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Les chaˆınes d’applications coupl´ees it´er´ees

5.4 Equation de Kuramoto-Sivashinsky amortie

1.1.2 Les chaˆınes d’applications coupl´ees it´er´ees

Les chaˆınes d’applications coupl´ees sont des syst`emes `a dynamique spatio-temporelle, pou- vant dans certains cas ˆetre des bons candidats pour tester la conjecture de Pomeau. Les pionniers en la mati`ere sont K. Kaneko [73] ainsi que I. Waller et R. Kapral [74]. Ces ´etudes est semble-t-il la premi`ere `a avoir abord´e le d´esordre spatio-temporel dans une g´eom´etrie discr`ete.

Le principe g´en´eral de ces syst`emes est un processus it´eratif dans un r´eseau de fonctions (d´efinies d’un ensemble born´e vers lui-mˆeme), au sein duquel un couplage `a courte distance assure une dynamique entretenue. L’´equation (1.1) donne un exemple typique de ce processus it´eratif:

r/2 1 1 0 0 x x *

Fig. 1.3 – Application f : un ”maillon” local de la chaˆıne spatialement ´etendue.

xt+1i = f (xti) +  2 f (x t i−1) + f (xtx+1)− 2f(xti)  (1.1) Dans de nombreuses ´etudes d’IST, l’allure de f revˆet une forme particuli`ere, simple et aidant `a la compr´ehension d’une dynamique lisible. Cette forme particuli`ere a ´et´e imagin´ee par Chat´e et Manneville [75] : la fonction f est continue par morceaux et a l’allure g´en´erale sugg´er´ee en figure 1.3. Analytiquement, elle a la forme suivante [77]:

f (x) = rx si x∈ [0; 0.5[ f (x) = r(1− x) si x ∈ [0.5; 1[ f (x) = k(x− x∗) + x∗ si x≥ 1

Elle d´epend donc de trois param`etres de contrˆole r, k et x∗. Dans le cadre d’´etude des chaˆınes d’applications coupl´ees, r est sup´erieur `a 2 et|k| est inf´erieur ou ´egal `a 1. La fonction f poss`ede alors deux zones distinctes: entre 0 et 1, la pente de la fonction est partout sup´erieure `a 1 en valeur absolue, alors que dans l’intervalle [1; r/2], elle est inf´erieure `a 1. Dans chacune des zones, la fonction f intersecte l’application identit´e (voir figure 1.3). Ces rappels aident `a appr´ehender le comportement it´eratif de la fonction f . En effet, compte tenu de la forme de l’´equation 1.1, l’´evolution du syst`eme va ˆetre influenc´ee par la valeur de la d´eriv´ee de f au voisinage de ses points fixes. En l’absence de couplage, l’´evolution des xt

i s’effectue ind´ependamment de

leur entourage imm´ediat. Tant que x est compris entre 0 et 1, l’´evolution est irr´eguli`ere car la pente de f au point fixe est sup´erieure `a 1. Au bout d’un temps fini (mais sensible `a la valeur initiale), x se retrouve dans l’intervalle [1; r/2], dont il ne sort plus, puisqu’il atteint un point fixe stable x∗ o`u la pente de f est inf´erieure `a 1. Dans le cas limite o`u k=1, toutes les valeurs

de cet intervalle sont des points fixes et on assiste `a une d´eg´en´erescence de l’´etat absorbant. L’addition d’un terme de couplage entre plus proches voisins va quelque peu changer la donne. Ce couplage est proportionnel `a un terme repr´esentant un Laplacien discret, ce qui lui conf`ere une dynamique diffusive. Ce couplage entre plus proches voisins joue d’autre part le rˆole d’une perturbation d’amplitude finie, pouvant faire repasser une valeur xt

i de l’intervalle ”calme”

[1; r/2] `a l’intervalle ”agit´e” [0; 1[. Il va alors ´emerger une dynamique locale analogue `a un processus de contamination. Les ´etats actifs (turbulents) et bloquants (laminaires), introduits pr´ec´edemment dans le cadre de la percolation dirig´ee, sont respectivement identifiables aux intervalles [0; 1[ et [1; r/2]. Le rˆole de la constante de couplage  est pr´epond´erante: de fa¸con analogue `a la probabilit´e p, elle va gouverner le comportement asymptotique de la chaˆıne

(a) (b)

Fig. 1.4 – Exemple de dynamique spatio-temporelle obtenue avec une chaˆıne d’application cou- pl´ee (figures: Th`ese H. Chat´e).

d’applications. Le couplage doit ˆetre sup´erieur `a une valeur seuil cpour qu’`a partir de conditions

initiales quelconques, le syst`eme garde une fraction turbulente aux temps longs. Les figures 1.4-a et b donnent dans ce cas une id´ee de la dynamique spatio-temporelle.

H. Chat´e et P. Manneville [75] ont ´etudi´e un tel syst`eme dans le but d’une comparaison quantitative avec les mod`eles de percolation dirig´ee. Ces chaˆınes d’applications coupl´ees ap- paraissent en effet comme des mod`eles simples et minimaux pour reproduire la dynamique de comportements d´esordonn´es dans les syst`emes spatialement ´etendus. Ils sont par ailleurs faciles `a simuler en raison de leur discr´etisation spatiale et temporelle. Une mesure de la turbulence apparaˆıt de fa¸con naturelle comme ´etant la fraction des sites xt

i se trouvant dans l’intervalle

[0; 1[. En s’approchant de la valeur de couplage critique par valeurs sup´erieures, une distribution alg´ebrique de la taille des domaines laminaires a ´et´e mise en ´evidence (la distribution est en exponentielle d´ecroissante loin du seuil)2 . Leur ´etude a n´eanmoins montr´e que les exposants

critiques de la percolation dirig´ee n’´etaient pas forc´ement reproduits par la chaˆıne d’application coupl´ees.

Par la suite, le rˆole de la pr´esence de structures propagatives (de type solitons, repr´esen- t´ees par des lignes blanches sur la figure 1.4) dans la chaˆıne d’applications a ´et´e sugg´er´e par Grassberger et Schreiber [76], puis plus r´ecemment par G. Rousseau et H. Chat´e [77] puis par T. Bohr et M. van Hecke [78]. D´etaillons un peu plus ces ´etudes.

Le rˆole pressenti de ces structures propagatives a conduit `a tester des mod`eles d´eriv´es de celui de Chat´e et Manneville. La dur´ee de vie de telles structures peut influencer l’appartenance `a la classe de percolation dirig´ee (DP in english). Comme l’ont en effet soulign´e Chat´e et Manneville dans un autre article paru la mˆeme ann´ee [79], ces structures propagatives (particuli`erement visibles sur la figure 1.4-b) v´ehiculent l’´etat turbulent de mani`ere syst´ematique `a une vitesse bien d´efinie. Il n’y a ainsi plus de perte de coh´erence dans la propagation des fronts s´eparant les domaines turbulents et laminaires, ce qui semble une condition r´ealiste d’appartenance `a la classe de la percolation dirig´ee. La nuance apport´ee par Grassberger et Schreiber [76] est qu’une chaˆıne d’applications coupl´ees peut tout de mˆeme faire partie de la classe DP si la dur´ee de vie des ”solitons” est suffisamment courte. La th`ese de G. Rousseau [77] a pr´esent´e par la suite une ´etude plus syst´ematique de l’influence de ces structures propagatives sur l’appartenance ou non `a la classe DP. Une modification majeure du mod`ele est l’introduction de solitons d’un 2. Ce changement de comportement `a l’approche d’un seuil est g´en´eralement per¸cu comme la signature d’un comportement critique du syst`eme. En effet, le passage d’une loi de d´ecroissance exponentielle `a une loi en puissance n´egative dans la distribution de la taille des domaines laminaires peut ˆetre vue comme la divergence de la longueur caract´eristique des fluctuations dans le syst`eme

modification du mod`ele consiste `a cr´eer deux types possibles d’´etats laminaires: bloquants ou non bloquants vis `a vis des structures propagatives3. La conclusion de l’´etude de G. Rousseau

sugg`ere notamment que la structuration des ´etats laminaires conditionne la dur´ee de vie des solitons et influence l’appartenance `a la classe DP. Enfin, des ´etudes de Chat´e et Manneville [79] et tr`es r´ecemment, de T. Bohr, M. van Hecke, R. Mikkelsen et M. Ipsen [78] ont montr´e que la pr´edominance de structures propagatives non-turbulentes pouvait changer la nature de la transition de l’´etat asymptotiquement laminaire vers l’´etat chaotique. Cette transition peut alors devenir discontinue, ce qui constitue une diff´erence fondamentale avec la transition dans la percolation dirig´ee, intrins`equement continue.

Au del`a de ces subtilit´es qui reviennent rapidement affaire de sp´ecialistes en la mati`ere, il convient de retenir que les chaˆınes d’applications coupl´ees ont ´et´e et sont toujours des mod`eles ad´equats pour mettre en ´evidence des sc´enarios de transition vers le chaos spatio-temporel et les classes d’´equivalences associ´ees. Dans l’optique d’offrir des comportements analogues `a certains syst`emes r´ealistes, les r`egles r´egissant la dynamique sont assez facilement modifiables (d´eg´en´erescence des ´etats laminaires, propagation de la turbulence, . . . ). Leur aspect discret, `a la fois dans l’espace et dans le temps, rendent leurs simulations ais´ees. Cette facilit´e de simulations a notamment permis la d´etermination des spectres de Lyapounov [80]. Cette discr´etisation n’est semble-t-il pas un obstacle pour que ces chaˆınes d’applications coupl´ees puissent mod´eliser la transition vers la turbulence dans les ´ecoulements (voir `a ce sujet l’´etude conjointe de S. Bottin et H. Chat´e [92], report´ee dans le paragraphe ult´erieur consacr´ee au chaos spatio-temporel dans les syst`emes exp´erimentaux).

Des mod`eles discrets aux EDP continues

Les deux mod`eles que nous pr´esentons ci-apr`es offrent une approche assez diff´erente du d´esordre spatio-temporel. Il s’agit des ´equations aux d´eriv´ees partielles (en espace et en temps) de Kuramoto-Sivashinsky (KS) amortie ou non et de Ginzburg-Landau complexe (CGLE), d´ej`a pr´esent´ees dans la partie pr´ec´edentes comme ´etant des ´equations mod`eles pour la dynamique des structures cellulaires.

De nombreuses ´etudes ont montr´e que ces ´equations pouvaient poss´eder des r´egimes de d´esordre spatio-temporels dans une certaine plage de param`etres. L’int´erˆet de l’´etude d’un tel r´egime dans ces ´equations est alors de mettre en ´evidence l’influence des multiples bifurcations secondaires communes `a de nombreux syst`emes r´ealistes (oscillations, ondes propagatives, in- stabilit´e d’Eckhaus, . . . ) sur les propri´et´es dynamiques et la classe d’universalit´e auxquelles appartiennent ces ´equations (de la mˆeme fa¸con que les solitons `a longue dur´ee de vie ont une influence sur les propri´et´es de l’IST dans les chaˆınes de fonctions coupl´ees). En ce sens, l’´equa- tion KS repr´esente une ´equation mod`ele pour des syst`emes `a dynamique interfaciale, alors que CGLE est une ´equation beaucoup plus g´en´erale d´ecrivant une large ph´enom´enologie en physique non-lin´eaire4.

Dans ces deux ´equations, le chaos spatio-temporel est naturellement r´esultant des mouve- ments de cellules (dynamique de phase) qu’impliquent les diff´erents ´etats dynamiques coexis- 3. Ces nouvelles r`egles d’´evolution semblent assez li´ees `a certains comportements des syst`emes r´eels. Nous reviendrons sur ce point au stade de la comparaison de notre syst`eme avec diff´erents mod`eles (dans le chapitre 3)

Fig. 1.5 – Exemple de dynamique turbulente dans l’´equation de Kuramoto-Sivashinsky (figure: B. Shraiman (1986) [48]).

tant. En contre partie, ces syst`emes continus doivent ˆetre simul´es avec des temps de calcul beaucoup plus importants que les chaˆınes de fonctions discr`etes. Une attention particuli`ere doit ˆetre accord´ee au choix du pas de temps et de la pr´ecision spatiale, pour assurer des simulations rigoureuses.