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R´egimes d’´ecoulements

Le r´eseau de colonnes liquides apparaˆıt dans une gamme de d´ebit lin´eique allant environ de 0.05 cm2/s `a 0.7 cm2/s. Comme cela a ´et´e ´enonc´e en introduction, `a faible d´ebit il se forme un

r´eseau ´emetteur de gouttes dont les sites sont immobiles au cours du temps (figure 1.5). A fort d´ebit, une nappe liquide annulaire ayant l’apparence d’une cloche se forme sous la coupelle. L’´etude d’un tel objet est pr´esent´ee en troisi`eme partie.

Les transitions gouttes/colonnes et colonnes/nappe sont hyst´er´etiques: le d´ebit d’une pre- mi`ere cassure de colonne en gouttes est inf´erieur au d´ebit de formation du r´eseau de colonnes `a partir de gouttes. De mˆeme, la cassure d’une cloche liquide peut s’effectuer `a un d´ebit tr`es inf´erieur `a celui de sa formation. Ceci a pour cons´equence l’existence de r´egimes mixtes o`u colonnes et gouttes (ou colonnes et nappe) coexistent, exactement comme cela a ´et´e observ´e sous un cylindre ruisselant par Giorgiutti [3].

Le r´eseau de gouttes pr´esente une longueur d’onde homog`ene pratiquement ´egale `a celle de l’instabilit´e de Rayleigh-Taylor d’un film suspendu sous un surplomb [1], soit:

λgouttes= λRT = 2π √ 2 r σ ρg (1.2)

Fig. 1.5 – Diagramme spatio-temporel en r´egime de gouttes (Γ=0.041 cm2/s, η=100 cP).

Fig. 1.6 – Passage d’un r´eseau de gouttes `a un r´eseau de colonnes par augmentation progressive du d´ebit (η=100 cP).

Cette longueur r´esulte des effets antagonistes entre la gravit´e d´estabilisante (d’autant plus qu’on est `a faible longueur d’onde) et la tension de surface qui stabilise les courtes longueurs d’onde. La distance entre deux sites de gouttes est alors de 1.30 cm, conform´ement `a la th´eorie de Rayleigh-Taylor (valable en couche mince) et ceci, quelle que soit la viscosit´e utilis´ee.

N´eanmoins, la distance ”naturelle” entre deux colonnes statiques est, elle, l´eg`erement inf´e- rieure `a la pr´ec´edente (une diff´erence de l’ordre de 0.2 cm). Lorsqu’on augmente le d´ebit de telle sorte que l’on passe progressivement du r´egime de gouttes `a celui de colonnes, il y a une p´eriode transitoire de r´eajustement qui correspond `a la cr´eation de colonnes suppl´ementaires entre les sites de gouttes d´ej`a existant. Le diagramme de la figure 1.6 illustre ce comportement: la dimi- nution de la longueur d’onde moyenne et la n´ecessit´e d’un ajustement provoque un transitoire o`u plusieurs colonnes sont cr´e´ees. L’´etat finalement atteint comporte ici trois petits domaines d´erivants.

Chapitre 2

Quelle description pour le syst`eme

Hydrodynamique ou ´equations d’am-

plitude?

Ce chapitre constitue une ´etude succincte de quelques aspects hydrodynamiques dans le r´eseau de colonnes. Les r´esultats doivent servir ult´erieurement `a mieux comprendre certains m´ecanismes et lois empiriques trouv´ees sur les ´etats dynamiques, qui peuvent quelquefois pa- raˆıtre contre intuitifs. D’autre part, on y montre que l’´ecoulement est tr`es difficile `a ´etudier d’un point de vue hydrodynamique et raison de la forme complexe de la surface libre et du nombre important de facteurs pouvant influer sur cette forme.

2.1

Une br`eve vue qualitative sur la dynamique du motif

de colonnes

Lorsqu’on essaie de d´ecrire l’hydrodynamique du motif de colonnes, on peut assez sommai- rement diviser le parcours des particules fluides dans l’´ecoulement en trois zones. L’´ecoulement sur la tranche de la coupelle, la zone situ´ee juste au dessous du surplomb et la chute libre dans l’air au sein d’une colonne (voir la figure 2.1).

En ce qui concerne l’´ecoulement sur la tranche, l’´epaisseur de liquide y est constante. Ainsi, pour une raison de conservation du d´ebit, le liquide n’est pas acc´el´er´e sur la tranche ce qui suppose un nombre de Reynolds inf´erieur `a 1. On peut donc consid´erer que l’´ecoulement a un profil demi-Poiseuille sur la tranche (ce fait est par ailleurs confirm´e par une variation de l’´epaisseur avec le d´ebit lT ∼ Γ1/3, mesur´ee par mes soins). La vitesse moyenne est alors donn´ee

par: U =  ρg 6η 1/3 Γ2/3 (2.1)

Cette vitesse constitue une vitesse caract´eristique utilisable pour la d´etermination ult´erieure de nombres sans dimension.

La d´etermination du champ de vitesse dans la zone de chute libre est aussi assez triviale (U2

z = U02+ 2gz).

En fait, la partie difficile `a r´esoudre se situe dans la zone sous le surplomb, en raison de la complexit´e de la surface libre dans les trois dimensions d’espace. Un fait essentiel, mais

z U 0 Coupelle

?

ΓΓΓΓ

Chûte libre

Fig. 2.1 – Repr´esentation sch´ematique du profil de vitesse sur au sein du liquide ruisselant.

pas forc´ement intuitif, est que la dynamique des colonnes va ˆetre enti`erement gouvern´ee par la forme de cette surface libre `a cet endroit. Ce fait va donc rendre ardue toute approche hydrodynamique classique du motif de colonnes.

Par ailleurs, on peut penser que, par son appartenance `a la classe des syst`emes ouverts, le pattern de colonnes est sensible aux perturbations ext´erieures en amont des colonnes (dans le liquide s’´ecoulant sur la surface de la coupelle). En fait il n’en est rien: en perturbant significati- vement la surface du liquide (en y plantant une aiguille par exemple), on se rend compte que la seule zone sensible aux perturbations, susceptible donc d’influencer la dynamique du pattern, est l’interface de liquide situ´ee entre les colonnes (on appelle cette partie les ”arches liquides”). Pour une meilleure compr´ehension de ce qui suit, rappelons ici deux ´etats dynamiques essentiels dans le motif de colonnes d´ecouverts et ´etudi´es `a faible viscosit´e dans [7, 8, 9]: il s’agit d’une part de la formation d’un domaine d´erivant se propageant le long de la coupelle et d’autre part d’oscillations de colonnes en oppositions de phase par rapport `a leur voisines. Ces ´etats ont ´et´e illustr´e sur des diagrammes spatio-temporels en introduction. Pour tenter d’expliquer les m´ecanismes hydrodynamiques de ces mouvements de colonnes, F. Giorgiutti [3] a durant sa th`ese, men´e des calculs de minimisation d’´energie d’interface montrant que deux gouttes suspendues sous un surplomb vont avoir tendance `a s’attirer l’une l’autre lorsqu’elles se touchent. Il en est de mˆeme entre une goutte et une colonne liquide. Une observation directe du motif de colonnes en mouvement montrent effectivement le rˆole d’une sur´epaisseur (en fait une goutte dont la croissance est contrari´ee) au niveau de l’arche: lors d’un ´etat d´erivant ou oscillant, les arches reliant les colonnes en mouvement subissent une d´eformation `a la suite de la croissance contrari´ee d’une goutte transitoire. Si cette goutte naˆıt au milieu de l’arche, les colonnes oscillent en opposition de phase et les colonnes gardent leur sym´etrie de r´eflexion (cf. figure 2.2-a). Par contre, si la goutte qui tente de se former entre deux colonnes n’est pas parfaitement au centre des deux colonnes, la colonne la plus proche va plus attirer plus fortement la goutte vers elle. Cette goutte va alors adopter une position interm´ediaire entre le centre de l’arche et la colonne tentant de l’absorber. Ceci va entraˆıner une brisure de parit´e au

(a)

(b)

Fig. 2.2 – (a) Arches reliant des colonnes en train d’osciller. On peut remarquer la croissance transitoire d’une goutte (apparaissant sous la forme d’une sur´epaisseur) entre deux colonnes ´eloign´ees. (b) Interface `a sym´etrie droite/gauche bris´ee, associ´e `a une d´erive de colonnes.

niveau de l’interface (figure 2.2-b).

Finalement, cela implique que les deux r´egimes dynamiques principaux (oscillations et d´e- rive) sont r´egis par des m´ecanismes hydrodynamiques similaires. Tout au long de cette partie, les ph´enom`enes liant oscillations et d´erive vont confirmer cette affirmation qui `a ce stade n’a qu’une justification tr`es sommaire. D’autre part, la croissance de cette goutte transitoire sera li´ee ult´erieurement (en partie 5) `a la croissance d’un harmonique d’ordre 2.

Ce point de vue a suscit´e dans notre groupe le d´eveloppement d’un mod`ele ph´enom´enolo- gique discret [3, 5] couplant le mouvement des colonnes avec la taille et la position des gouttes se formant au niveau des arches liquides. Ce mod`ele, reproduisant une certaine partie des ph´e- nom`enes observ´ees sur la coupelle, est d´eriv´e d’une chaˆıne de masses et de ressorts. Par ailleurs, un tel parall`ele entre un mod`ele de phonons et un syst`eme cellulaire interfacial (l’instabilit´e de l’imprimeur) avait ´et´e imagin´e par Michalland et Rabaud [21]. Visuellement, l’analogie avec une chaˆıne de masses et de ressorts coupl´es est frappante: le pattern de colonnes, dont la dynamique est r´egie par des ph´enom`enes interfaciaux, apparaˆıt malgr´e tout comme une structure discr`ete, dont les mouvements de cellule se transmettent entre plus proches voisins. Les conclusions de cette analogie sont discut´ees au chapitre 5, dans la partie consacr´ee au lien entre oscillations et d´erive.

Pour en revenir `a l’hydrodynamique, le m´ecanisme de cr´eation/absorption de goutte, dont la croissance est alors contrari´ee, donne un temps caract´eristique de l’exp´erience. Exp´erimenta- lement, il est observ´e que c’est aussi le temps caract´eristique de r´eponse du syst`eme lorsqu’on le soumet `a une perturbation finie (initiation d’un mouvement avec une aiguille par exemple). Le temps de retour `a un ´etat stable, accompagn´e souvent d’oscillations de colonnes (de fr´equence de l’ordre du Hertz), est li´e au temps de formation d’une goutte. Un calcul de ce temps peut d’ailleurs ˆetre men´e rapidement, consid´erant qu’on injecte un volume de liquide entre deux

(a) 0.05 0.1 0.15 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 λλλλ=1.07 cm λλλλ=1.03 cm λλλλ=1.00 cm λλλλ=0.97 cm h (cm) ΓΓΓΓ (cm2/s) (b) 0.05 0.1 0.15 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 λλλλ=1.03 cm λλλλ=1.00 cm λλλλ=0.97 cm h / λλλλ 2 (cm -1 ) ΓΓΓΓ (cm2/s)

Fig. 2.3 – (a) Epaisseur de liquide au point col de l’arche entre deux colonnes (η=100 cP). Superposition des fits en loi de puissance.(b) Rassemblement des points sur une seule courbe en divisant par λ2.

colonnes distantes de λ ´egal `a Γλ, pour remplir une goutte de taille caract´eristique 2πlcλh (lc

´etant la longueur capillaire et h l’´epaisseur de l’arche reliant deux colonnes au centre de celle-ci). τc '

2πlcλh

Γλ (2.2)

h et lc sont de l’ordre de 0.1 cm et λ vaut environ 1 cm. Γ quant `a lui peut ˆetre pris ´egal `a

0.1 cm2/s. On obtient un temps l´eg`erement inf´erieur `a la seconde.

L’autre temps caract´eristique de l’exp´erience ne peut pas ˆetre justifi´e correctement par une approche hydrodynamique, mˆeme simplifi´ee: c’est un temps long qui est li´e au ph´enom`ene de diffusion de la position des colonnes au sein du motif. En ordre de grandeur, il est `a peu pr`es ´egal `a la minute. Sans trop rentrer dans les d´etails, c’est le temps caract´eristique n´ecessaire au pattern pour r´etablir un espacement homog`ene entre les colonnes apr`es un transitoire pr´esen- tant de l´eg`eres inhomog´en´eit´es spatiales. Ce ph´enom`ene est impliqu´e dans plusieurs r´egimes dynamiques d´ecrits dans le chapitre 3.