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Chapitre 1 : L’effet de cadrage au sein des communications de santé publique

3.1. Les différentes stratégies d’imagerie

En 1978, Lutz et Lutz distinguent trois stratégies externes visant à susciter des images mentales. Il s’agit des stimuli iconiques (§3.1.1), des stimuli verbaux (§3.1.2) et des consignes d’imagerie (§3.1.3). Les sous-sections suivantes présentent chacune de ces stratégies.

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3.1.1. Les stimuli iconiques

Les stimuli iconiques ou images externes, concernent les images, les dessins, les photographies, etc. (Gavard-Perret, 1987, 1991). Plus précisément, « le matériel imagé est constitué de n’importe quelle représentation à deux dimensions, contenant au moins un élément ni alphanumérique, ni numérique, ni arithmétique »35 (Lutz et Lutz, 1978 p.611). La littérature (Bugleski, 1983 ; Paivio, 1971 ; Shepard, 1967) reconnaît l’effet facilitateur des stimuli iconiques sur l’imagerie mentale : « la majorité des recherches concernant les images visuelles externes confirment un effet facilitateur de ces stimuli sur la production simultanée de représentations mentales imagées et a posteriori, d’images mentales de mémoire vives » (Gavard-Perret, 1987 p.53). Cependant, toutes les images externes n’ont pas la même capacité à susciter de l’imagerie mentale (Gavard-Perret, 1987, 1991 ; Lutz et Lutz, 1978 ; Rossiter et Percy, 1982). Sur la base des travaux de Lutz et Lutz (1978) et Rossiter et Percy (1982), Gavard-Perret (1987) propose un tableau récapitulatif des « conditions d’un véritable effet de supériorité » (Gavard-Perret, 1987 p.59) de l’image externe sur la mémorisation et l’attitude (Cf. Tableau 10).

Tableau 10 : Un tableau récapitulatif sur l'image, la mémorisation et la formation d'attitudes, adapté de Gavard-Perret (1987)

Quelques règles pour agir sur la mémorisation Quelques règles pour agir sur l’attitude Utiliser des matériels imagés :

Avec images congruentes par rapport au message Avec images de grande taille

Avec images qui retiennent le plus possible l’attention

Avec image interactive Avec images concrètes Avec images schématiquement (ou

figurativement) distinctes Avec images en couleur Avec images en remplacement partiel ou

complément des informations verbales Avec image « cadrée » par un message verbal Avec images à haute valeur d’imagerie :

concrètes, immédiatement interprétables et « réalistes » surtout

Avec images accompagnée d’un message objectif

Avec images qui soient vues avant le message verbal

35 « pictorial material is defined as any two-dimensional representation in which the stimulus array contains at least one

100 Selon la littérature, différentes propositions permettent d’expliquer l’efficacité des

stimuli iconiques sur le processus d’imagerie. La première explication, proposée par Rossiter et Percy (1983), est celle de la théorie du double codage de Paivio (1971) selon laquelle les images possèdent l’avantage (par rapport aux mots) de pouvoir être encodées plus facilement, à la fois dans le système des représentations imagées et dans le système des représentations verbales (Denis, 1989 ; Paivio, 1971, 1978 ; Rossiter et Percy, 1983). Pour Childers et Houston (1982), cette capacité réside dans le fait qu’une information sensorielle dans un mode donné est plus susceptible de produire des images mentales dans ce même mode. Ainsi, pour l’image externe relevant du domaine visuel, il n’est donc pas surprenant qu’elle soit particulièrement efficace pour susciter de l’imagerie mentale visuelle (Fathallah, 2010 ; Helme-Guizon, 1997). Finalement, il semblerait que les stimuli iconiques soient dotés « d’un caractère séducteur » (Fathallah, 2010 p.73) favorisant l’imagination de l’individu ainsi qu’une liberté d’interprétation plus grande qui conduit à plus d’imagerie mentale (Fathallah, 2010).

3.1.2. Les stimuli verbaux

L’imagerie mentale peut également être suscitée par des éléments non iconiques tels les mots ou les phrases (Babin et alii, 1992 ; Burns et alii, 1993 ; Chamard, 2000 ; Ellen et Bone, 1991, 1992 ; Fathallah, 2010 ; Gavard-Perret, 1987 ; Lutz et Lutz, 1978). Plusieurs recherches se sont intéressées à la facilité avec laquelle des mots activent le processus d’imagerie mentale (Lippman, 1974 ; Paivio, 1965 ; Paivio et alii, 1968 ; Van Der Veur, 1975) et ont donc une forte « valeur d’imagerie » (Paivio, 1965). Les recherches de Paivio (1965) et de Paivio et alii (1968) constituent des références incontournables en la matière. L’étude de Paivio et alii (1968) a permis d’estimer la facilité avec laquelle plus de 100 mots du langage courant induisent des images mentales visuelles, mais également olfactives, gustatives, etc. De manière générale, plus un mot est concret, plus il aura une forte valeur d’imagerie (Paivio, 1965). Selon Gavard-Perret (1987), un mot est concret lorsqu’il « indique un objet qui peut-être perçu par les sens » (Gavard-Perret, 1987 p.54). Ainsi, les mots concrets s’opposent aux mots abstraits, qui ont une plus faible valeur d’imagerie (Babin et alii, 1992 ; Burns et alii, 1993 ; Chamard, 2000 ; Ellen et Bone, 1991, 1992 ; Fathallah, 2010 ; Gavard-Perret, 1987 ; Lutz et Lutz, 1978) et un effet sur l’attitude envers la marque et l’intention d’achat (Burns et alii, 1993).

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101 Selon Kieras (1978), les mots concrets ont un effet facilitateur car ils permettent de restituer la description perceptuelle, c'est-à-dire l’information sensorielle associée à ces mots. Toutefois, si la corrélation entre le caractère concret d’un mot et sa valeur d’imagerie est très souvent élevée, ce lien n’est pas automatique (Gavard-Perret, 1987). Paivio et alii (1968), sans remettre en question la corrélation précédemment établie, montrent qu’un mot concret (le tatou36) peut avoir une faible valeur d’imagerie, tout comme un mot abstrait (fantôme) peut avoir une forte valeur d’imagerie. Le Tableau 11 synthétise les caractéristiques des mots à forte valeur d’imagerie.

Tableau 11 : Un tableau récapitulatif les mots à forte valeur d’imagerie, adapté de Gavard-Perret (1987)

Les mots à forte valeur d’imagerie sont : Concrets surtout

A forte teneur perceptuelle

3.1.3. Les consignes d’imagerie mentale

Les consignes d’imagerie, incitations directes ou instructions d’imaginer, consistent à donner des instructions à l’individu pour qu’il forme des images mentales. Les premiers travaux en psychologie ont montré que les consignes d’imagerie permettent notamment l’apprentissage verbal (Paivio, 1971), la mémorisation et la restitution du matériel préalablement stocké en mémoire (Brower, 1970 ; Paivio et alii, 1968). Transposé au contexte de la recherche en communication persuasive, il s’agit de demander au consommateur de penser à un objet ou de s’imaginer dans une situation donnée (Gavard-Perret, 1987, 1991). Plus précisément, les consignes d’imagerie peuvent venir de l’extérieur, c'est-à-dire être données par un expérimentateur (Lutz et Lutz, 1978) ou être directement intégrées dans l’annonce (Babin, 1992, Bone et Ellen, 1990, 1992 ; Miller, 1994 ; Wright et Rip, 1980). Toutefois, Lutz et Lutz (1978), sur la base des travaux de Levin et Divine-Hawkins (1974) ainsi que ceux de Brooks (1967), précisent que des consignes d’imagerie délivrées dans le même mode que le stimulus peuvent ne pas produire les effets escomptés. En effet, comme le souligne Gavard-Perret (1987), lorsqu’elles sont intégrées dans le texte d’une annonce, la lecture des consignes

102 d’imagerie peut « interférer avec la production d’images mentales car ces deux modes de

traitement de l’information impliquent certainement des traitements visuels parallèles de l’information » (Gavard-Perret, 1987 p.56).

Dans le contexte précis des communications de santé, le processus d’imagerie mentale n’a pas fait l’objet de nombreuses recherches. A notre connaissance, seuls Broemer (2004) et Keller et Block (1996) ont eu recours à l’imagerie mentale dans le cadre de messages de santé. Or, ces deux études se sont uniquement intéressées aux consignes d’imagerie ainsi qu’à leurs effets sur la persuasion (et non sur les attitudes, intentions et comportements) en montrant que des incitations directes à imaginer les symptômes d’une maladie augmentent l’intention d’adopter le comportement qui recommandé par l’annonce.

Si pour Gavard-Perret (1987) les consignes d’imagerie ont des effets semblables aux stimuli iconiques, pour Rossiter (1978 p.102) « les images à hautes valeur d’imagerie fonctionnent mieux que les instruction d’imaginer »37. Bien que certains résultats soient à mitiger (Chamard, 2000), la recherche en marketing montre que les instructions d’imaginer ont un effet positif sur l’attitude envers la marque (Gregory et alii, 1982 ; Petrova et Cialdini, 2005), sur l’intention d’achat (Gregory et alii, 1982 ; Petrova et Cialdini, 2005) ou encore sur le comportement (Gregory et alii, 1982). Selon Gavard-Perret, pour que les consignes d’imagerie soient efficaces, elles doivent respecter quelques règles d’exécution (Cf. Tableau 12).

Tableau 12 : Un tableau récapitulatif les consignes d’imagerie, adapté de Gavard-Perret (1987) Inciter le consommateur à s’imaginer :

Dans une situation spécifique Ayant un comportement particulier

Comme nous venons de le voir, les stratégies d’imagerie peuvent déclencher, à un degré variable, le processus d’imagerie visuelle. Ces trois stratégies ont toutes fait l’objet de recherches, tant dans le domaine de la psychologie que de celui de la communication

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