• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1 : L’effet de cadrage au sein des communications de santé publique

3.3. Les variables modératrices du processus d’imagerie

3.3.2. Les différences liées au contexte d’exposition à l’annonce

Le rôle modérateur des variables liées au contexte d’exposition à l’annonce sur l’imagerie mentale n’a pas fait l’objet de nombreuses études dans le domaine du marketing. Seule Babin (1992) propose explicitement d’étudier le rôle modérateur de l’opportunité de traiter l’annonce. Par analogie avec les traitements discursifs et sur la base des articles de Babin (1992), de MacInnis et Jaworski (1989) et de MacInnis et alii (1991), d’autres construits semblent pertinent dans ce cadre : la motivation à traiter l’annonce et l’opportunité à traiter l’annonce. Toutefois, les effets de ces deux construits sur le processus d’imagerie mentale sont très peu documentés (à l’exception des travaux de Helme-Guizon, 1997).

3.3.2.1. La motivation à traiter l’annonce

Pour comprendre et définir le concept de motivation à traiter l’annonce, il est nécessaire de parler, dans un premier temps, de l’implication. L’implication est un concept polysémique, qui « suivant les auteurs, a été conceptualisée et étudiée comme une prédisposition, un état, un processus, une réponse, définie par rapport à une classe de produit, un produit particulier, une marque mais aussi une situation d’achat ou une tâche » (Pinson et Jolibert, 1997 p. 399). L’implication fait l’objet d’une littérature abondante. Sur la base des travaux précurseurs de Krugman (1965) relatifs au concept d’implication en marketing, de nombreux auteurs se sont intéressés à son étude dans le processus de traitement de l’information et la formation des attitudes (Batra et Ray 1985, 1986; Greenwald et Leavitt, 1984 ; Mitchell, 1981 ; Petty et Cacioppo, 1986a, b ; Rossiter et Percy, 1985). Selon la littérature, l’implication peut être un trait individuel, un état ou un processus (Derbaix et Leheut, 2008 ; Derbaix et Pécheux, 1997).

Parmi les définitions de l’implication, celles de Mitchell (1981) et Rostchild (1984) semblent être admises par l’ensemble de la communauté. Pour Rostchild (1984 p.217), l’implication est « un état inobservable de motivation, d’excitation ou d’intérêt »44. L’implication est créée, soit par un objet, soit par une situation spécifique, qui entraine des comportements, certaines formes de recherches de produit, de traitement de l’information et de prise de décision (Rostchild, 1984). Selon Mitchell (1981 p.25),

115

115 l’implication peut être définie comme « une variable individuelle, d'état interne dont les propriétés motivationnelles sont évoquées par un stimulus particulier ou une situation particulière »45. Dans la conception de Mitchell (1979), l’implication est caractérisée par son intensité, c'est-à-dire le niveau de stimulation occasionné, et sa direction, c'est-à-dire les éléments, situations ou objets qui en sont à l’origine (Helme-Guizon, 1997).

Compte tenu du fait que l’implication peut avoir différentes directions (Mitchell, 1971), il n’est pas surprenant que ce terme soit polysémique. En 1984, Muncy et Hunt, sur la base d’une revue de la littérature, distinguent cinq types d’implication : 1/l'implication du moi (Ego Involvement), 2/ l'engagement (Commitment), 3/ l'implication envers la communication (Communication Involvement), 4/ l’importance de l’achat (Purchase importance), 5/ l'implication envers la réponse (Response Involvment). Dans le cadre de ce travail doctoral, nous nous intéressons, selon la classification proposée par Muncy et Hunt (1984 p.194), à « l’implication envers la communication » (communication involvement), plus communément appelée « motivation à traiter l’annonce » (Andrews et alii, 1990 ; Batra et Ray, 1985 ; Helme-Guizon, 1997 ; MacInnis et Jaworski, 1989). La motivation à traiter l’annonce est définie comme « le désir de traiter l’information relative à la marque contenue dans l’annonce »46 (MacInnis et Jaworski, 1989 p.4) et dépend principalement de l’individu, de l’annonce et de l’environnement (Helme-Guizon, 1997). Comme le soulignent Muncy et Hunt (1984), il s’agit d’un état transitoire qui est contingent à la situation, c'est-à-dire, qui « se produit uniquement durant la communication »47 (Muncy et Hunt, 1984 p.194).

La littérature sur les effets de la motivation à traiter l’annonce s’accorde sur le fait que, dans les situations où il est fortement motivé, l’individu procède à un traitement « systématique » (Chaiken, 1980) ou « central » (Petty et Cacioppo, 1981, 1983) de l’information. Dans ce cas, la formation des attitudes est basée sur une lecture attentive des arguments contenus dans le message (Helme-Guizon, 1997 ; MacInnis et Jaworski, 1989 ; Petty et alii; 1983). Au contraire, lorsque l’individu est faiblement motivé à traiter l’annonce, il s’engage dans un traitement « heuristique » (Chaiken, 1980) ou

45 « an individual level, internal state variable whose motivational properties are evoked by a particular stimulus or

situation. » (Mitchell, 1981 p.25).

46 « the desire to process brand information in the ad. » (MacInnis et Jaworski, 1989 p.4).

116 « périphérique » (Petty et alii, 1981, 1983). A ce niveau de traitement de l’information, la

formation des réponses à la publicité est basée sur les éléments d’exécution publicitaire (ad cues) ainsi que sur l’émotion suscitée par l’annonce (Helme-Guizon, 1997 ; MacInnis et Jaworski, 1989). Comme le souligne Helme-Guizon (1997), les effets de la motivation à traiter l’annonce sur le processus d’imagerie mentale sont peu documentés. Toutefois, pour MacInnis et Price (1987), par analogie avec les processus discursifs, une situation de forte motivation à traiter l’annonce devrait susciter une imagerie mentale plus élaborée. Dans un contexte d’implication manipulée selon le niveau de pertinence personnelle, Miniard et alii (1991) montrent que dans la condition de forte implication, un stimulus iconique attractif et pertinent produit des images mentales plus nombreuses. Helme-Guizon (1997) montre en revanche que la motivation n’a pas d’effet sur les dimensions vivacité/clarté, élaboration et quantité de l’imagerie visuelle. Seule la valence de l’imagerie visuelle est affectée par le niveau de motivation à traiter l’information (Helme-Guizon, 1997).

3.3.2.2. L’opportunité de traiter l’annonce

Contrairement à la motivation à traiter l’annonce, l’opportunité (opportunity) (Babin, 1992 ; MacInnis et Jaworski, 1989 ; MacInnis et alii, 1991) ou l’occasion (Helme-Guizon, 1997) de traiter l’annonce fait l’objet d’une définition plus consensuelle (Helme-Guizon, 1997). L’opportunité de traiter l’annonce fait référence au fait que « les conditions rencontrées lors de l’exposition sont plus ou moins favorables au traitement de l’information sur la marque »48 (MacInnis et Jaworski, 1989 p.7). Cette variable situationnelle modère la profondeur du traitement de l’information en jouant directement sur le montant d’attention et de ressources cognitives disponibles en vue de l’encodage de l’information (Babin, 1992 ; Helme-Guizon, 1997 ; MacInnis et Jaworski, 1989).

Les recherches sur l’opportunité de traiter l’annonce montrent qu’une faible opportunité peut se traduire par la distraction de l’attention vers une tâche secondaire (Petty et Cacioppo, 1986a, 1986b ; Petty et alii, 1976) qui empêche un traitement en profondeur du stimulus (MacKenzie, 1986). Au contraire, une forte opportunité favorise le traitement et l’intégration du stimulus (Petty et Cacioppo, 1986a, 1986b). Bien que

117

117 l’étude du rôle modérateur de l’opportunité de traiter l’annonce sur le processus d’imagerie mentale ait été suggérée par Babin (1992), les preuves empiriques demeurent peu nombreuses. Helme-Guizon (1997) propose que l’occasion de traiter l’annonce modère l’effet d’un stimulus sur les dimensions de l’imagerie (notamment sur la quantité d’images mentales). Cependant, les résultats de ses travaux ne le confirment pas : tout comme pour la motivation à traiter l’annonce, l’opportunité n’a pas d’effet sur les dimensions vivacité/clarté, élaboration et quantité de l’imagerie visuelle. Son effet est uniquement significatif sur la valence des images visuelles (Helme-Guizon, 1997). Les différents éléments de littérature traités de ce chapitre et relatifs au rôle de l’imagerie mentale en communication persuasive, sont synthétisés dans la Figure 8.

118

STIMULI IMAGERIE MENTALE REPONSES

MANIPULATIONS DE L’IMAGERIE Stimuli iconiques Alesandrini et Sheikh (1983) Babin (1992) Burns et alii (1991, 1993) Childers et Houston (1984) Lutz et Lutz (1978) Paivio (1971, 1991) Rossiter (1982) Shepard (1978) Mots concrets Alesandrini et Sheikh (1983) Lutz et Lutz (1978) Miller (1994) Paivio (1971, 1991) Paivio et Csapo (1969) Rossiter (1982) Instructions d’imaginer Caroll (1976) Lutz et Lutz (1978) Rossiter (1982) Wright et Rip (1980) Mémorisation Alesandrini et Sheikh (1983) Babin (1992) Bone et Ellen (1990, 1992) Childers et Houston (1984) Lutz et Lutz (1978) Paivio (1971, 1991) Paivio et Csapo (1969) Rossiter (1982) Apprentissage incident Bower (1970) Sheehan (1967) Sheehan et Neisser (1969) Persuasion / compréhension Heckler et Childers (1992) Houston et alii (1987) Miniard et alii (1991) Mitchell et Olson (1981) Attitudes Babin (1992) Bone et Ellen (1990) Burns et alii (1991, 1993) Helme-Guizon (1997) Fathallah (2010) Miller (1994) Mitchell et Olson (1981) Intentions d’achat Anderson (1983) Babin (1992) Bone et Ellen (1990) Fathallah (2010) Helme-Guizon (1997) Holbrook et Hirschman (1982) Style de traitement Childers et alii (1985) Fathallah (2010) Heckler et alii (1993) Helme-Guizon (1997) Paivio (1971) Paivio et Harschman (1983) Richardson (1977) Vivacité de l’imagerie Ashen (1993) Betts (1909) Marks (1973) Sheehan (1967) Contrôle de l’imagerie Ashen (1993) Richardson (1969) Contenu de l’imagerie Chamard (2000) Helme-Guizon (2000) Singer et Antrobus (1963) Variables individuelles d’imagerie modératrices Autres variables individuelles modératrices Profondeur de traitement MacInnis et Jaworski (1989) Petty et Cacioppo (1983, 1986) Unnava et Burnkrant (1991)

Imagerie provoquée par la communication Bone et Ellen (1992) Babin (1992) Chamard (2000) Fathallah (2010) Helme-Guizon (1997)

Motivation et aptitude à traiter l’information Andrews (1988) Helme-Guizon (1997) MacInnis et alii (1991) MacInnis et Jaworski (1989) Petty et alii (1983) Petty et Cacioppo (1986) Connaissances antérieures Markus (1980) Smith et alii (1984)

Figure 8: Les principales recherches sur l'imagerie mentale, d'après MacInnis et Price (1987), complétées par Fathallah (2010)

119

119

C

ONCLUSION

L’imagerie mentale est un concept encore assez récemment introduit dans les recherches en marketing et qui a donc fait l’objet, jusqu’à aujourd’hui, d’un nombre restreint de recherches. Toutefois, les auteurs s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’un concept particulièrement intéressant pour les recherches en communication persuasive (Babin, 1992, Burns et alii, 1993 ; Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003 ; Lutz et Lutz, 1978 ; Rossiter et Percy, 1978, 1980, 1983). Sur la base du cadre conceptuel proposé par Burns et alii (1993), l’imagerie mentale est placée au centre des processus de persuasion publicitaire en tant que processus médiateur de l’influence des caractéristiques des stimuli sur les réponses du récepteur.

A travers ce chapitre, nous avons pu constater que si l’imagerie mentale est caractérisée par son registre sensoriel (visuel, auditif, olfactif, etc.), la nature des stimuli marketing (packaging, produit, publicité) a conduit à privilégier l’étude du mode visuel de l’imagerie mentale (Gavard-Perret et Helme-Guizon, 2003). De même, si l’imagerie mentale peut être qualifiée par ses multiples dimensions, il apparait que c’est l’étude de ses dimensions quantité et vivacité qui a été prédominante, souvent, au détriment d’autres dimensions comme la valence, qui, pourtant, apparaît dans plusieurs travaux comme étant la seule dimension dont l’effet est montré empiriquement (Helme-Guizon). Sur la base de la littérature présentée précédemment et des objectifs de recherche précisés en introduction, il est possible désormais de déterminer, dans le chapitre suivant, le cadre conceptuel qui sera celui du présent travail, et, plus précisément, les construits retenus et les liens envisagées entre eux, de manière à pouvoir avancer un corps d’hypothèses.

121

121

Chapitre 3 : Le cadre conceptuel et les