifs artificiels est composée en quasi-totalité de carnivores. Dans cette catégorie, on retrouve des benthophages et des

d’herbivores. La simplicité de la structure trophique des peuplements associés aux récifs artificiels pourrait provenir de la faible superficie des récifs et/ou de la jeunesse de ces structures artificielles, facteurs qui seraient peu favorables au développement d’une faune ou d’une flore sessile capable de générer une chaîne alimentaire complexe. L’installation des récifs artificiels dans les zones sableuses, le faible volume de ces structures ainsi que leur faible colonisation par des organismes sessiles suggèreraient que l’essentiel des ressources alimentaires utilisées par les poissons proviendrait du plancton et/ou benthos associés aux des zones périphériques des structures artificielles. Certaines espèces, comme Lutjanus kasmira, se maintiennent autour du récif artificiel la journée et effectuent des migrations nocturnes la nuit pour se nourrir dans les zones sableuses (Friedlander et al., 2002 ; Tessier et al., 2005). Cependant ce point ne pourrait être confirmé que par une analyse des contenus stomacaux des espèces présentes sur le récif artificiel.

On peut également signaler que les peuplements des récifs artificiels évoluent rapidement au cours du temps. Alors que les premières étapes de la colonisation sont très rapides dans la plupart des milieux (tempérés et tropicaux) et qu’on arrive assez vite à un état d’équilibre, des études ont montré que plus de 10 ans après l’immersion de récifs artificiels, les peuplements évoluaient encore tant en diversité qu’en biomasse (Charbonnel et al., 2001).Quant aux peuplements ichtyologiques des récifs coralliens beaucoup plus stables, ils sont le résultat de processus plus longs que l’échelle d’observation retenue pour cette étude sur les récifs artificiels de La Réunion. Cependant, même en prenant en compte le facteur « temps », il n’est pas sûr qu’après une période assez longue (>10 ans), les peuplements des récifs artificiels soient similaires à ceux des récifs coralliens. Le facteur « habitat » est également important et la convergence des peuplements des récifs artificiels vers ceux des récifs naturels coralliens ne se ferait que si les deux biotopes possèdaient des caractéristiques structurelles proches (Perkol-Finkel et al., 2005).

La diversité des peuplements sur les récifs artificiels est en moyenne plus faible et l’abondance significativement plus élevée que sur le récif corallien, rejoignant ainsi les résultats d’autres auteurs (Buckley & Hueckel, 1985 ; Bohnsack et al., 1994). Cependant, les indices de diversité taxinomique ont une valeur plus élevée sur les récifs artificiels que sur les récifs coralliens, traduisant la dominance des perciformes dans ce dernier biotope.

Comme l’avait déjà mentionné Letourneur (1992), on observe des abondances plus élevées sur les récifs coralliens en été. La biomasse n’évoluant pas, ces variations d’abondance sont le fait de poissons de petite taille en liaison avec le recrutement larvaire plus élevé en été qu’en hiver

Un des faits les plus marquants de cette analyse est la proportion très élevée sur les récifs

artificiels comparativement à la zone corallienne des espèces d’intérêt commercial, tant en nombre d’individus (plus de 85%) qu’en biomasse (plus de 75%), alors que les espèces

pélagiques, principales cibles de ces dispositifs, ne sont pas prises en compte. Les plus fortes abondances sont observées pour Gnathodentex aurolineatus, Lutjanus kasmira, Lutjanus notatus,

Lutjanus bengalensis, Mulloidichthys vanicolensis, Mulloidichthys flavolineatus et Priacanthus hamrur.

Ces espèces se retrouvent aussi sur la Tonne, mais à des stades sub-adultes ou adultes alors que sur les récifs artificiels, les stades juvéniles dominent en abondance. Il est possible

que l’architecture ait un rôle dans cette répartition des classes de taille entre les différents types de récifs artificiels. Les microhabitats délimités par les bidons et les lanières des structures artificielles de la Baie de St Paul correspondraient plus aux exigences de protection des poissons juvéniles qu’une structure de faible complexité architecturale avec peu de microhabitats comme c’est la cas sur la Tonne. Cependant, l’architecture ne serait pas le seul facteur responsable de cette différence de structure de taille entre les récifs artificiels et la Tonne. Deux autres paramètres pourraient également rentrer en ligne de compte, la durée depuis l’immersion et la profondeur :

La grande taille des individus observés sur la Tonne pourrait provenir simplement d’individus plus âgés, la Tonne ayant été immergée depuis plus de 10 ans. Inversement, les individus observés sur les récifs artificiels pourraient être issus d’une installation à l’état post-larvaire et dans ce cas, ont un âge maximal de 1 an au moment du suivi.

La Tonne est immergée à une profondeur supérieure à celle des récifs artificiels. Certaines espèces de poissons coralliens se répartissent suivant un gradient de profondeur, les juvéniles recrutant dans des zones peu profondes et migrant ensuite vers des zones plus profondes (Galzin, 1985; Chabanet & Letourneur, 1995 ; Cocheret de la Morinière et al., 2002).

5. INFLUENCE DE L’ARCHITECTURE