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Spéciation de l’eau : études par Spectroscopie infrarouge et Raman

3. Réactivité et mobilité : étude de la dynamique de l’eau au sein d’un milieu poreu

3.1.1. Spéciation de l’eau : études par Spectroscopie infrarouge et Raman

Les spectroscopies infrarouge (IR) et Raman permettent d’étudier les modes vibrationnels des molécules et des structures. Elles donnent des résultats de même nature : des spectres présentant un certain nombre de bandes de vibrations. Ces bandes, ou modes, sont situées à des nombres d’ondes qui leur sont caractéristiques. Elles sont dues aux mouvements des liaisons chimiques des molécules, ou témoignent d’un réseau plus ou moins organisé. Le spectre obtenu est donc représentatif du matériau étudié ; il permet de connaitre sa structure et, dans certains cas, la quantification de diverses espèces aqueuses en son sein. Seule la spectroscopie IR a été utilisée au cours de cette thèse, cette partie bibliographie se concentrera donc sur cette technique uniquement.

La littérature présente une abondance de travaux sur la spéciation de l’eau dans des milieux confinés tel que les zéolithes 81,82 ou la silice amorphe. 83-85 Ces milieux présentent des compositions simplifiées mais proches de celle du gel, et peuvent éventuellement servir de référence pour des travaux en IR. 86 De nombreux travaux existent cependant sur les verres naturels 87-89 ou synthétiques 90-92 et peuvent servir de base pour référencer les différents modes de vibration existants. Ainsi, les verres peu hydratés ne contiennent que des silanols et présentent donc essentiellement trois contributions vers 900, 3700 et 4500 cm-1, comme le démontre la Figure 8 a. 92,93 Les verres fortement hydratés contiennent à la fois des silanols et de l’eau sous forme moléculaire : en plus des contributions dues aux silanols, de nouveaux massifs attribués aux molécules apparaissent vers 1650, 3000 à 3700 et 7090 cm-1 (Figure 8

b). 94,95 Notons que toutes ces espèces tendent à former des liaisons hydrogène. En conséquence,

les signaux obtenus s’élargissent significativement. 92 Les différentes contributions observées dans ce type de verres et leur attribution sont compilées dans la Table 1.

Ces études restent généralement qualitatives, et ne se risquent à la quantification que lorsqu’elles combinent leurs analyses spectroscopiques à d’autres méthodes destructives comme les analyses thermogravimétriques (ATG) ou la méthode Karl-Fischer pour le dosage de l’eau. Ce couplage de techniques permet l’établissement de courbes de calibration en corrélant quantité totale d’eau et évolution des bandes dans le proche 89,96 et moyen-IR (Figure

41 Figure 8 | Evolution du Spectre IR d’un verre Suprasil W2 d’après Davis and Tomozawa 92. (a) Verre faiblement hydraté ne contenant que des silanols. (b) Verre fortement hydraté contenant des silanols et de l’eau moléculaire formant ou non des liaisons hydrogène.

Figure 9 | Corrélation entre la quantité totale d’eau dans l’échantillon de verre et la hauteur de la bande

fondamentale de déformation des liaisons OH à 3500 cm-1 d’après Stolper 97. Cette calibration permet ensuite de

quantifier les teneurs en eau dans des échantillons similaires sans avoir recours aux méthodes destructives habituelles (analyses thermogravimétriques ou méthode Karl-Fischer).

(a)

42

Localisation des bandes en spectroscopie IR

(cm-1)

Type de bande Attribution

~872 avec un épaulement à

895 Fondamentale Déformation des liaisons –Si–OH

~944 Fondamentale Elongation des liaisons –Si–O des silanols formant

des liaisons H avec l’oxygène d’un silanol voisin

~964 Fondamentale Elongation asymétrique des liaisons –Si–O dans un

groupement O3SiOH

~1610 Fondamentale Déformation des liaisons OH de l’eau

~2820 Fondamentale Elongation des liaisons OH des silanols formant des

liaisons H avec un oxygène non pontant

~3225 Harmonique Harmonique du mode de vibration vers 1610 cm-1

~3450 Fondamentale Elongation asymétrique et symétrique de l’eau

formant des liaisons H avec le réseau silicaté

~3510 Fondamentale Elongation des liaisons OH des silanols formant des

liaisons H avec l’oxygène d’un silanol voisin

~3670 Fondamentale Elongation des liaisons OH des silanols internes

~3750 Fondamentale Elongation des liaisons OH des silanols isolés

3850 Combinaison

Torsion + Elongation des liaisons OH des silanols + Fin des contributions de l’eau quand la teneur en H2O est élevée

~4100 Combinaison Non-identifiée

~4500 Combinaison Elongation + déformation des liaisons OH des

silanols

5250 + épaulement à 5100 Combinaison Elongation + déformation des molécules d’eau

7200 Harmonique Harmoniques des contributions vers ~3600 cm-1

Table 1 | Attribution des signaux observés en spectroscopie IR sur des verres hydratés ou altérés. 92

Cependant, bien que cette quantification soit possible sur des verres de composition simple, elle se complexifie avec l’augmentation du nombre d’oxydes formant le verre : plus il y a de formateurs de réseau et plus le nombre de contributions des groupements – X–OH (où X = Si, Al, Zr...) augmente avec des positions fortement variables pouvant recouvrir les contributions de l’eau moléculaire. 98-100 Nous comprenons donc la difficulté d’appliquer ce type de méthode à un verre nucléaire altéré, et ce, d’autant plus que la mise en place d’une calibration requiert l’utilisation d’une quantité de matière importante, difficile à obtenir.

De fait, malgré l’abondance de littérature sur la quantification et l’étude de la spéciation de l’eau par des analyses infrarouges, cette méthode n’a été que rarement utilisée jusqu’à présent pour étudier le gel lors de l’altération d’un verre nucléaire. Quelques travaux suivent l’évolution du massif large situé entre 3000 et 3700 cm-1 au cours de l’altération. 86,101-103 Ce massif peut- être déconvolué en plusieurs contributions attribuées à diverses espèces aqueuses. Cette déconvolution permet le suivi de l’évolution de l’absorbance de ces contributions au cours du temps, comme le montre la Figure 10.

43 Figure 10 | (a) Déconvolution du signal de l’eau obtenu sur le verre SON68 altéré en trois contributions attribuées

aux silanols (~3570 cm-1), aux molécules d’eau liées à la structure (~3425 cm-1) et aux molécules d’eau non-liées (~3225 cm-1). (b) Évolution de la contribution

vers 3425 cm-1 au cours de l’altération en fonction de la température, d’après Neeway, et al. 101.

Ces études apportent des informations sur l’augmentation de la quantité des différentes espèces aqueuses au cours du temps. 86,101-103 Elles n’apportent en revanche pas d’information quantitative sur la spéciation de l’eau à un temps t.