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Structure des verres silicatés d’intérêt nucléaire

Le verre est un solide amorphe : l’agencement des atomes le constituant ne présente pas d’ordre particulier à grande distance, bien que sa structure à l’échelle subnanométrique fasse apparaitre un ordre. Différents types de verres existent, allant du verre de silice simple à des verres de compositions beaucoup plus complexes. Les verres d’intérêt nucléaire sont des borosilicates pouvant contenir jusqu’à une trentaine d’oxydes. Les éléments composant ce type de verre peuvent être répartis en trois grandes catégories 1 :

- les oxydes formateurs de réseau composant la matrice vitreuse (SiO2, B2O3, etc.), - les oxydes modificateurs de réseau (alcalins et alcalino-terreux, terres rares entre

autres),

- les oxydes intermédiaires qui peuvent assurer le rôle de formateur ou modificateur de réseau selon la composition du verre (ZrO2, Al2O3, ZnO etc.) Dans les verres nucléaires, Al et Zr sont des formateurs de réseau. 2

Les oxydes formateurs se présentent sous forme de polyèdres MOn(ou M = Si, Zr, Al…), n définissant la coordinence de l’élément formateur. On trouve ainsi la silice sous forme de tétraèdres [SiO4]. 3 Le bore coexiste dans les verres sous forme de trièdres (appelés par la suite B[3]) et de tétraèdres (B[4]). 4,5 Le réseau vitreux borosilicaté est constitué de ces entités de base qui sont liées entre elles par les atomes d’oxygène. On parle alors d’oxygène pontant (ou BO pour bridging oxygen). La répartition B[3]/B[4] peut par ailleurs être déterminée à partir de modèles simples basés sur la composition du verre 4-6, ou par spectroscopie RMN du 11B. 7 Les unités [BO4]- présentent une charge négative, tout comme les unités [AlO4]- et [ZrO6]2-, et sont compensées par les cations alcalins ou alcalino-terreux. 5,8 Si ces derniers sont introduits en excès par rapport aux unités structurales à compenser, ils entrainent alors une dépolymérisation du réseau avec rupture de liaison siloxane et formation d’oxygènes non-pontants (aussi appelé NBO pour non-bridging oxygen), comme montré sur la figure ci-dessous.

La terminologie Qn permet de préciser le nombre n d’oxygène pontant entourant un formateur de réseau. Ainsi, dans le cas d’un tétraèdre de silicium [SiO4], Q1 désigne un Si entouré de 1 BO et 3 NBO, alors qu’un Q4 désigne un Si entouré de 4 BO. Dans le cas de compositions simples, la répartition des Qn du silicium peut-être déterminée par spectroscopie RMN du 29Si 9,10 ou par spectroscopie Raman 7,11,12. Dans le cas de compositions plus complexes, la quantification des espèces n’est généralement pas possible car les signaux obtenus sont fortement dépendants des seconds voisins. 9

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Figure 1 | Représentation de la dépolymérisation du réseau silicaté résultant de la présence (a) d’alcalins M+ et

(b) d’alcalino-terreux M2+, entrainant la formation d’oxygènes non-pontants (NBO).

En compilant les données expérimentales disponibles, différents modèles structuraux ont été présentés, évoluant avec le temps et le développement de nouvelles techniques analytiques. Le réseau, autrefois considéré comme totalement aléatoire et homogène, 1 est aujourd’hui considéré comme présentant des hétérogénéités mésoscopiques. Le consensus actuel établi par Greaves 13 est que, dans le cas où les cations sont essentiellement modificateurs de réseau et non compensateurs de charge, alors la structure du verre est constituée de deux sous-réseaux interconnectés :

- un réseau riche en formateur de réseau et en BO. - un « réseau » riche en NBO et en cations.

Cette ségrégation entrainerait la formation de canaux dits de « percolation » facilement hydrolysables. Nous verrons par la suite que l’altération d’un verre est fortement dépendante de sa structure.

1.1. Structure des verres simulée par dynamique moléculaire

Les méthodes analytiques actuelles ne permettent pas d’expliciter la structure des verres complexes et notamment de préciser le degré d’ordre à moyenne et longue distance. Le développement de méthodes de simulation numérique ainsi que l’accroissement exponentiel des capacités de calculs ont permis la simulation de structures vitreuses. Trois méthodes permettent actuellement ce type de simulations : la dynamique moléculaire ab initio, la dynamique moléculaire classique, et la méthode Monte-Carlo Hydride. 14

La dynamique moléculaire (DM) permet la simulation de structures en calculant les trajectoires des atomes d’un système de petite taille (de quelques centaines à quelques milliers d’atomes suivant les méthodes) au cours du temps. Pour ce faire, les équations classiques du mouvement sont appliquées à chaque atome 15, considéré comme une masse ponctuelle :

𝑓1 ⃗⃗⃗ = 𝑚𝑖𝑎⃗⃗⃗ 𝑖 (1) (b) + MO M2+ Si O NBO + M2O M+ Si O NBO (a)

31 Où 𝑓⃗⃗⃗ est la somme des forces s’exerçant sur un atome i, mi est la masse de l’atome i et 𝑎1 ⃗⃗⃗ est 𝑖 son accélération. Dans le cas de la DM ab initio, les premiers principes de la mécanique quantique sont utilisés pour calculer les forces d’interaction. Dans le cas de la DM classique, les forces dérivent de potentiels d’interactions atomiques simplifiés. 16

La DM ab initio est contraignante car elle requiert des capacités de calcul importantes pour des systèmes de très petite taille (quelques centaines d’atomes). Elle s’attache en effet à décrire le cortège électronique des atomes avec l’approximation de Born-Oppenheimer. Actuellement, cette méthode permet de simuler des verres simples binaires (Si-B) 17 à ternaires (Si-B- Na/Li/K). 18,19 Aucun système vitreux plus complexe n’a été étudié jusqu’à présent.

La DM classique nécessite moins de temps de calcul et peut être appliquée à des systèmes plus importants (jusqu’à plusieurs dizaines de milliers d’atomes) selon le type de potentiels utilisés. Au contraire de la DM ab initio, la DM classique considère les atomes comme des charges ponctuelles, ce qui simplifie les calculs. Ces potentiels semi-empiriques sont préalablement obtenus en ajustant les paramètres de simulations sur des propriétés physiques connues telles que les constantes élastiques. 20 De nombreux potentiels existent pour la simulation de structures silicatées 21,22, et borosilicatées tels que les potentiels Born-Mayer-Higgins (BMH) 23. La configuration de ces potentiels n’est cependant pas dépendante de la composition, ce qui entraine des écarts entre les propriétés physico-chimiques des structures simulées et les résultats expérimentaux. De nouveaux potentiels ont récemment été développés pour pallier cette limitation. 24,25 Ces potentiels sont dotés de charges atomiques dépendantes de la composition et d’interactions de paires à courte distance assurant un temps de calcul efficient. Ces nouveaux potentiels permettent de reproduire correctement des structures de verres boroaluminosilicatés, et notamment les évolutions de la coordinence du bore en fonction de la composition. 24-26

La méthode Monte-Carlo Hybride diffère des deux méthodes précédentes car elle ne résout pas d’équation du mouvement. Elle utilise des procédés de tirages au sort aléatoires qui permettent l’exploration stochastique de différentes configurations d’un système, configurations qui sont ensuite validées selon des critères d’acceptation liés aux potentiels de DM classique. 16 Cette méthode a permis la simulation récente d’un verre nucléaire à six oxydes (Si-B-Na-Al-Ca-Zr) appelé ISG, qui sera étudié par la suite dans ce travail de thèse. 27

Les structures résultant de ces différentes méthodes de simulation sont validées par comparaison avec des propriétés physiques obtenues expérimentalement. 25,27,28 Il est ainsi possible de calculer des propriétés mécaniques (Figure 2 a), des longueurs et angles de liaisons, des facteurs de structures (Figure 2 b), des coordinences d’éléments, etc.

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Figure 2 | Comparaison entre résultats expérimentaux et résultats de simulation : (a) propriétés physiques telles

que le module de Young 25, (b) facteurs de structures obtenus expérimentalement par diffraction des neutrons ou

par diffusion des rayons X aux grands angles (WAXS). 27 La bonne cohérence entre les résultats expérimentaux et

les résultats simulés indique que les potentiels choisis permettent de reproduire correctement la structure vitreuse étudiée.

Les structures simulées validées peuvent ensuite apporter des informations complémentaires aux techniques analytiques 29-31 : distribution des Qn, fonction de distribution de paires, taille des anneaux, compensation de charge, etc.

2. Altération des verres et formation de la pellicule d’altération