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Mode neutre de phase: D´erive lente

Pour parcourir cette plage, il est facile de contrˆoler les longueurs d’onde `a l’aide de la m´ethode ”des aiguilles” d´ecrite au chapitre 1. Pour qu’une longueur d’onde soit incluse dans cette plage, il est n´ecessaire qu’il existe un d´ebit pour lequel le r´egime statique soit stable. Etant donn´e que le d´ebit (par unit´e de longueur) Γ est le param`etre de contrˆole de l’exp´erience, on imagine fort bien qu’une modification de celui-ci peut entraˆıner la d´estabilisation d’un ´etat statique pour certaines longueurs d’ondes (et viscosit´es). Ces sc´enarios de d´estabilisation sont d´ecrits en d´etail dans le chapitre 4.

3.2

Mode neutre de phase: D´erive lente

3.2.1

Observations et mesures

Ce r´egime consiste en une d´erive lente de l’ensemble de la structure perceptible par des observations `a temps longs. Il apparaˆıt en g´en´eral au dessus d’un d´ebit seuil. La d´erive lente choisit arbitrairement un sens, d´ependant semble-t-il des conditions initiales (c’est `a dire des infimes ´ecarts initiaux `a l’homog´en´eit´e du syst`eme). Ainsi, dans la plupart des conditions, le syst`eme garde le sens de d´erive initial. Un exemple est donn´e sur le figure 3.4-a. On peut par

(a) (b)

Fig. 3.4 – Exemples de d´erive lente (η=200 cP, d=10 cm). (a) Γ=0.089 cm2/s, 28 cols.

(λ=1.067 cm). Dur´ee= 640 s. (b) Changements de sens (Γ=0.266 cm2/s, 32 cols. (λ=0.933

cm). Dur´ee= 1280 s.)

ailleurs remarquer des ondulations lentes (oscillations en phase) superpos´ees `a la d´erive. Ces ondulations existent d’ailleurs aussi sans d´erive, mais avec une amplitude tr`es faible. A la limite sup´erieure de la plage de d´ebit o`u existent ce r´egime, la d´erive peut subir des changements de sens spontan´es et plus ou moins r´eguliers dans le temps (figure 3.4-b). Dans ce cas, la mesure d’une vitesse est plus d´elicate. Ces ph´enom`enes apparaissent dans une gamme de param`etres tr`es r´eduite et peuvent pr´ec´eder la d´estabilisation du r´egime de d´erive lente, vers un ´etat d’oscillations rapides ou mˆeme de chaos spatio-temporel.

L’´etude quantitative d’un tel r´egime exige des acquisitions longues (jusqu’`a 20 min) avec un pas de temps entre chaque ligne beaucoup plus important que pour la dynamique rapide usuelle.

Les vitesses de d´erive lente sont mesurables `a partir de 10−3 cm/s, et sont inf´erieures `a 0.05

cm/s. Les mesures brutes sont report´ees sur les figures 3.5-a et b.

La vitesse de d´erive lente est donc une fonction croissante de la longueur d’onde et du d´ebit. Ces deux param`etres ´egaux par ailleurs, la viscosit´e est un facteur augmentant la vitesse. Par ailleurs, quelque soit la longueur d’onde, la d´erive lente n’apparaˆıt que si le d´ebit est sup´erieur `a un d´ebit seuil Γc. On constate que Γc est plus faible (la d´erive lente apparaˆıt plus facilement)

pour une structure plus ´etir´ee et `a plus forte viscosit´e.

En analysant les donn´ees avec plus de d´etails, il est apparu que dans une certaine plage de d´ebit au dessus du seuil, la vitesse de d´erive suivait une loi quadratique avec le d´ebit. La figure 3.6-a reporte la quantit´e (Vdk)2 en fonction du d´ebit pour η=100 et 200 cP, k = 2πλ ´etant

le nombre d’onde de la structure. La pertinence de la quantit´e (Vdk)2 d´ecoule du mod`ele des

´equations d’amplitude pr´esent´e en section 2.5 (chapitre 2). Pr´evu initialement pour les ´etats de d´erive rapide, ce mod`ele semble aussi adapt´e pour les ´etats de d´erive lente. La quantit´e (Vdk) n’est autre que la d´eriv´ee temporelle de la phase spatiale φt. Les ´equations du mod`ele

pr´evoient alors une variation de cette quantit´e en racine carr´ee du param`etre d’ordre, qui ici est naturellement le d´ebit par unit´e de longueur. Il a par ailleurs ´et´e possible de mesurer ω la pulsation des ondulations superpos´ees `a la d´erive. On constate que le rapport Vdk

ω est `a peu pr`es

(a) 0 0.01 0.02 0.03 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 λλλλ=1.07 cm λλλλ=1.03 cm λλλλ=0.97 cm V lent (cm/s) d ΓΓΓΓ (cm2/s) (b) 0 0.01 0.02 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 λλλλ=0.996 cm λλλλ=0.964 cm λλλλ=0.933 cm V d lent (cm/s) ΓΓΓΓ (cm2/s)

Fig. 3.5 – Mesures de vitesse de d´erive lente pour plusieurs nombres de colonnes en fonction du d´ebit (d=10 cm). (a) η=100 cP. (b) η=200 cP.

3.6-b). Ce r´esultat fait penser `a la relation liant la vitesse de phase et la pulsation d’une onde non-dispersive. On peut retenir que ces d´erives lentes ont le comportement d’une bifurcation supercritique en prenant Vdk comme param`etre d’ordre, dimensionnellement analogue `a un

temps de croissance.

Notons que des mesures de vitesse ont ´et´e effectu´ees `a plus basse viscosit´e. A 20 cP, la d´erive lente est observ´ee pour une plage tr`es r´eduite de longueur d’onde: avec la grande coupelle n˚ II, elle n’apparaˆıt que pour 40 colonnes, alors que le r´egime statique est pr´esent de 40 `a 54 colonnes! La vitesse croit aussi avec le d´ebit pr`es du seuil, mais revient `a z´ero au del`a d’un autre d´ebit seuil. Ceci est d’ailleurs conforme aux r´esultats trouv´es par Mazel [9] dans sa th`ese. Cette d´ecroissance `a haut d´ebit est aussi observ´ee loin du seuil pour certaines longueurs d’ondes interm´ediaires `a 100 cP (figure 3.5-a).

En r´esum´e, la vitesse de d´erive lente peut donc ˆetre mise sous la formule empirique suivante:

(Vdk)2 = α(Γ− Γc) (3.1)

α et Γc ´etant fonctions de la longueur d’onde et de la viscosit´e du liquide (sans doute aussi

de la tension de surface).

3.2.2

Quelques r´eflexions et conjectures sur la d´erive lente

Exp´erimentalement, la pertinence du r´egime de d´erive lente sur la coupelle circulaire a ´et´e quelques temps sujet `a cautions. En effet, nous avions tout d’abord pens´e que l’apparition de la d´erive lente ´etait due `a une mauvaise horizontalit´e de la coupelle. A ceci plusieurs raisons: tout d’abord, une mauvaise horizontalit´e augmente la vitesse de d´erive et abaisse le seuil d’apparition en d´ebit. De plus, la modification de l’horizontalit´e permet de g´en´erer une d´erive lente dans des conditions sur (λ, Γ, η) o`u elle n’apparaˆıt normalement pas.

N´eanmoins, l’horizontalit´e de la coupelle pouvant ˆetre r´egl´ee avec une grande pr´ecision, grˆace au contrˆole d’un r´egime oscillant ´etendu sur toute la coupelle, il existe toujours des conditions

(a) 0 0.01 0.02 0.03 0.04 0.05 0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 λ = 1.15 cm λ = 1.11 cm λ = 1.07 cm λ = 1.03 cm λ = 0.97 cm λ = 1.067 cm λ = 1.03 cm λ = 0.996 cm λ = 0.964 cm (V d k) 2 (s -2 ) ΓΓΓΓ (cm2/s) 100 cP 200 cP (b) 0.9 0.95 1 1.05 1.1 1.15 1.2 1.25 1.3 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 100 cP 200 cP V d .k/ ωωωω ΓΓΓΓ (cm2/s)

Fig. 3.6 – (a) (Vdk)2 en fonction du d´ebit pour les viscosit´es de 100 et 200 cP. (b) Rapport

(Vdk)/ω.

pour lesquelles la d´erive lente et les ondulations correspondantes sont pr´esentes. Cette preuve est confort´ee par le fait que les vitesses de d´erive n’ont pas chang´e `a la pr´ecision des mesures, lors de plusieurs campagnes effectu´ees `a quelques jours d’intervalle.

Tr`es qualitativement, nous supposons que la d´erive lente est une cons´equence de l’invariance du syst`eme initial par translation d’un vecteur quelconque x. Le choix de l’origine de la phase spatiale est arbitraire et par cons´equence, un mode neutre de phase se d´eveloppe. N´eanmoins, les diff´erentes exp´eriences ont sugg´er´e qu’il est en plus n´ecessaire que des inhomog´en´eit´es de phases soient pr´esentes (positions des colonnes non parfaitement p´eriodique). En effet, lorsque le liquide d´eborde initialement et que l’instabilit´e primaire peut se d´evelopper, les distances entre colonnes ne sont pas rigoureusement les mˆemes, en cons´equence d’une plage assez large de s´election dans la longueur d’onde (mˆeme si l’injection de liquide, la coupelle circulaire et la parfaite horizontalit´e garantissent des conditions ”axisym´etriques”).

Une l´eg`ere brisure de la sym´etrie de translation est alors pr´esente initialement. Puis, la diffusion de la phase toujours pr´esente homog´en´eise le pattern au cours d’un transitoire de une `a deux minutes. Ainsi, si le syst`eme est plac´e directement (avant la fin de ce transitoire) dans une plage de param`etres (structure dilat´ee et d´ebit important) o`u la d´erive lente peut se d´evelopper, elle sera effectivement observ´ee. Si au contraire on approche le seuil par valeurs inf´erieures, en ayant laiss´e le syst`eme assez longtemps `a faible d´ebit (pour laisser la diffusion de phase homog´en´eiser parfaitement le motif), la d´erive lente n’apparaˆıt pas. Pour la faire apparaˆıtre, il est alors n´ecessaire de perturber localement le syst`eme, par exemple en ”tirant” `a faible vitesse une aiguille plant´ee dans une colonne sans provoquer le coalescence. En g´en´eral, la d´erive lente d´emarre alors. Les mesures report´ees ont ´et´e effectu´ees par ces deux moyens. Ainsi, la bifurcation d’un ´etat statique vers un ´etat de d´erive lente poss`ede un l´eger caract`ere sous- critique, malgr´e la loi empirique (3.1) de type supercritique reliant les param`etres de contrˆole et l’ordre naturels de l’exp´erience.

L’origine des ondulations est quant `a elle encore plus floue: ces ondulations apparaissent mˆeme en l’absence de d´erive. Au tout d´ebut de l’exp´erience (juste apr`es le d´ebordement initial de la coupelle), elles ne sont pas pr´esentes mais commencent `a se d´evelopper au cours d’un

temps.

Ces ph´enom`enes `a ´echelle de temps tr`es longs ont ´et´e aussi observ´es en solidification di- rectionnelle [17] ainsi que dans l’instabilit´e de l’imprimeur [18]. Etant donn´e que ces syst`emes poss`edent des conditions de bords rigides, contrairement `a la coupelle, les ph´enom`enes lents qui s’y installent ressemblent plutˆot au comportement report´e en figure 3.4-b: la d´erive n’a pas lieu continˆument dans le mˆeme sens. Par ailleurs, dans l’instabilit´e de l’imprimeur, ces ph´enom`enes cessent apr`es quelques heures [18] ce qui n’a pas ´et´e remarqu´e sur la coupelle.

Il reste n´eanmoins beaucoup de points `a expliquer sur la d´erive lente: pourquoi, par exemple, le d´ebit, la viscosit´e et la longueur d’onde augmentent la vitesse de d´erive ? Pourquoi est-il n´ecessaire d’ˆetre au dessus d’un seuil en d´ebit et en longueur d’onde ? Pourquoi observe-t-on de brusques changements de rotation? Pourquoi sont-ils r´eguliers?

Pour les premi`eres questions, on peut, en se souvenant des r´esultats des mesures d’´epais- seur d’arche du chapitre 2, ´emettre l’hypoth`ese que la vitesse augmente avec l’´epaisseur, car l’´epaisseur elle-mˆeme est une fonction croissante de λ, Γ et η. On peut par exemple, sans autre justification qu’un argument dimensionnel, construire une vitesse sur les trois param`etres h, lc

et Dφle coefficient de diffusion de la phase (l’´epaisseur h contenant implicitement la d´ependance

en Γ, λ et η): Vcaract = h Dφ l2 c (3.2) Dans le chapitre 2, on a vu que h∼ Γ1/2, ce qui conduit `a V

caract ∼ Γ1/2, conform´ement `a la

vitesse de d´erive. Par contre h∼ λ2 mais ce n’est pas le cas pour V

d. Il faudrait alors combiner

avec une d´ependance de D en λ.