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Comptage de d´efauts

Ce paragraphe expose l’´etude quantitative d’une grandeur caract´erisant la turbulence dans notre exp´erience. Sur le probl`eme du choix de cette grandeur, nous avons vu dans le chapitre 1, les diff´erentes tentatives de quantification de la fraction ”turbulente” lors d’´etudes de syst`emes exp´erimentaux ou num´eriques. Nous en avions d´eduit que dans notre syst`eme, une quantit´e adapt´ee est le nombre de d´efauts par unit´e de temps.

N´eanmoins, si on souhaite appliquer une telle mesure lors des transitoires chaotiques ´etu- di´es dans ce chapitre, il se pose rapidement le probl`eme suivant: au cours de chacun de ces transitoires, les d´efauts apparaissent selon un sc´enario tr`es d´ependant des conditions initiales, comme on pouvait s’y attendre. Une grandeur relative au nombre de d´efauts durant un tran- sitoire n’a de sens que si elle est la moyenne effectu´ee sur un grand nombre de mesures. Un exemple typique du nombre de d´efauts au cours d’un transitoire chaotique est illustr´e en figure 2.12.

Fig. 2.13 – Zoom sur les d´efauts du motif lors d’un ´etat chaotique. A gauche: d´efaut (+1), naissance d’une nouvelle colonne. A droite: d´efaut (-1), fusion de deux colonnes en une seule.

acquisitions. Il a donc fallu travailler sur un grand nombre d’acquisitions: 250 acquisitions par d´ebit, comme lors de l’´etude statistique des ∆T . Malgr´e ces nombreuses acquisitions, les tendances obtenues pr`es du seuil Γc sont affect´ees par des incertitudes notables. On proc`ede

donc ainsi: pour un d´ebit donn´e, on effectue un comptage de d´efauts lors de 250 acquisitions. Ces d´efauts sont compt´es grˆace `a un programme qui seuille les niveaux de gris sur une ligne horizontale de diagramme spatio-temporel: il s’agit donc de compter le nombre de colonnes `a chaque instant, le nombre de d´efauts ´etant d´eduit par la valeur absolue de la diff´erence des deux nombres de colonnes `a deux instants cons´ecutifs. Le pas de temps avec lequel est effectu´e ce comptage est li´e `a la fr´equence maximale d’acquisition de la cam´era et du traitement par la carte d’acquisition: 25 images par seconde. Le pas de temps est donc de 1/25e de seconde. La

figure 2.13 montre une vue zoom´ee de l’aspect topologique d’un d´efaut dans l’espace/temps. Bien qu’on ait vu qu’il puisse naˆıtre deux d´efauts de mˆeme signe au cours d’un mˆeme pas de temps (voir 2.14), il est rare qu’il y ait apparition simultan´ee d’un d´efaut (-1) et d’un d´efaut (+1) au cours du mˆeme pas de temps. Une observation attentive des diagrammes spatio-temporels a r´ev´el´e qu’il etait par contre assez courant que deux d´efauts du mˆeme signe apparaissent simultan´ement, quasiment toujours `a des endroits tr`es voisins comme sur la figure 2.14. Sur notre syst`eme de taille assez r´eduite (25 `a 30 cellules) et compte tenu du pas de temps assez faible par rapport au temps caract´eristique mis en jeu dans la dynamique (∼ 1 s.), il est tr`es rare d’avoir `a des endroits ´eloign´es des d´efauts simultan´es (de mˆeme signe ou de signe contraire). N´eanmoins, ce type d’´ev`enements n’est plus si rare `a plus haut d´ebit (dans le cas o`u le chaos est permanent) et entraˆınent une sous-estimation du nombre r´eel de d´efauts, car le programme comptabilise les ´ev`enements simultan´es (+i)(−j) comme contenant |i − j| d´efauts au lieu de comptabiliser le nombre r´eel de d´efauts i + j.

En sommant le nombre de d´efauts apparaissant au cours des 250 acquisitions `a chaque pas de temps, et en divisant la somme obtenue par 250, on obtient une quantit´e encore difficile `a exploiter. En effet, en raison de la finesse du pas de temps (0.04 secondes), l’allure de cette moyenne ressemble `a un peigne: mˆeme `a des temps assez courts, il existe de nombreux pas de temps o`u aucun d´efaut n’est apparu au cours des 250 acquisitions (cette affirmation un peu floue est clarifi´ee par la figure 2.15 repr´esentant la somme des d´efauts sur les 250 acquisitions). Cette situation est inadapt´e `a l’extraction d’une loi math´ematique ”continue” du type loi de puissance ou loi exponentielle.

Pour rem´edier `a cela, on consid`ere une grandeur moyenn´ee au cours des 250 acquisitions ET dans le temps. On va donc consid´erer le taux de d´efauts mδT(t) qui est le nombre de d´efauts

Fig. 2.14 – Vue zoom´ee sur l’apparition de deux d´efauts (-1) au cours du mˆeme pas de temps (suivi d’un d´efaut (+1)).

0 5 10 15 20 0 100 200 300 400 500 600 700

SOMME DES DEFAUTS

Temps (s)

La valeur δT doit ˆetre choisie suivant deux compromis:

- Elle doit ˆetre suffisamment petite pour avoir un sens. Elle ne doit pas d´epasser le temps caract´eristique de l’exp´erience.

- Elle ne doit pas ˆetre trop faible, car sinon la moyenne obtenue aura encore l’allure inex- ploitable d’un peigne, avec des valeurs nulles pour des temps assez courts. Pour les trac´es en valeurs LOG, cela obligera `a tronquer tr`es tˆot le trac´e de mδT(t). En fait, plus on choisira δT

grand, plus on pourra aller loin en temps avant de rencontrer une zone [t,t + δT ] o`u aucun d´efaut n’est survenu au cours des 250 acquisitions.

Elle a ´et´e finalement choisie arbitrairement `a 200 millisecondes, soit 5 pas de temps. Il s’est av´er´e que pour des δT l´eg`erement sup´erieurs, les tendances obtenues ci-apr`es ne sont que tr`es peu influenc´ees, avec de faibles variations sur les coefficients obtenus. Nous avons n´eanmoins gard´e cette valeur qui reste faible devant le temps caract´eristique des ´etats dynamiques du motif de colonnes.

Les figures 2.16-a-f reportent cette quantit´e mδT(t), `a diff´erents d´ebits. Il est bien ´evident

que les valeurs num´eriques trouv´ees pour les exposants sont soumis `a une incertitude assez large. Dans un premier temps, nous en donnons la valeur m´ediane.

- (a) : Γ=0.136 cm2/s, soit un ´ecart relatif Γc−Γ

Γc de 57%.

- (b) : Γ=0.232 cm2/s, soit un ´ecart relatif de 27.5%.

- (c) : Γ=0.245 cm2/s, soit un ´ecart relatif de 23.5%.

- (d) : Γ=0.277 cm2/s, soit un ´ecart relatif de 13.5%.

- (e) : Γ=0.300 cm2/s, soit un ´ecart relatif de 6%.

- (f) : Γ=0.315 cm2/s, soit un ´ecart relatif de 1.5%.

A ce stade l`a, il convient de donner quelques pr´ecisions sur ces graphiques:

- Tout d’abord, pour permettre au logiciel d’effectuer les fits n´ecessaires, il a fallu ajouter une petite valeur (10−8) `a la densit´e de d´efauts, afin qu’il n’y ait pas de valeurs parfaitement nulle. En effet, en raison du nombre limit´e d’acquisitions (bien qu’assez important), des valeurs nulles surviennent dans les donn´ees, bien avant le temps maximal. Ces valeurs nulles correspondent `a des temps T pour lesquels il n’y a eu aucun d´efaut dans le syst`eme entre T et T + δT au cours des 250 acquisitions. Cette valeur ajout´ee de 10−8 est par ailleurs compl`etement n´egligeable

devant le bruit per¸cu dans les donn´ees.

- Les trac´es (b) `a (f) sont bien fitt´ees par une loi de puissance. L’exposant a tendance `a augmenter lorsqu’on s’approche du seuil. Cette tendance refl`ete l’augmentation d’un temps ca- ract´eristique dans l’exp´erience reli´e `a l’augmentation du temps moyen de retour `a l’´equilibre. En effet dans de nombreux syst`emes `a l’approche d’un point critique, il y a divergence d’un temps et d’une distance caract´eristique (refl´etant une corr´elation interne au syst`eme) de l’exp´erience. En approchant la densit´e de d´efauts par une fonction du type exp(−t

t0)t

α, on retrouve tr`es loin

du seuil un comportement domin´e par l’exponentielle car t0est petit. A partir du moment o`u le

temps t0 (qui doit d´ependre de l’´ecart au seuil) va augmenter, la tendance en loi de puissance va

devenir dominante, au moins aux temps courts. Au vu des donn´ees, il apparaˆıt une d´ecroissance en loi de puissance, avec une ´evolution de l’exposant. En fait, c’est le temps t0 qui ´evolue, ce qui

semble entraˆıner une d´ecroissance alg´ebrique5. Lorsque, tr`es pr`es du seuil Γ

c, t0 devient infini,

l’exposant qui fitte les donn´ees est bien l’exposant critique qu’on veut trouver. La figure 2.17 5. Des fits de donn´ees avec une fonction exp(−t

t0)t

α ont ´et´e tent´es: on obtient bien une divergence de t

0.

Cependant, les valeurs de t0d´ependent beaucoup de la valeur de α impos´ee (qui on va le voir, est soumise `a une certaine incertitude). Un exemple de cette divergence de t0est donn´ee en figure 2.18 pour une valeur de α=0.5.

(a) 10- 3 10- 2 10- 1

0 5 10 15

Taux moyen de défauts

Temps (s) <D> = 0.5 exp(-0.73 t) (b) 0,001 0,01 0,1 1 1 1 0

Taux moyen de défauts

Temps (s) <D> = 1.01 t-1.62 (c) 0,001 0,01 0,1 1 1 1 0

Taux moyen de défauts

Temps (s) <D> = 0.30 t-2.0 (d) 0,0001 0,001 0,01 0,1 1 1 1 0 100

Taux moyen de défauts

Temps (s) <D> = 0.24 t-1.59 (e) 1 0- 4 1 0- 3 1 0- 2 1 0- 1 1 1 0 100

Taux moyen de défauts

Temps (s) <D> = 0.21 t-1.28 (f) 10-3 10-2 10-1 1 10 100 1000

Taux moyen de défauts

Temps (s)

<D> = 0.16 t-0.83

Fig. 2.16 – Taux de d´efauts moyenn´e sur 250 acquisitions de transitoires chaotiques en fonction du temps, pour diff´erents d´ebits (croissants de (a) `a (f )), η=100 cP. Remarquons que la figure (a) est en axes semi-logarithmiques, alors que les figures (b) `a (f ) sont en axes logarithmiques.

-2 -1,5 -1 -0,5 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 0,35 0,4

Exposant

αααα

eff ΓΓΓΓ (cm2/s) ΓΓΓΓc ΓΓΓΓ0 0.335 cm 0.32 cm

ααα

α

max

ααα

α

min

Fig. 2.17 – Evolution du coefficient de puissance effectif αef f en fonction du d´ebit. De cette

variation, on peut d´eduire une plage de valeurs pour l’exposant critique α.

donne la valeur de l’exposant effectif αef f trouv´e avec les figures 2.16-(b) `a (f). En extrapolant

dans la plage du seuil trouv´ee pr´ec´edemment (Γc = 0.33 cm2/s ± 0.01), on ´evalue le coefficient

α `a -0.55 ± 0.2, encore une d´emonstration qu’une petite incertitude sur le seuil implique de grandes variations sur les exposants critiques.