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conceptuel de la recherche

2.1. L’effet principal du cadrage du message

La littérature sur le cadrage des conséquences d’un message de santé recense un nombre important d’études. Les résultats relatifs à l’efficacité d’un cadrage sur un autre sont mitigés et contrastés selon les comportements recommandés et les variables prises en compte. Toutefois et conformément à un certain nombre de recherches (Detweiler et alii, 1999 ; Keller et alii, 2003 ; Kiene et alii, 2005 ; Lee et Aaker, 2004 ; Rothman et alii, 1993 ; Toll et alii, 2007) ainsi qu’à la méta-analyse de O’Keffe et Jensen (2008), le message soulignant les gains (comparativement au message soulignant les pertes) semble plus efficace. Cette hypothèse va pourtant à l’encontre de la tendance actuelle en matière de campagnes de santé publique qui est de produire des messages forts et, voire parfois, qualifiés de « choquant » (Chabrol et Diligeart, 2004). Cette idée est soutenue par un certain nombre de travaux selon lesquels, en santé, il convient d’adopter un ton plutôt négatif pour persuader (Bécheur, 2006 ; Insko et alii, 1965 ; Gallopel-Morvan, 2006 ; Higbee, 1969 ; Leventhal et alii, 1965).

140 En effet, le recours à des tonalités négatives susciterait davantage de peur, définie

comme une « émotion négative qui naît de la prise de conscience d’une menace qui met un individu en danger » (Gallopel-Morvan, 2006 p.42). A son tour la peur, provoque une pulsion motivante qui pousse l’individu à s’en débarrasser en adoptant la recommandation contenue dans le message (Janis et Leventhal, 1978 ; Leventhal, 1971 ; Rogers, 1975, 1983, 1985). Toutefois, le recours à la peur n’est pas toujours efficace (Janis et Feschbach, 1953). Ainsi, selon Leventhal (1971), Rogers (1975, 1983, 1986) et Witte (1992, 1994), la peur tout comme l’ensemble des émotions négatives peut également déclencher un « processus de contrôle de la peur » (fear drive control) qui se traduit par un rejet et donc un échec du message.

L’échec des messages de santé ayant recours aux tonalités négatives peut également être expliqué par le fait que la présentation des risques associés à un comportement allant à l’encontre de la santé (par exemple, fumer) conduit les individus à faire une évaluation des bénéfices apportés 1/par le comportement à éviter et 2/ par le comportement recommandé. Selon Bolton et alii (2006), cette comparaison peut se solder par une évaluation plus favorable des bénéfices apportés par comportement qu’il convient d’arrêter (par exemple, se déstresser, se donner de la contenance, etc.) dans la mesure où les messages proposent une solution efficace que l’individu pourra un jour décider d’adopter (par exemple, des substituts à la nicotine sous forme de gommes à mâcher, de patchs, ou d’inhaleurs). En référence au jeu de société du Monopoly et plus précisément à sa carte joker, ce phénomène est nommé par Bolton et alii (2006 p.80) le « vous êtes libéré de prison » (get out of jail free card).

De plus, l’utilisation massive des tonalités négatives dans les campagnes de santé publiques depuis maintenant plus d’une dizaine d’années (Gallopel-Morvan, 2006) pose la question de la banalisation. Qu’il s’agisse des campagnes traitant de la surconsommation d’alcool, de la prévention routière, ou encore du Sida, toutes ont recours à des messages au ton très négatif qui jouent sur l’émotion de peur. Or, comme le souligne Shiv et alii (1997), avec le temps et la surexposition à la publicité, les consommateurs ont acquis des connaissances sur les stratégies utilisées par le Marketing pour les persuader. Le consommateur « devient un fin stratège, susceptible de mettre en œuvre des mécanismes de régulation de la menace » (Chabrol et Diligeart, 2004

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141 p.115). Plus précisément, le modèle PKM (Persuasion Knowledge Model) de Friestad et Wright (1994) propose que les individus développent avec l’expérience un système de cognitions sur le marché, également appelé « métacognition du marché » (Wright, 2002), qui leur permet de décrypter les intentions des marketeurs. Cette « métacognition du marché » (Wright, 2002) est « le résultat d’une accumulation d’expériences vécues et mémorisées sous la forme de représentations et de réflexions sur les dispositifs persuasifs employés par les firmes » (Roux, 2007 p.67). Elle permet également aux consommateurs d’adapter leurs réponses aux tentatives d’influences (Cotte et Ritchie, 2005).

Sur la base des éléments présentés ci-dessus, il est proposé que le recours au message soulignant les gains pour promouvoir la réalisation annuelle d’un frottis du col de l’utérus est plus efficace, d’où le groupe d’hypothèses suivantes :

H1 et H7 : Les participantes exposées à un cadrage soulignant les gains (versus les pertes)

ont une attitude envers la recommandation plus favorable (versus moins favorable).

H2 et H8 : Les participantes exposées à un cadrage soulignant les gains (versus les pertes)

ont une intention de suivre la recommandation plus élevée (versus moins élevée).

H9 : Les participantes exposées à un cadrage soulignant les gains (versus les pertes) ont

des intentions d’échange et de recherche d’information plus élevées (versus moins élevées).

De plus, compte tenu de la nature même du cadrage du message, c'est-à-dire du fait qu’il présente une information de polarité soit positive, soit de polarité négative, on peut supposer également que le cadrage a un effet sur la valence des images mentales visuelles suscitées par le message de santé. Aucune recherche antérieure n’a étudié l’effet du cadrage des conséquences d’un message de santé sur la valence des images visuelles. Cependant, les résultats de Maheswaran et Meyers-Levy (1990) indiquent que les réponses cognitives des individus sont affectées par le cadrage d’un message de santé. Lorsque le cadrage souligne les gains (versus les pertes) les réponses cognitives sont plus positives (versus plus négatives) (Maheswaran et Meyers-Levy, 1990). De même, Levin et alii (1998) proposent que l’information est encodée selon sa valence, créant des associations de même polarité (Levin et Gaeth, 1988) qui serviraient

142 d’ « amorces » au moment du jugement. Le cadrage des conséquences des

communications de santé a pour objectif de protéger les individus des risques potentiels soit en soulignant les gains associés au fait de suivre la recommandation, soit en soulignant les pertes (Rothman et alii, 1993, 1997). Qu’il s’agisse d’un message de santé soulignant les gains ou d’un message soulignant les pertes, il est plausible de penser que des images négatives viendront à l’esprit des individus. Toutefois, le message soulignant les gains, en raison de sa tonalité et des bénéfices qu’il met en avant, devrait susciter également des images positives. Ceci se traduirait au final par des images visuelles moins négatives que pour le message soulignant les pertes, d’où l’hypothèse suivante:

H6 : Les participantes exposées à un cadrage soulignant les pertes (versus les gains) ont

des images mentales visuelles plus négatives (versus moins négatives).

2.2. L’effet modérateur de l’objectif annoncé (prévention versus dépistage)