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Réactivité d’un gel mature

3. Conclusion

2.2. Réactivité d’un gel mature

L’épaisseur du gel formé au bout de 1625 jours, calculée d’après les analyses de solutions (~2300 nm, Figure 51 a), est cohérente avec l’épaisseur du profil du bore en ToF-SIMS (~1800 nm, Figure 51 b).

Figure 51 | Comparaison de l’épaisseur de verre altéré obtenue à 1625 jours (les points représentent les données

expérimentales, les croix les données extrapolées) (a) d’après les analyses de solution et (b) d’après le profil Tof- SIMS normalisé du bore obtenu avant traçage

Après un mois de remise en altération à 90 °C, l’avancée du front d’altération n’est visible que grâce à la légère augmentation du rapport 18O/16O à l’interface verre sain/gel (Figure 52 a). Les profils isotopiques obtenus à 2 et 90 °C sont globalement plats, montrant une nouvelle fois des échanges homogènes dans l’épaisseur du gel. Les valeurs moyennes obtenues à chaque température et temps de traçage sont compilées dans la Table 22.

Malgré la faible température, des échanges sont observés à 2 °C. Ces échanges augmentent avec le temps bien que les cinétiques soient très lentes (Figure 52 c). Les profils isotopiques à 90 °C montrent une valeur moyenne très proche de la valeur moyenne attendue pour un échange complet avec les espèces mobiles (Figure 52 a et b), et qui évolue peu entre 1 et 4 mois.

2292 nm 0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500 0 500 1 000 1 500 2 000 E T (B ) nm Temps (j) (a) (a) ~1800 nm 0.00 0.20 0.40 0.60 0.80 1.00 1.20 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 B no rm a li s é Profondeur (nm) (b)

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Figure 52 | (a) Profils des ratios 18O/16O obtenus à 2 et 90 °C après 1 mois. Comparaison des profils obtenus à 1 et 4 mois à (b) 2 et (c) 90 °C.

Bien que le monolithe utilisé pour les traçages à 25 °C soit altéré 363 jours, et non 1625 jours, le gel est formé après la chute de vitesse observée entre 90 et 210 jours (Figure 32 du Chapitre 5 p. 141). Il s’agit donc d’un gel déjà mature, et non plus d’un gel néoformé, ce qui justifie de pouvoir le comparer avec celui étudié précédemment. Afin d’avoir un point de comparaison à 25 °C, et pour des durées de 30 et 128 jours, les données obtenues au chapitre précédent sont interpolées (Figure 53 a et b). Le rapport 18O/16O moyen obtenu à chaque échéance est transformé en fraction totale d’oxygènes échangés en utilisant la relation (11). Les données obtenues sont récapitulées dans la Table 22.

Equilibre H2O et OH 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0 500 1000 1500 2000 18O/ 16O Profondeur (nm)

1 mois

2 °C 90 °C Abondance de la solution Abondance naturelle Avancé du front d'altération

(a)

Gel Verre sain

Equilibre H2O et OH 0.00 0.04 0.08 0.12 0.16 0 500 1000 1500 2000 18 O/ 16 O Profondeur (nm) 90 °C 1 mois 4 mois (b) Equilibre H2O et OH 0.00 0.02 0.03 0.05 0.06 0 500 1000 1500 2000 18 O/ 16 O Profondeur (nm) 2 °C 1 mois 4 mois (c)

189 Figure 53 | Analyse ToF-SIMS : (a) ratios 18O/16O. Ces valeurs ne sont pas directement comparables à celles obtenues à 25 et 90 °C car l’enrichissement de la solution de traçage n’est pas le même. Il est donc nécessaire de transformer ces ratios en fraction totale d’oxygènes échangés. (b) Fractions totale d’oxygènes échangés correspondantes exprimées en pourcentage. Les valeurs obtenues entre 1 et 91 jours sont linéaires en fonction de la racine carrée du temps, il est donc possible par régression linéaire d’en déduire une valeur à 10, 30 et 128 jours.

Echéance Température (°C)

r moyen r zone pré-altérée r zone néo-altérée 𝑭 𝐭𝐨𝐭𝐚𝐥𝐞 𝐎 é𝐜𝐡𝐚𝐧𝐠é𝐬

(%) 𝑭 𝐁𝐎 é𝐜𝐡𝐚𝐧𝐠é𝐬 (%) 1 mois 2 0,007 ± 0,001 - - 2,1 0 25 0,065± 0,006 - - 0,9 0 90 0,053 ± 0,005 0,053 ± 0,005 0,084 ± 0,005 21,1 0 4 mois 2 0,012± 0,001 - - 4,0 0 25 0,099± 0,001 - - 1,3 0 90 0,059± 0,007 0,059± 0,005 0,078± 0,010 23,6 0

Table 22 | Données obtenues à chaque température pour deux échéances (1 et 4 mois). r moyen : Ratio 18O/16O moyen. r zone pré-altérée : rapport 18O/16O dans la zone altérée entre 0 et 1625 jours. r zone néo-altérée : rapport 18O/16O dans la zone altérée après 1625 jours. 𝑭 𝐭𝐨𝐭𝐚𝐥𝐞 𝐎 é𝐜𝐡𝐚𝐧𝐠é𝐬 : pourcentage totale d’oxygènes échangés. 𝑭 𝐁𝐎 é𝐜𝐡𝐚𝐧𝐠é𝐬:

pourcentage théorique d’oxygènes pontants échangés considérant un échange complet des oxygènes mobiles (H2O

et OH).

La comparaison des données à 90 °C obtenues sur les différents gels (Figure 54 a) souligne la réorganisation préférentielle du gel néoformé par rapport au gel mature. La comparaison entre températures pour le gel mature (Figure 54 b) montre un fort ralentissement des échanges entre 1 et 4 mois, avec des vitesses d’échanges relativement similaires à 2 et 90 °C à long terme. Les évolutions observées à 2 et 90 °C semblent donc confirmer l’hypothèse d’un ralentissement des échanges à plus long terme à 25 °C. La comparaison entre les valeurs obtenues à 2 et 25 °C montre une incohérence, les premières étant supérieures aux secondes. Cependant, il faut noter que les traçages n’ont pas été réalisés dans des solutions aux enrichissements identiques. Dans le cas des traçages à 25 °C, la solution est supposée enrichie à 88 % en 18O, soit un rapport 18O/16O estimé à ~7. Il existe ici une incertitude sur la teneur en 18O de la solution mère (teneur théorique en H218O > 97 %), or pour des enrichissements supérieurs à 70 % (Figure 54 c) la répercussion sur le rapport 18O/16O évolue exponentiellement. En prenant en compte cette incertitude, le rapport de cette étude, utilisé pour calculer la fraction totale d’oxygènes échangés (équations (10) et (11)), est évalué à 7 ± 3 : nous ne pouvons donc pas exclure l’hypothèse que les valeurs obtenues à 25 °C soient équivalentes ou supérieures à celles obtenues à 2 °C.

0.00 0.04 0.08 0.12 0.16 0 2 4 6 8 10 12 18O/ 16 O Temps1/2(j1/2) (a) 0.0 0.4 0.8 1.2 1.6 0 2 4 6 8 10 12 Fra c ti on tot a le O é c ha ng é s s (% ) Temps1/2(j1/2) (b)

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Figure 54 | Evolution de la fraction totale d’oxygènes échangés, exprimée en pourcentage. (a) Comparaison

des données expérimentales à 90 °C sur le gel néoformé et le gel mature. (b) Comparaison des données expérimentales à 2, 25 et 90 °C. Les points représentent les données expérimentales, les croix les données extrapolées. (c) Evolution du rapport 18O/16O en fonction de l’enrichissement de la solution de traçage.

3. Discussion

Les différentes expériences présentées dans ce chapitre montrent une réorganisation en quelques jours du réseau au cours de l’altération : aux temps courts, près de 70 % des oxygènes s’échangent. En revanche, même pour ces matériaux néoformés et très réactifs, aucun échange n’est observé entre les siliciums formateurs du gel et la solution. Ce genre d’échange uni- élémentaire a déjà été observé sur des minéraux fossilisés, les auteurs en déduisant qu’il s’agit de mécanismes de diffusion et d’échanges internes. 3 Pour des verres, ce type d’échanges est plus rarement observé, les remises en altération en milieu enrichi étant peu courantes. Des résultats similaires ont néanmoins été observés précédemment par Geisler, et al. 4 dans des conditions d’atteinte rapide de la saturation, de pH relativement fixe (~10) et à température ambiante. Cependant, ces auteurs considèrent une formation du gel par dissolution- précipitation. Or, s’il est possible, à long terme, d’imaginer une précipitation interne sans échanges avec la solution, le gel faisant office de barrière à la diffusion des espèces Si(OH)4, l’absence d’échange aux temps courts invalide cette hypothèse : les parties externes du gel devraient être enrichie en 29Si. De plus, le rapport 18O/16O obtenu à l’interface réactive à 90 °C aux temps longs (~0.08) est largement inférieur à celui de la solution (0.24), ce qui infirme

0.0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8 0.9 1 10 100 1000 Fra c ti on tot a le O é c ha ng é s Temps (j)

Gel néoformé Gel mature

(a) y = 1.93E-04x + 1.51E-02 y = 2.53E-04x + 2.04E-01 0.00 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 0.30 0 50 100 150 Fra c ti on tot a le O é c ha ng é s Temps (j) (b) 0 4 8 12 16 20 0 20 40 60 80 100 r ( 18O/ 16 O) 18O/(16O+18O) (%) (c)

191 l’hypothèse d’une dissolution congruente du verre dans un fin film d’eau à l’interface verre sain/gel et suggère l’hydrolyse préférentielle du bore. Dans nos conditions d’altération (pH neutre et saturation vis-à-vis de la silice amorphe), le gel se forme donc par une succession de mécanismes d’hydrolyse non-congruente des liaisons suivie de recondensation de ces dernières, et non par dissolution complète des tétraèdres de silicium avant reprécipitation.

Les résultats obtenus pour les gels néoformés et matures montrent des comportements différents à 90 °C. Le gel néoformé est en effet hautement réactif et se réorganise continument et rapidement après sa formation, comme en attestent les échanges 18O/16O observés. Dans le cas des gels matures, si une quantité non-négligeable d’oxygènes s’échange en 1 mois, cet échange plafonne ensuite à ~25 %, soit la valeur attendue pour un équilibre complet avec les espèces mobiles. Cependant, nous avons démontré au Chapitre 5 qu’une partie des espèces mobiles n’étaient pas échangeables car confinées dans des pores fermés et non-accessibles sauf par hydrolyse du réseau. Ce point est appuyé par les traçages à 2 °C : les espèces supposées mobiles devraient l’être même à plus basse température, mais seules 21 % de ces espèces seraient respectivement échangées après 4 mois, ce qui signifie qu’une partie de ces oxygènes est difficilement accessible, et nécessite l’hydrolyse du réseau. Or, ce mécanisme entraine nécessairement un fractionnement isotopique, ce qui signifie, dans le cas du traçage à 90 °C, qu’un équilibre avec les espèces mobiles devrait, de fait, être accompagné par un échange significatif des oxygènes du réseau. L’obtention d’une valeur correspondant à un échange complet ne signifie donc pas forcément qu’il y a effectivement eu remplacement de tous les oxygènes mobiles par leurs homologues isotopiques : il pourrait y avoir échange à la fois des espèces mobiles et des oxygènes du réseau par réorganisation de ce dernier.

Une densification des couches amorphes riches en silice se formant à la surface des minéraux a déjà été observée, et expliquerait le comportement à long terme de ces derniers. 5 De même, les études de Cailleteau, et al. 6 avaient également montré que le gel formé en régime de chute de vitesse se densifiait au cours du temps, impliquant une réorganisation du réseau silicaté. Cette réorganisation entrainait cependant une fermeture de la porosité en surface du gel, empêchant la diffusion de l’eau vers l’interface verre sain/gel et entrainant de fait une forte chute de l’altération du verre. 7 Ici, la diffusion de l’eau n’est pas contrainte par une obstruction en surface du gel puisque les échanges sont possibles aux premiers temps de formation du gel mais également après sa maturation, et ce jusqu’à l’interface verre sain/gel. Ce constat est appuyé par de récentes études réalisées en ellipsométrie sur des gels de 7, 28 et 1625 jours, formés en solution S1 (Table 15), qui ont révélé une augmentation de la taille moyenne des pores dans le gel au cours du temps. Le gel néoformé présente ainsi une taille moyenne de pore inférieure à 1 nm, alors que le gel mature présente une taille moyenne supérieure à 2 nm. 8 L’étude de Gin, et al. 1 avait cependant montré que des molécules de taille supérieure à 1 nm ne pouvaient pas diffuser dans la porosité, ce qui signifie que les pores > 2 nm dans le gel

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mature ne sont pas accessibles. La diffusion de l’eau semble donc limitée par la réorganisation du réseau qui modifie la connectivité de la porosité.

L’incertitude demeure cependant sur ces cinétiques d’échanges, puisqu’il est impossible, avec les résultats ToF-SIMS uniquement, de déterminer quels types d’oxygènes (O de BO, NBO ou H2O) sont échangées. Afin d’atteindre une meilleure compréhension des mécanismes en jeu dans le ralentissement de la diffusion de l’eau, des traçages en milieu enrichi en 17O suivis d’analyses RMN, permettant l’évaluation des quantités échangées pour chaque espèce, sont envisagés.

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Conclusion

Les résultats présentés dans ce chapitre appuient l’hypothèse dans la présence d’une porosité non-accessible par diffusion de l’eau et nécessitant l’hydrolyse de liaisons pour s’équilibrer isotopiquement avec la solution. Le gel n’est donc pas une structure rigide, son évolution étant clairement mise en évidence dans cette étude. Sa réorganisation, progressive, mène à la formation de pores de taille plus importante que les pores néoformés initiaux, mais également plus difficilement accessibles.

Afin de valider complétement ces hypothèses, il est néanmoins nécessaire de pouvoir déterminer quels type d’oxygènes sont échangées à court et long terme sur un gel mature. Ces recherches sont envisagées pour le futur.

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Références

1 Gin, S. et al. Origin and consequences of silicate glass passivation by surface layers.

Nat. Commun. 6 (2015).

2 Gin, S. et al. Atom-Probe Tomography, TEM and ToF-SIMS study of borosilicate glass alteration rim: A multiscale approach to investigating rate-limiting mechanisms.

Geochim. Cosmochim. Acta 202, 57-76 (2017).

3 Bernard, S., Daval, D., Ackerer, P., Pont, S. & Meibom, A. Burial-induced oxygen- isotope re-equilibration of fossil foraminifera explains ocean paleotemperature paradoxes. Nat. Commun. 8 (2017).

4 Geisler, T. et al. The mechanism of borosilicate glass corrosion revisited. Geochim.

Cosmochim. Acta 158, 112-129 (2015).

5 Daval, D. et al. Dynamics of altered surface layer formation on dissolving silicates.

Geochim. Cosmochim. Acta 209, 51-69 (2017).

6 Cailleteau, C. et al. Insight into silicate-glass corrosion mechanisms. Nat. Mater. 7, 978- 983 (2008).

7 Gin, S., Beaudoux, X., Angeli, F., Jegou, C. & Godon, N. Effect of composition on the short-term and long-term dissolution rates of ten glasses of increasing complexity from 3 to 30 oxides. J. Non Cryst. Solids 358, 2559-2570 (2012).

8 Ngo, D. et al. Spectroscopic Ellipsometry Study of Thickness and Porosity of the Alteration Layer formed at International Simple Glass (ISG) Surface in Aqueous Corrosion Conditions. npj Mater. Degrad. (Submitted) (2018).

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Conclusion

Des conclusions…

Après plus de 60 ans de production d’électricité nucléaire, la question de la gestion des déchets ultimes français reste un sujet sociétal sensible. Les déchets de haute activité, qui présentent une dangerosité sur des échelles de temps de centaines de milliers d’années, doivent être stockés en milieu géologique profond après avoir été vitrifiés. Dans ces conditions, le concept multi- barrières (enveloppes métalliques, matrice de verre et couche d’argilite) doit permettre d’assurer l’absence d’impact sur l’homme et l’environnement.

Le travail, réalisé depuis plus d’une trentaine d’années sur ce projet par les acteurs de la recherche comme l’Andra et le CEA, a pour objectif de concevoir le stockage, et notamment de définir et dimensionner le concept multi-barrières et démontrer la sureté à court, moyen et très long terme du concept proposé. Pour ce faire, de nombreux essais sont menés en laboratoire afin de construire et paramétrer des modèles, dont le plus avancé actuellement pour décrire l’altération du verre, est le modèle GRAAL. Ces modèles scientifiques sont testés dans des conditions variées et confrontés au comportement d’analogues naturels ou archéologiques afin d’être validés, avant d’être utilisés pour évaluer le comportement à très long terme des verres nucléaires.

Ces modèles évoluent avec les connaissances mécanistiques afin de décrire de manière toujours plus précise et prédictive la complexité des processus d’altération du verre dans un environnement de stockage géologique. Certains phénomènes ou couplages ne peuvent être actuellement pris en compte, faute de compréhension suffisante des mécanismes à considérer.

Ainsi, bien qu’il soit admis par la communauté scientifique que l’altération du verre est ralentie par la formation d’une couche passivante (matériau poreux, amorphe et hydraté appelé gel), il n’existe actuellement pas de consensus sur les processus de formation de cette couche et sur ses propriétés. Deux modèles sont actuellement proposés :

- Le modèle de dissolution-précipitation, qui considère que le gel se forme par hydrolyse simultanée de toutes les liaisons du verre sain dans une fine pellicule d’eau à l’interface verre sain/gel. L’atteinte d’une sursaturation locale entraine ensuite la précipitation des éléments les moins solubles qui forment ainsi le gel. Le caractère passivant de ce dernier est attribué à une limitation spatiale de la diffusion de l’eau.

- Le modèle d’hydrolyse-condensation, qui considère un départ préférentiel des espèces mobiles (bore, sodium, calcium) par hydrolyse ou échange d’ions, suivi d’une réorganisation du réseau hérité du verre sain par une succession de mécanismes

199 d’hydrolyse-condensation, permettant la formation d’une nanoporosité qui limite alors le flux d’eau accédant à l’interface verre sain/gel.

Suite à de nombreux débats, les différentes parties sont généralement en accord sur deux points : aucun de ces modèles n’est universel, et le ou les mécanismes à l’origine de l’effet de passivation des couches formées restent mal compris quelle que soit l’approche considérée. La prévalence d’un modèle sur l’autre semble hautement dépendante des conditions d’altération d’une part (écart par rapport à la saturation en silice et pH), et de la composition et de la structure du verre d’autre part. Il apparait donc que les conclusions quant à la formation du gel présentées dans cette thèse ne peuvent être généralisées à l’ensemble des verres silicatés.

Elles permettent cependant une meilleure compréhension du modèle à considérer en limitant le nombre de facteurs impactant la formation du gel. Le choix est fait ici de travailler avec un verre de référence, le verre ISG, dans des conditions de pH légèrement basiques (pH 7 à 90 °C) et dans des solutions saturées vis-à-vis de la silice amorphe afin de limiter la dissolution initiale du réseau vitreux. Le choix de ces conditions autorise une comparaison aux stades avancés de l’altération des verres nucléaires en conditions de stockage (régime dit de vitesse résiduelle). Le marquage du Si en solution par l’isotope 29 permet de discuter du modèle qui s’applique aux conditions de notre étude. Nous avons ainsi tenté de relier les informations sur la structure du verre et des gels à celles obtenues sur la spéciation et la dynamique de l’eau dans ces matériaux amorphes et en évolution.

L’étude expérimentale de la structure du verre ISG sain donne accès à un certain nombre d’informations. Nous avons ainsi pu déterminer le rapport B[4]/(B[3]+B[4]) par résonance magnétique nucléaire, avec une valeur obtenue (0,52) proche de la valeur théorique déduite de la composition chimique du verre (0,44). Par ailleurs, les données expérimentales obtenues en RMN de 27Al indiquent une compensation de charge assurée préférentiellement par le sodium, et le calcul du pourcentage de NBO (4,5 %) révèle un verre hautement polymérisé. Les autres données essentielles à une description détaillée de la structure du verre ISG sont difficilement accessibles par l’expérience du fait de la composition relativement complexe de ce verre borosilicaté à six oxydes. Toutefois, une collaboration avec l’équipe de Jincheng Du (NTU) a permis de simuler la structure du verre ISG par dynamique moléculaire classique et de valider partiellement cette simulation par comparaison avec les données expérimentales (Chapitre 3). La simulation permet une description détaillée de la structure du verre incluant la répartition des Qn du silicium, la distribution des angles et la taille des anneaux formateurs, ce qui nous informe sur le degré de connectivité des différents formateurs de réseau. La structure simulée du verre sain révèle notamment que le bore, formateur de réseau et élément très soluble, est fortement interconnecté avec toutes les unités du réseau ([SiO4], [AlO4]- et [ZrO6]2-). Le verre ISG est donc homogène, et ne présente donc pas de zones enrichies en bore qui pourraient être préférentiellement hydrolysées. La dissolution préférentielle du bore par rapport au silicium du