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Pour ces espèces, nous nous sommes intéressés aux espèces les plus fréquentes, Lutjanus

kasmira et Gnathodentex aurolineatus. La méthode retenue est celle utilisée pour les espèces de

type A).

Pour ces espèces, la production n’a pas pu être calculée pour deux raisons :

Pour Lutjanus kasmira, des variations importantes d’abondance sur chaque structure au cours de l’année laissent supposer que l’espèce n’a pas une fidélité forte au récif artificiel. D’autre part, une fréquence élevée du recrutement (jusqu’à 6 recrutements par an sur les filets), rendent difficile l’identification des cohortes et donc l’estimation de la survie. Ce cas particulier est traité au paragraphe 6.4.

Pour Gnathodentex aurolineatus, le recrutement est plus précoce sur les récifs artificiels que sur les récifs coralliens (Fig. 60). Ce décalage temporel du recrutement pourrait conforter l’hypothèse d’une colonisation successive de différents milieux par l’espèce au cours du temps, le récif artificiel constituant une zone de pré-installation avant que l’espèce colonise le récif corallien (Pothin et al., sous presse). Le fait que lesindividus migrent au cours de leur croissance ne permet pas d’estimer la croissance par des méthodes visuelles. L’estimation de la survie et des migrations pourrait être abordée par des marquages classiques)

2,08 7,64 403,65 138,89 54,00 39,00 53,00 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 2 3 4 5 6 mois Nombre moye n de re crue s

208. Figure 60 : Moyenne et écart type du nombre moyen de recrues de Gnathodentex aurolineatus sur le

récif corallien (barres hachurées) et sur les récifs artificiels (barres grises) pendant les mois de février (2) à juin (6) 2002.

6.2.4. Discussion sur le recrutement

Les études précédentes menées à la Réunion ont montré que les récifs coralliens, et notamment les zones protégées par la barrière récifale, avaient un rôle de nurserie pour de nombreuses espèces de poissons démersaux (Chabanet & Letourneur, 1995 ; Durville, 2002). Ainsi, les zones lagonaires de l’île sont le siège du recrutement larvaire pour une cinquantaine d’espèces ichtyologiques récifales de novembre à mai. L’abondance moyenne des recrues par 100 m2 est estimée à 11,3 ± 13,7 dans l’arrière récif et à 16,6 ± 14,2 sur le platier interne (Durville, 2002).

Les données récoltées dans le cadre de cette étude montrent aussi une saisonnalité du recrutement sur les récifs artificiels et les récifs coralliens avec une période de fort recrutement en été austral (décembre à avril) et une période de faible recrutement en hiver (mai à novembre). Cependant la variabilité inter-annuelle semble beaucoup plus forte sur les récifs artificiels que dans les zones lagonaires. Elle est d’un facteur 3 dans les lagons (Durville, 2002) alors qu’elle est d’un facteur 10 sur les récifs artificiels (Fig. 48). La majeure partie des recrues observées sur les récifs artificiels appartient à un faible nombre d’espèces courantes dans les récifs coralliens (Lutjanus

aurolineatus, Myripristis sp.). Parmi ces espèces, certaines recrutent aussi bien en milieu corallien

que sur les récifs artificiels (Lutjanus kasmira, Epinephelus fasciatus), alors que pour d’autres, le recrutement n’a été observé que sur les récifs artificiels (Myripristis sp.). Même si ces observations demandent à être confirmées par un échantillonnage de plus longue durée sur les pentes externes des récifs coralliens, elles ont des conséquences directes sur l’utilisation des récifs artificiels dans l’exploitation des pêcheries.

Le faible taux de similarité entre les espèces recrutant sur la pente externe et les récifs artificiels alors que les comptages ont été effectués les mêmes jours, suggère que les post-larves peuvent, dans une certaine mesure, « choisir » leur site d’installation. Cependant notre fréquence d’échantillonnage (au moins 15 jours entre deux comptages successifs) ne permet pas d’éliminer l’hypothèse d’une mortalité rapide des post-larves dans un milieu non favorable à leur survie. On peut néanmoins remarquer qu’il y a plus de similarité entre les espèces recrutant à l’intérieur du récif frangeant et sur les récifs artificiels, ou entre la pente externe et les récifs artificiels, qu’entre l’intérieur du récif frangeant et la pente externe. Par contre, les espèces Chromis nigrura et Chromis

dimidiata recrutant préférentiellement sur la pente externe, n’ont été observées ni à l’intérieur du

récif frangeant (Durville, 2002), ni sur les récifs artificiels.

La présence d’une espèce sur un récif artificiel suppose qu’elle a modifié les caractéristiques de sa vie « naturelle » pour être capable d’exister dans son nouvel environnement (Bortone & Kimmel, 1991). La possibilité pour les larves de sélectionner leurs habitats est de plus en plus admise au regard de leurs capacités sensorielles et motrices. En effet, des études physiologiques et comportementales récentes apportent des informations très précises sur les facultés sensorielles des larves, notamment sur l’ouie (Simpson et al., 2004), l’odorat (Wright, 2005) et la vision (Siebeck, 2005), mais aussi leurs capacités de nage aussi bien en vitesse (Leis, 2005 ; Fisher, 2005), qu’en endurance et orientation (Leis, 2005). Tous ces éléments sont en faveur d’un processus actif de sélection de l’habitat par les larves au moment de l’installation, ce qui peut expliquer la faible similarité entre les recrutements de la pente externe, des zones d’arrière-récif et des récifs artificiels. Il semble aussi que cette « adaptabilité » à un nouvel environnement soit plus ou moins limitée en fonction des espèces. Ainsi Lutjanus kasmira recrute dans tous les milieux avec des densités de recrues équivalentes, Epinephelus fasciatus recrute en plus grande quantité sur les récifs artificiels alors que Priacanthus hamrur est observé presque exclusivement sur les récifs artificiels. Au contraire, pour les Pomacentridae ou les Labridae, l’adaptation aux nouveaux habitats semble plus difficile puisque seules deux espèces ont été observées au stade recrue sur les récifs artificiels

Ces différences de capacité d’adaptation peuvent expliquer en partie le fait que les jeunes recrues ne soient pas réparties de façon homogène dans les différents milieux. Ce constat se retrouve aussi sur des récifs artificiels d’architectures différentes sur lesquels des niveaux de recrutement peuvent différer en fonction des espèces. Ainsi les Serranidae de la sous-famille des Anthiinae (essentiellement Pseudanthias cooperii) se retrouvent essentiellement sur les structures de type maisons. Pour les Myripristis, l’observation du comportement sur les structures de type maison montre que c’est une espèce cryptique dès l’installation. Ce comportement peut expliquer que l’espèce n’a pas été observée sur les récifs coralliens où la complexité des caches ne permet pas l’observation visuelle des recrues. Par contre, l’absence de l’espèce sur les structures de type filet a été effective sur l’ensemble des suivis. Les observations réalisées dans les zones sableuses lors du recrutement massif de Epinephelus fasciatus montrent que, dans ces zones, le niveau de recrutement est faible et voué à l’échec. Des observations similaires ont été faites lors des recrutements massifs (Gnathodentex aurolineatus en 2002 ; Lutjanus kasmira et Lutjanus notatus en 2004) pendant lesquels des plongées aléatoires dans les zones sableuses n’ont jamais permis de détecter la présence de recrues de ces espèces, alors que sur les récifs artificiels les densités étaient élevées. Ces observations corroborent les études précédentes qui ont montré qu’en zone sableuse, la présence d’un habitat rocheux, indépendamment de ses caractéristiques structurales, permettait le développement de peuplements diversifiés (Bohnsack et al., 1994 ; Jenkins & Wheatley, 1998). Mais ces observations montrent aussi que l’habitat peut aussi jouer un rôle dans la sélection des espèces qui s’installent et dans le succès du recrutement. Même si l’importance respective des processus de sélection active (choix des larves pour un habitat) ou de régulation (prédation, compétition) responsables de ces différences n’est pas déterminée, la structure de l’habitat joue un rôle essentiel dans le succès du recrutement. Malgré le constat fait sur les récifs coralliens d’une diminution du succès du recrutement dans les zones dégradées et donc offrant un habitat plus monotone (Chabanet & Letourneur, 1995), ce constat est à moduler selon les espèces. Alors que

Gnathodentex aurolineatus est pratiquement absent des structures ayant la plus faible habitabilité

(filet), les recrutements les plus fréquents sont observés pour Lutjanus notatus sur ces structures. Si le seul mécanisme intervenant dans le niveau de recrutement était la prédation, le maximum de recrutement serait observé pour toutes les espèces dans le même milieu. Or, les résultats suggèrent une distinction entre les habitats sans que nous puissions déterminer si elle provient d’une sélection active des larves ou d’une interaction habitat/comportement qui fait que l’habitat « sélectionnerait » les espèces qui persistent.

6.3 ANALYSE PAR TYPE DESPECE

Le premier groupe (type A) comprend les espèces qui sont en contact direct avec le récif et occupent souvent les cavités, ou anfractuosités du récif ; elles appartiennent aux familles suivantes : (Apogonidae, Serranidae, Scorpaenidae, Aulostomidae, Plotosidae). Le second groupe (type B) comprend les espèces présentes à proximité du récif, mais ne sont pas en contact direct avec lui (Lutjanidae, Priacanthidae, Mullidae). Le troisième groupe (type C) comprend les espèces rencontrées autour du récif en pleine eau ou dans la zone pélagique (Carangidae, Caesionidae).La distinction des trois types d’espèces est basée essentiellement sur des critères comportementaux.

6.3.1. Influence du biotope sur une

installation massive et la mortalité