• Aucun résultat trouvé

Structure de l’´ecoulement Notions sur la stabilit´e

2.2.1

Champ de vitesse

Le champ de vitesse au sein du rideau est essentiellement gouvern´e par la gravit´e. L’´ecoule- ment est donc uniform´ement acc´el´er´e suivant la coordonn´ee verticale z, et constant le long des axes de longueur x et de largeur y. La viscosit´e joue aussi un rˆole dans l’´ecoulement ´etant donn´e que le rideau va s’amincir aux z croissants (conservation du d´ebit). Enfin, la vitesse initiale (`a la sortie de l’injecteur), li´ee `a l’´epaisseur de la fente et au d´ebit impos´e a elle aussi une influence sur le champ de vitesse.

Une ´etude exp´erimentale du champ de vitesse a ´et´e men´ee par Brown [123] en 1961, pour un rideau engendr´e sous une fente. En faisant varier `a la fois la viscosit´e du liquide (de 100 `a 1000 cP environ), l’´epaisseur de la fente d’injection et le d´ebit, il a montr´e que le champ de vitesse pouvait s’approximer par:

u2 = u20+ 2g  z ν 2/3 2g1/3  (2.1) o`u u est la vitesse dans le rideau, u0 la vitesse en haut du rideau (z=0), g l’acc´el´eration de la

pesanteur (981 cm/s−2), z la verticale descendante, et ν la viscosit´e cin´ematique des huiles. La vitesse dans le rideau est donc une chute libre, d´ecal´ee par les effets visqueux. Cette formulation peut ˆetre interpr´et´ee comme suit: le d´ecalage `a la chute libre introduit par le terme visqueux correspond `a une longueur n´ecessaire `a l’´ecoulement pour acqu´erir un profil constant, `a partir du profil de Poiseuille dans la fente. La longueur ν2/3

2g1/3 est de l’ordre du dixi`eme de millim`etre

pour les liquides utilis´es ici. Les corrections visqueuses sont donc tr`es rapidement n´egligeables et la vitesse du rideau est alors donn´ee par la chute libre sans ce d´ecalage:

u2 ' u20+ 2gz (2.2)

La conservation du d´ebit permet de relier le d´ebit lin´eique `a l’´epaisseur h du rideau, qui diminue donc avec z:

Γ = Q

∂u ∂x = 4ν ∂ ∂x  1 u ∂u ∂x  + g u (2.4)

Il convient de v´erifier si la correction visqueuse introduite par le nouveau terme est influent ou non dans notre cas. Les viscosit´es des liquides utilis´ees par Brown ´etaient plus ´elev´ees que les nˆotres, alors que l’influence de l’amincissement du rideau sur le champ de vitesse apparaissait n´egligeable. Il en sera sans doute de mˆeme dans nos exp´eriences. L’influence de la viscosit´e aurait alors uniquement lieu `a travers le terme de d´ecalage par rapport `a la chute libre apparaissant dans l’´equation 2.1. Cette hypoth`ese semble ˆetre confirm´ee par un crit`ere trouv´e par Weinstein et al. [116]: il suffit de remplacer dans (2.4) les termes dx par un ∆x qui en ordre de grandeur est pris ´egal u2

2g pour trouver une conditions pour laquelle le terme de correction visqueuse est

n´egligeable devant le terme d’acc´el´eration gravitaire. Cette condition est la suivante: 8gν

u3 << 1 (2.5)

Il est `a noter que cette conditions est d’autant plus vraie qu’on se trouve en aval dans le rideau. Pour que cette conditions ne soit pas v´erifi´ee `a 1 cm du cylindre, il faudrait une viscosit´e d’au moins 1000 cP, tr`es sup´erieure aux viscosit´es utilis´ees.

2.2.2

Stabilit´e du rideau - Probl`emes en suspend

Comme cela a ´et´e ´enonc´e dans l’introduction, le crit`ere de stabilit´e pour une nappe liquide qui a ´et´e longtemps admis est construit sur le nombre de Weber (cf. equation (1.1). Ce crit`ere a ´et´e trouv´e par Taylor qui a compar´e les forces inertielles et de tension de surface mises en jeu sur un bord libre. Ce crit`ere admet implicitement que la seule fa¸con de provoquer la destruction d’un rideau consiste `a nucl´eer un trou `a l’int´erieur de celui-ci. Si au point de cr´eation, la vitesse de l’´ecoulement est insuffisante pour repousser le trou vers l’aval, celui-ci remonte l’´ecoulement. Dans le cas de nappes radiales, o`u la vitesse de l’´ecoulement d´ecroˆıt vers l’aval, ce crit`ere a men´e `a la d´etermination du rayon limite de la nappe.

L’´etude de stabilit´e de S.P. Lin et al. [113, 114] a abord´e le probl`eme de la stabilit´e d’un point de vue de la propagation d’onde. Taylor avait d´ej`a remarqu´e que parmi les deux types d’ondes, sinueuses et variqueuses (voir figure 1.1-a, pouvant se d´evelopper dans une nappe liquide, les plus dangereuses pour la rupture du rideau sont les sinueuses (antisym´etriques) . Le calcul simple abord´e au d´ebut de cette partie permet de retrouver qu’une nappe cesse d’exister en un point de l’´ecoulement o`u la c´el´erit´e des ondes de surface antisym´etriques est plus grande que la vitesse de l’´ecoulement. Lin a repris dans un calcul de stabilit´e lin´eaire rigoureux ces consid´eration de stabilit´e en termes de propagations d’onde [114]: le r´esultat de cette analyse donne aussi le crit`ere de stabilit´e W e < 1/2, de fa¸con ´equivalente au crit`ere de Taylor d’expansion d’un trou. Les ondes sinueuses doivent s’amplifier pour W e > 1/2 et provoquer la destruction de la nappe. Les ondes variqueuses sont quant `a elles amorties. Puis Lin et Roberts ont v´erifi´e exp´erimentalement [113] le crit`ere de stabilit´e sur le nombre de Weber. N´eanmoins, la conclusion de l’article nous a paru douteuse: le cadre d’´etude de l’analyse de stabilit´e lin´eaire suppose la relation

 g2 4ν  d2 0 Q << 1

ce qui cesse apparemment d’ˆetre vrai `a l’approche de W e ' 1/2. D’autre part, il n’est pas pr´ecis´e `a quel endroit a ´et´e mesur´e le nombre de Weber. La vitesse de l’´ecoulement ´etant acc´el´er´ee par la gravit´e, le nombre de Weber va diminuer en aval de la nappe et, si la vitesse de la nappe `a la sortie de l’injecteur est assez faible, il va exister un point dans l’´ecoulement o`u W e = 1/2 (voir figure 1.2-c dans l’introduction). En th´eorie donc, une perturbation au dessus de ce point va ”remonter” en amont de l’´ecoulement et en s’amplifiant, doit provoquer la rupture de la nappe. Ce point z = z∗ o`u W e(z∗) = 1/2 peut donc ˆetre vu comme un point de passage entre ´ecoulement subsonique (z < z∗) et ´ecoulement supersonique (z > z) (la vitesse du son

´etant ici la vitesse des ondes sinueuses et l’axe des z ´etant orient´e en aval de l’´ecoulement). En pratique cependant, nous avons observ´e (comme d’autres ´equipes avant nous) qu’il ´etait tout `a fait possible de perturber la nappe dans sa zone subsonique sans en provoquer la rupture. La rupture peut tout de mˆeme survenir lorsque la perturbation est suffisamment importante (en pratique avec un objet de rayon de l’ordre du centim`etre) pour qu’elle entraˆıne la cr´eation d’un bord libre. Dans ce cas, le bord libre remonte l’´ecoulement et la nappe se brise. Il est donc ressorti de ces observations pr´eliminaires que la stabilit´e d’un rideau liquide tombant n’´etait pas aussi simple que la th´eorie de Lin pouvait le pr´evoir: `a conditions exp´erimentales identiques (d´ebit et propri´et´es du liquide), une perturbation peut mener `a la rupture de la nappe selon si elle est ”de forte amplitude” ou non, et en fonction de l’endroit o`u elle est appliqu´ee (le nombre de Weber pertinent doit alors ˆetre pris au lieu g´eom´etrique de la perturbation). Cet aspect hyst´er´etique de la rupture de la nappe se retrouve mˆeme en l’absence de perturbation: le d´ebit de formation est beaucoup plus ´elev´e que le d´ebit de rupture. Par ailleurs, en l’absence de perturbations, le maintien d’une nappe liquide `a faible d´ebit est d’autant plus ais´e que la viscosit´e est grande. Ce rˆole de la viscosit´e est tr`es peu abord´e dans la litt´erature et au vu des r´esultats du tableau 2.3, il a ´et´e possible, de fa¸con assez sommaire toutefois, d’extraire une tendance relative `a cette influence. A savoir, la viscosit´e est un crit`ere stabilisant permettant de maintenir une nappe liquide `a plus bas d´ebit, quelque soit la configuration du syst`eme. Dans nos exp´eriences, les influences de la position de la fente d’injection (haut ou bas) et du rayon du cylindre entraˆınent des subtilit´es li´ees `a l’apparition d’une l’instabilit´e en damier, qui seront abord´ees plus en d´etail dans la partie discussion du paragraphe (2.5).

Une ´etude de Weinstein et al. [115] a de mˆeme r´ev´el´e qu’une nappe liquide pouvait continuer `a exister mˆeme si elle contenait une zone ”subsonique”. Il leur a ´et´e mˆeme possible d’obtenir une nappe enti`erement subsonique. Ce fait, en opposition avec la th´eorie de Lin, a r´ev´el´e que l’´etude de stabilit´e lin´eaire n’´etait pas adapt´ee pour appr´ehender la cassure d’une nappe. En effet, comme l’ont soulign´e Weinstein et al. [115], la cassure de la nappe est entraˆın´ee par une d´eformation finie de la surface, de fa¸con `a ce que l’´epaisseur atteigne localement une ´epaisseur mol´eculaire. Cette d´eformation finie peut ´eventuellement r´esulter de l’amplification d’une perturbation de faible amplitude, mais on sort alors du cadre de la th´eorie lin´eaire qui suppose de faibles d´eformations. Ces consid´erations (que nous avons d´ecouvertes a posteriori de notre ´etude exp´erimentale) sont li´ees `a la comparaison entre les perturbations ”faibles” engendrant un sillage (paragraphe (3.3)) et les perturbations ”fortes” engendrant un trou dans la nappe (paragraphe (3.4)).

D’un point de vue d’une ´etude fondamentale, nous avons donc choisi un cadre d’exp´eriences qui est assez lointainement en relation avec les applications pratiques: au lieu de laisser le rideau se casser sous l’effet des perturbations (souvent induites par les bords (fils), le bac r´ecup´erateur ou encore le dispositif d’utilisation mis en contact avec le rideau), il s’agit de perturber de fa¸con contrˆol´ee le rideau afin de provoquer sa rupture par un facteur mesurable. La premi`ere source de perturbation consiste `a planter une aiguille dans le rideau et mouill´ee par celui-ci. L’aiguille

Fig. 2.7 – Sillages variqueux et sinueux derri`ere une aiguille plant´ee dans le rideau (η = 51.3 cP, cylindre d = 6.5 cm, fente vers le bas, Γ = 0.93 cm2/s).

est une source d’ondes de surface se propageant dans le rideau tout en ´etant simultan´ement advect´ees par l’´ecoulement. Une deuxi`eme fa¸con de perturber un rideau est d’y planter une aiguille non-mouill´ee par celui-ci: il en r´esulte la formation d’un trou accroch´e `a l’aiguille et donc d’un bord libre sous la forme d’un bourrelet liquide. D’apr`es le bilan des forces dress´e par Brown et Taylor, ce trou doit remonter l’´ecoulement et provoquer la destruction du rideau si les forces d’inertie dues `a l’´ecoulement sont inf´erieures aux forces de tension de surface ”tirant” sur le bord libre (vers l’amont). Une force suppl´ementaire pouvant entrer en jeu est le poids du bourrelet. Elle n’avait pas ´et´e prise en compte par Taylor car ses nappes ´etaient dans le plan horizontal et la force du poids n’entrait pas dans la projection

Nous commen¸cons par d´ecrire les exp´eriences dans la cadre d’un obstacle mouill´e par le liquide.