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Chapitre 1 : L’effet de cadrage au sein des communications de santé publique

3.3. Les variables modératrices du processus d’imagerie

3.3.1. L’influence des différences individuelles en matière d’imagerie

Dans cette sous-section, nous étudierons l’influence des différences individuelles en matière d’imagerie mentale. MacInnis et Price (1987) ainsi que Babin (1992) recensent quatre principales différences individuelles : 1/ la capacité individuelle d’imagerie mentale, 2/ le style de traitement, 3/ le contenu de l’imagerie et 4/ l’habilité spatiale. Le contenu de l’imagerie (Babin, 1992 ; MacInnis et Price, 1987 ; MacInnis et Price, 1990) et l’habilité spatiale (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003) n’étant pas appropriées en marketing, elles ont fait l’objet d’un nombre restreint de recherches dans ce domaine (Babin, 1992 ; MacInnis et Price, 1987 ; MacInnis et Price, 1990). Dans ce travail, nous nous intéresserons aux deux premières différences individuelles.

3.3.1.1. La capacité individuelle d’imagerie mentale

La capacité individuelle d’imagerie mentale fait référence à deux notions distinctes : la vivacité des images mentales et leur degré de contrôle (Babin, 1992 ; MacInnis et Price, 1987). La vivacité correspond « à la clarté des images mentales formées par un individu »40 (Childers et alii, 1985 p.126) et le degré de contrôle est défini comme « la capacité d’un individu à produire des images mentales ou à leur faire subir des manipulations, telles la rotation mentale »41 (Childers et alii, 1985 p.126). Selon Chamard

40 « the clarity of the mental image an individual evokes. » (Childers et alii, 1985 p.126).

41 « the individual’s ability to self-generate a mental image or to perform certain manipulations, such as mental rotation. » (Childers et alii, 1985 p.126).

108 (2000), une des différences majeures entre ces deux notions est que le degré de

contrôle, contrairement à la vivacité, est sous le contrôle volontaire de l’individu. De plus, Fathallah (2010) précise qu’un individu peut former une image mentale vivace sans pour autant être capable de lui faire subir des manipulations. Si elles ont fait l’objet d’un très grand nombre de travaux méthodologiques (Helme-Guizon, 1997) ces deux dimensions caractérisant l’imagerie mentale ont été étudiées séparément (Cf. Tableau 13) :

o La vivacité à été mesurée pour la première fois à l’aide du QMI (Questionnaire Upon Mentale Imagery avec 150 items) de Betts (1909). Cet instrument de mesure présente l’avantage de mesurer l’imagerie mentale selon sept modes sensoriels (visuel, auditif, cutané, kinesthésique, gustatif, olfactif et organique). Sheenan (1967) propose une version réduite à 35 items adaptée à l’imagerie visuelle qui sera reprise par Ashen (1985). Toutefois, l’instrument de mesure le plus utilisé pour sa fiabilité et sa validité (Childers et alii, 1985) reste le VVIQ (Vividness of Visual Imagery Questionnnaire) proposé par Marks (1973). Cet instrument de mesure a par la suite fait l’objet d’adaptations à d’autres modes sensoriels (Gilbert et alii, 1998 ; Hall et alii, 1985; Isaac et alii, 1986) même si selon Ashton et White (1975), cet outil est contaminé par un biais de désirabilité sociale.

o Le degré de contrôle est mesuré par l’instrument proposé par Gordon (1949), le Gordon’s Test of Imagery Control. Il permet de différencier l’imagerie mentale autonome de l’imagerie mentale contrôlée. Il a fait l’objet d’adaptations par Richardson (1969) et Ashen (1985).

La relation entre les capacités d’imagerie et les réponses des individus n’est pas nette (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003). Pour certains chercheurs, la vivacité modère l’effet de l’imagerie mentale sur l’apprentissage incident (Ernerst, 1977 ; Sheenan et Neiser, 1969) et sur le rappel (Marks, 1973 ; McKelvie et Demers, 1979). Plus récemment, Fathallah (2010), a montré que la vivacité, en tant que caractéristique individuelle mesurée à l’aide du VVIQ de Marks (1973), modère l’effet de l’interaction entre des indicateurs verbaux et visuels de l’olfactif sur la quantité/facilité de formation,

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109 ainsi que sur la vivacité/clarté de l’imagerie mentale visuelle et olfactive. Le degré de contrôle semble quant à lui avoir une influence sur les processus cognitifs comme la rotation mentale (Ernerst, 1977). En revanche, pour d’autres auteurs, la vivacité n’a d’effet ni sur le rappel (Childers et alii, 1985 ; Childers et Houston, 1984 ; Slee, 1978), ni sur la reconnaissance (Childers et alii, 1985) et le degré de contrôle n’a pas d’impact sur le rappel (Childers et alii, 1985 ; Childers et Houston, 1984). Petrova et Cialdini (2005) soulignent qu’une annonce qui contient des consignes d’imagerie a un effet positif sur l’attitude envers la marque et l’intention d’achat seulement pour les individus caractérisés comme « bon imageants », conformément à la définition de Marks (1973). Selon Gavard-Perret et Helme-Guizon (2003), ces divergences de résultats peuvent être expliquées au niveau théorique et méthodologique par « l’imprécision du concept et le manque de fiabilité et validité des instruments de mesure » (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003, p.66).

110 Tableau 13 : Les principales échelles de mesure des capacités d'imagerie mentales, selon

Gavard-Perret et Helme-Guizon (2003 p.79)

Echelles et auteurs Description de l’échelle

Mesure de la vivacité de l’imagerie mentale QMI (Betts Questionnaire

Upon Mental Imagery)

Betts (1909); Sheehan (1967); Ashen (1985)

Version de Betts : 150 énoncés mesurant l’imagerie mentale selon 7

modes sensoriels : visuel, auditif, cutané, kinesthésique, gustatif, olfactif et organique

Version de Sheenan : 35 énoncés mesurant l’imagerie mentale selon

les 7 mêmes modes sensoriels

Version d’Ashen : même énoncés et même format de réponse _

instructions de garder en tête l’image de son père ou de sa mère

VVIQ (Vividness of Visuel Imagery Questionnnaire) et

échelles dérivées pour d’autres modalités de

l’imagerie

Marks (1973) ; Ashen (1985) ; Hall et alii (1985) ; Isaac et alii

(1986) ; Gilbert et alii (1998)

Version de Marks : extension à 16 énoncés de la sous-échelle de

mesure de la modalité visuelle de l’échelle QMI _ échelle en 5 échelons

Version d’Ashen (AA-VVIQ) : même énoncés et même format de

réponse _ instructions de garder en tête l’image de son père ou de sa mère

Version de Hall et alii : 9 énoncés de mesure de l’imagerie visuelle

et 9 énoncés de mesure de l’imagerie kinesthésique _ échelle en 7 points

Version d’Isaac et alii (VMIQ) : 24 énoncés pour mesurer l’imagerie

de mouvement _ même format de réponse que le VVIQ de Marks

Version de Golbert et alii (VOIQ) : 16 énoncés pour mesurer

l’imagerie olfactive _ même format de réponse que le VVIQ de Marks

Mesure du contrôle de l’imagerie mentale VIC (Gordon’s Test of

Imagery Control)

Gordon (1949); Richardson (1969); Ashen (1985)

Version de Gordon : 12 énoncés pour différencier l’imagerie visuelle

autonome et contrôlée _ format de réponse oui/non

Version de Richardson : mêmes énoncés _ format de réponse

modifié (vrai/faux/incertain)

Version d’Ashen : même énoncés et même format de réponse que

Gordon _ instructions de garder en tête l’image de son père ou de sa mère

3.3.1.2. Le style de traitement

Sur la base des travaux de Richardson (1977), le style de traitement est défini par Childers et alii (1985 p. 126) comme « la préférence individuelle à s’engager habituellement dans un traitement imaginatif versus verbal »42. Contrairement à la capacité d’imagerie mentale qui semble être une caractéristique individuelle stable, « le style de traitement est contingent de la situation » (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003 p. 66). En effet, un individu possédant une forte capacité d’imagerie pourra, si la situation le demande, adopter un style de traitement verbal (Babin, 1992 ; Childers et alii, 1985, Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003). Selon Darley (1999), certains

42 « the individual willingness to habitually engage in imaginally versus verbally oriented processing.» (Childers et alii, 1985 p.126).

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111 individus peuvent, selon la tâche, passer d’un style de traitement verbal à un style de traitement visuel alors que ceci est impossible pour d’autres qui utilisent toujours le même style de traitement. Pour Holbrook (1986 p. 338), « la tendance à la visualisation devrait impliquer une sensibilité holistique aux schémas de configuration des stimuli. Au contraire, la tendance à la verbalisation reflèterait une attention accordée à des stimuli atomistiques »43. Ainsi, le style verbal est considéré comme analytique et séquentiel (Euzeby, 2000 ; Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003). Il s’apparente à la lecture d’une phrase (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003). L’information relative au stimulus est décomposée et analysée selon sa structure (Euzeby, 2000). Au contraire, le style visuel est plus holistique, il met en œuvre des représentations imagées (Euzeby, 2000 ; Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003 ; MacInnis et Price, 1987).

Plusieurs instruments de mesure ont été développés pour mesurer le style de traitement. Ces outils (Cf. Tableau 14) se distinguent en fonction de 1/ leur nature (les index et les échelles) (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003) et 2/ leur support (les supports verbaux et les supports graphiques) (Bourgeon et Filser, 1995). Les index permettent de déterminer les capacités des individus à recourir au style verbal ou visuel. Parmi les index les plus utilisés, nous pouvons citer le VVQ (Verbaliser-Visualiser Questionnaire) de Richardson (1977) et le V/V index (Visualisation/Verbalization index) de Holbrook et alii (1984).

112 Tableau 14 : Les échelles de mesure du style de traitement (verbal ou visuel) de l'individu, adapté

de Fathallah (2010) ; Gavard-Perret et Helme-Guizon (2003) et Helme-Guizon (1997)

Echelles et auteurs Description de l’échelle

Les index

VVQ

(Verbaliser-Visualiser Questionnaire)

Richardson (1977)

8 énoncés de mesure du style de traitement visuel et 7 énoncés de mesure du traitement verbal _ format de réponse vrai/faux

V/V index

(Visualisation/Verbalization index)

Holbrook et alii (1984)

10 énoncés avec un format de réponses verbal (mot) et visuel (dessins) pour chaque énoncé

Les échelles de mesure

SOP (Style of Processing

questionnaire)

Childers et alii (1985), Heckler et alii (1993)

11 énoncés pour mesurer le traitement visuel et 11 énoncés pour mesurer le traitement verbal

L’échelle de mesure du style de traitement la plus reconnue et la plus utilisée en marketing (Babin, 1992 ; Burns et alii, 1993 ; Chamard, 2000 ; Childers et alii, 1985 ; Euzeby, 2000 ; Fathallah, 2010 ; Gould, 1990 ; Heckler et alii, 1993 ; Helme-Guizon, 1997 ; Miller, 1994) est l’échelle SOP (Style Of Processing) développée par Childers et alii (1985). Toutefois, si pour Childers et alii (1985) cette échelle présente les meilleurs résultats en termes de validité et fiabilité, les recherches utilisant cet outil de mesure ont bien trop souvent admis, de fait, une structure en deux dimensions (une dimension verbale et une dimension visuelle) sans pour autant en avoir exploré la dimensionnalité. Or, dans le contexte français, Helme-Guizon (1997) ne parvient pas à retrouver la structure initiale de l’échelle et ce, à plusieurs reprises. La validité du SOP semble ainsi fortement remise en question. Une synthèse des qualités psychométriques de l’échelle SOP est présentée dans le Tableau 15.

S’il est souvent envisagé dans la littérature, le rôle modérateur du style de traitement sur les dimensions de l’imagerie mentale n’a pourtant été étudié et montré empiriquement que par un petit nombre d’auteurs (Babin, 1992 ; Burns et alii, 1993 ; Chamard, 2000 ; Euzeby, 2000 ; Fathallah, 2010 ; Helme-Guizon, 1997).

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113 Tableau 15 : Synthèse des qualités psychométriques de l'échelle du style de traitement SOP (Style

Of Processing) au sein de différentes recherches, adaptée d’Euzeby (2000), Fathallah (2010) et Helme-Guizon (1997)

Auteurs Structure factorielle Fiabilité

Recherches anglo-saxonnes

Childers et alii (1985) Structure à 2 facteurs α = 0,88 22 items composante verbale : α = 0,81 (11 items) composante visuelle : α = 0,86 (11 items)

Gould (1990) Structure à 2 facteurs admise α = 0,88 22 items composante verbale : α = 0,77 (11 items) composante visuelle : α = 0,67 (11 items)

Babin (1992) Structure à 2 facteurs admise α = 0,72 22 items composante verbale : α = / (11 items) composante visuelle : α = / (11 items)

Bruns et alii (1993) Structure à 2 facteurs admise (no n testée) α = / 22 items composante verbale : α = 0,75 (11 items) composante visuelle : α = 0,74 (11 items)

Heckler et alii (1993) Structure à 2 facteurs admise α = 0,72 22 items composante verbale : α = / (11 items) composante visuelle : α = / (11 items) Miller (1994) Structure non testée unidimensionnalité admise α = 0,68 22 items

Pham (1994) Structure à 7 facteurs testée α = / 22 items composante verbale : α = 0,75 (11 items) composante visuelle : α = 0,74 (11 items)

Darley (1999) Structure à 2 facteurs admise α = / 22 items composante verbale : α = 0,73 (11 items) composante visuelle : α = 0,72(11 items)

Recherches françaises

Bourgeon (1994) Structure à 2 facteurs admise après épuration α = 0,63 13 items composante verbale : α = 0,69 (6 items) composante visuelle : α = 0,57 (7 items) Bourgeon et Filser

(1995) Structure à 2 facteurs admise après épuration

α =/ 13 items

composante verbale : α = 0,70 (6 items) composante visuelle : α = 0,68 (7 items)

Helme-Guizon (1997) Structure à 2 facteurs admise après épuration α = 0,53 11 items composante verbale : α = 0,77 (7 items) composante visuelle : α = 0,68 (4 items)

Kruger (1997) Structure à 2 facteurs admise après épuration α = / 12 items composante verbale : α = 0,60 (5 items) composante visuelle : α = 0,51 (8 items)

Euzeby (2000) Structure à 2 facteurs admise après épuration (8 items au départ)

α = / 4 items

composante verbale : α = 0,65 (2 items) composante visuelle : α = 0,65(2 items)

Chamard (2000) Structure à 2 facteurs admise après épuration (16 items au départ)

α = / 6 items

composante verbale : α = 0,81 (3 items) composante visuelle : α = 0,75 (3 items)

Duong (2007) Structure à 2 facteurs admise après épuration α = /8 items composante verbale : α = 0,78 (4 items) composante visuelle : α = 0,76 (4 items)

Fathallah (2010) Utilise la version en 8 items de Euzeby (2000) Structure à 2 facteurs admise

α = 0,74 6 items

composante verbale : α = 0,71 (2 items) composante visuelle : α = 0,97(4 items)

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