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Spéciation de l’eau : études par Résonance Magnétique Nucléaire

3. Réactivité et mobilité : étude de la dynamique de l’eau au sein d’un milieu poreu

3.1.2. Spéciation de l’eau : études par Résonance Magnétique Nucléaire

La spectroscopie par résonance magnétique nucléaire (RMN) repose sur l’application d’un champ électromagnétique radiofréquence (aussi appelé pulse) à un isotope de spin non nul (1H, 11B, 29Si, 23Na, 27Al…) plongé dans un champ magnétique intense.

La RMN du solide a pour avantage d’être non destructive, mais requiert un échantillon de poudre de granulométrie homogène. Cette technique sonde l’intégralité du matériau, et donne donc un résultat moyen. Les pics obtenus sont caractérisés par leur déplacement chimique par rapport à un composé de référence. Ce déplacement chimique dépend de l’élément sondé, et de son environnement. L’un des autres avantages de la RMN réside dans la proportionnalité entre l’aire du pic et la quantité de l’isotope sondé dans l’échantillon analysé. La RMN peut donc être utilisée comme méthode de quantification. 104

Afin d’étudier la spéciation de l’eau au sein d’un échantillon hydraté, il est possible de sonder l’hydrogène. En effet, le déplacement chimique d’un atome d’hydrogène appartenant à une molécule d’eau ne sera pas identique à celui d’un hydrogène d’un groupement silanol. Dans le cas de la surface de gel de silice amorphe 105,106, le signal contient trois contributions majeures (Figure 11) :

- les protons des silanols libres qui donnent un pic fin à 1,7 – 1,8 ppm.

- les protons des silanols liés par liaisons H qui donnent un pic large entre 3,0 et 10 ppm. - les protons des molécules d’eau physisorbées qui donnent un pic fin vers 3,3 – 3,5 ppm.

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Figure 11 | Spectre RMN 1H MAS obtenu sur deux silices amorphes présentant les contributions de l’eau

physisorbée et des silanols formant ou non des liaisons hydrogène, d’après Legrand, et al. 106.Dans le cas d’un

verre hydraté, le signal obtenu se complexifie du fait du nombre important de contributions difficilement distinguables (contributions des –X–OH où X est croissant en fonction de la composition, contributions des espèces formant ou non des liaisons hydrogènes, etc.) La formation de liaisons hydrogène entraine de plus l’élargissement des pics, et un décalage vers des déplacements chimiques plus élevés. 9 Il est possible de différencier les contributions en changeant les modes d’acquisition :

- L’acquisition directe permet de distinguer les contributions des hydroxyles de celle de l’eau moléculaire en fonction de leurs déplacements chimiques. Dans un verre hydraté, plus un silanol formera des liaisons hydrogène fortes, et plus son déplacement chimique sera important. 107,108

- La séquence Hahn Echo permet de discriminer les protons en fonction de l’intensité de leurs interactions dipolaires homo-nucléaires avec leurs voisins. Les interactions 1H - 1H des protons d’une molécule d’eau sont par exemple plus importantes que celles des protons de silanols. De même, des silanols formant des liaisons hydrogène auront des interactions 1H - 1H plus fortes que celles de silanols libres. 9

- Les expériences spin lock permettent de séparer les espèces en fonction de leur temps de relaxation. Les espèces mobiles ont ainsi un T1ρ (temps de relaxation spin-réseau) plus court que les espèces rigides. 9

La comparaison des résultats obtenus sur des verres altérés avec l’acquisition directe et les méthodes proposées ci-dessus permet d’attribuer les différentes contributions (Figure 12). La Table 2 récapitule les résultats obtenus sur des verres altérés ou hydratés.

45 Figure 12 | Signaux de verres altérés à pH 9 obtenus (a) en acquisition directe DA et (b) avec une séquence Han-

Echo. L’eau moléculaire (flèches bleues) est particulièrement visible en acquisition directe, alors que les silanols liés (flèches rouges) et libres (flèches vertes) sont mis en évidence par la séquence Han-Echo. D’après Angeli, et al. 9.

Les quantifications obtenues en RMN ont été comparées à celles obtenues sur un même échantillon en IR. Des différences non-négligeables sont observées chez certains auteurs (jusqu’à 55% de différences observées sur la quantification des groupement hydroxyles) 109, qui sont expliquées par la complexité des spectres IR lorsque de nombreuses espèces formant des liaisons hydrogène fortes sont présentes. D’autres études trouvent une parfaite adéquation entre les deux méthodes 110. Il semble donc nécessaire de corréler ces deux méthodes afin de s’assurer de l’exactitude des résultats obtenus.

Les expériences 2D apportent également des informations sur l’environnement des protons. Les cartographies HETCOR 1H → 29Si, par exemple, permettent de corréler la résonance des différents protons participants à la polarisation des siliciums. 9 Les expériences double-quantum permettent, elles, de sonder la proximité spatiale entre les différents protons. Une dimension double-quantum permet de représenter la somme des déplacements chimiques de deux protons couplés. Cette dimension est ensuite corrélée au spectre de protons individuels, et met en évidence l’existence d’interactions dipolaires entre protons. 9

Conclusion : Les spectroscopies IR et RMN sont utilisées dans de nombreux domaines pour étudier et quantifier les espèces de l’eau au sein d’un matériau. Elles ont déjà été appliquées à des pellicules d’altération de verres, mais rarement à des fins de quantification. Certaines méthodes, comme la RMN à gradient de champs pulsé, donnent des informations sur la dynamique de l’eau, mais sont difficiles à mettre en œuvre et peu sensibles. La dynamique de l’eau doit donc être étudiée par d’autres moyens.

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Position du signal

(ppm) Attribution

Signaux fins

< 1.4 OH isolés (silanols ou X – OH)

Signal large ~3

Silanols formant de faibles liaisons H : –Si–OH ··· O(H)Si

–Si–OH ··· O pontant

–Si–OH ··· OH2

Signal large

entre 3.5 et 4 Molécules d’eau liées à la surface

Signal fin

~5 H2Omol libre

Signal large vers 6 – 6.5

Silanols formant des liaisons H fortes –Si–OH ··· O(M)Si

Signal large au-dessus de 10

Silanols formant des liaisons H fortes : –Si–OH ··· O–Si intra-tétraédriques –Si–OH ··· O(M)Si

–Si–O(H)–M où la liaison –Si–O–M est protonée pour compenser la charge de l’oxygène non pontant.

–M–OH ··· O

Table 2 | Tableau récapitulatif de l’attribution des signaux observés en RMN du proton sur des verres hydratés ou

altérés (M est un alcalin). 9,108,111,112