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Stockage longue durée de plusieurs qubits

Dans cette expérience, Nous testons ici la capacité de notre mémoire à conserver de manière fidèle l’information portée par un qubit arbitraire, ce qui est un comportement non classique. Nous encodons donc un "qubit" en polarisation sur un état cohérent atténué. Nous regardons donc la fidélité de l’état à sortie de la mémoire par rapport à l’état d’entrée de la mémoire. Les résultats obtenus par cette expérience sont détaillés dans un article situé en section B et page 111.

3.4.1 Montage expérimental

Par rapport à l’expérience de la section précédente, quelques modifications sont à souligner. Nous réalisons toujours un double passage pour le mode d’entrée mais cette fois-ci une lame quart d’onde (QWP) est insérée après le cristal afin de tourner la polarisation de 90 degrés avant le second passage (voir figure 3.18). Ainsi, l’absorption est homogène pour toutes les polarisations. Etant donné que l’absorption sur l’axe D2 du cristal est 5 fois inférieure à l’absorption le long de l’axe D1, la profondeur optique avant préparation en double passage dans le cristal est d’environ d=2.6+0.5=3.1.

Les qubits en polarisation sont préparés à l’aide d’un PBS suivit d’une lame demi-onde (HWP) combinée à une lame quart d’onde (QWP). De même, les qubits de sortie sont analysés avec une lame demi-onde combinée à une lame quart d’onde suivie d’un PBS.

Le reste du montage reste inchangé.

PBS BS

PBS Préparation

Analyse

Cavité Fabry-Pérot

Source RF Cryostat

Bobine

SPAD ( a )

( b ) IN

OUT

Temps

X Y X Y

TS+1/∆

Contrôle Contrôle

λ/2 λ/4

λ/2 λ/4

λ/4

Figure 3.18 –Stockage de qubits en polarisations dans l’état de spin. (a) Montage expéri-mental. HWP : lame demi-onde. QWP : lame quart d’onde. SPAD : single-photon avalanche photodiode ou détecteur de photon unique à avalanche. (b) 5 impulsions lumineuses portant chacune un qubit sont stockées dans l’état de spin. La séquence XY-4 est appliquée grâce à la bobine placée autour du cristal afin d’étendre le temps de stockage sans ajouter un bruit significatif.

3.4.2 Résultats

On procède ici au stockage de 5 qubits en polarisation pendant un temps de TS=0.5 ms. Le temps AFC est ici de 1/∆=15 µs. Chaque qubit est porté par une impulsion cohérente faible d’une durée totale de 1.25 µs et d’une FWHM de 800 ns. Nous avons pris soin ici de compresser les modes temporels au maximum afin d’augmenter la ca-pacité multimode de la mémoire. Les impulsions de contrôle et les impulsions RF sont les mêmes que celles présentées dans la section précédente.

Le paramètre µ1 défini plus haut permet de modéliser la fidélité du qubit de sortie.

En effet le bruit de la mémoire dégrade la fidélité du qubit en sortie. La polarisa-tion peut également avoir été modifiée par la mémoire ou le montage expérimental.

C’est pourquoi nous avons également mesuré la fidélité des qubits de sortie pour des impulsions fortes afin de mesurer uniquement la fidélité du montage sans bruit.

La fidélité est ainsi calculée à partir de la visibilité : Vc= SmaxSmin

Smax+Smin, (3.6)

Smax etSmin sont les résultats de mesures pour une projection sur un état identique ou orthogonal respectivement à l’état du qubit d’entrée . La fidélité est donc :

Fc = 1 +Vc

2 = Smax

Smax+Smin

. (3.7)

Les résutats sont récapitulés dans la Table 3.1.

Etat d’entrée Fidelité (%) Etat d’entrée Fidelité (%)

|Hi 99.7 ± 0.4 |Vi 98.4 ± 0.4

|Di 99.2 ± 0.4 |Ai 99.0 ± 0.4

|Ri 99.0 ± 0.4 |Li 99.3 ± 0.4

Table 3.1 – Fidélité pour des impulsions fortes calculées en utilisant Eq. 3.7.

Ces résultats montrent que la mémoire et le montage ne dégradent pas ou peu la fidélité des états de sorties puisque la fidélité dépasse 99 % pour presque toute les mesures.

La fidélité totale Fq pour des impulsions au niveau quantique va elle dépendre du bruit généré par la mémoire et s’écrit ([60],[61]) :

Fq = Smaxq

Smaxq +Sminq . (3.8)

Smaxq =Smax+pn et Sminq =Smin+pn. L’impulsion d’entrée contenant µphotons, on a Smax=µηFc et donc :

Fq = ηµFc+pn

ηµ+ 2pn = Fc+µµ1

1 + 2µµ1. (3.9)

On peut étendre la formule 3.9 pour une source de photons unique. Dans ce cas, le nombre moyen de photon devant la mémoire µ est donné par le couplage du photon unique depuis la source jusque la mémoire : µ = p < 1. Or, il a été démontré que la fidélité de stockage d’un qubit (porté par un photon unique) pour la meilleure stratégie classique est de F=2/3 [62]. Obtenir une fidélité supérieur à 2/3 démontre que notre mémoire fonctionne au niveau quantique. Afin de démontrer strictement que la mémoire est quantique, il faudrait faire l’expérience avec de vrais photons uniques en entrée. En effet, pour des états cohérents atténués en entrée, des stratégies classiques plus complexes (cf. article B à la page 111) permettent d’obtenir des fidélités supérieurs à 2/3. Dans l’article de la page 111, on compare la fidélité obtenue avec une de ces stratégies classiques sophistiquées. Le but final étant de stocker des photons uniques, on s’intéressera ici seulement à la possibilité de faire du stockage quantique avec des photons uniques, donc d’obtenirF>2/3.

L’état de polarisation que nous avons stocké est|Di=1

2(|Hi+|Vi) avec des nombres de photons moyens de µ= 0.8, 1.4, 3.6, 8.2. La figure 3.19 montre comme exemple le stockage de 5 qubits dans l’état|Diet sa projection sur l’état|Di pour un nombre de photons deµ=1.4. Mesurer 5 qubits en même temps permet ici d’accumuler 5 fois plus de données pour un temps d’accumulation fixé. En pratique, 5 qubits d’état de pola-risation différent pourrait être générés à l’aide d’un modulateur électro-optique. Pour chaque qubit, on compte le nombre d’événements dans une fenêtre de 1µs, puis les ré-sultats sont ensuites cumulés. La mesure a été effectuée dans trois bases différentes par projection sur les états |Hi, |Vi, |Di=1

2(|Hi+|Vi) et |Ri=1

2(|Hi+i|Vi). De cette mesure, on peut en déduire une fidélité par tomographie de l’état de sortie ("maximum likelihood") et une incertitude estimée à partir de simulations Monte-Carlo.

µ η (%) pn (10−3) µ1 Fidelité (%)

0.8 ± 0.1 4.3 ±0.4 11.0 ± 1.0 0.25 ± 0.04 79.5 ± 0.2 1.4 ± 0.1 3.6 ±0.3 10.1 ± 1.2 0.28 ± 0.04 85.5 ± 0.1 3.6 ± 0.3 3.8 ±0.2 10.9 ± 1.4 0.29 ± 0.04 93.6 ± 0.1 8.2 ± 0.6 3.7 ±0.2 12.1 ± 1.4 0.33 ± 0.05 95.7 ± 0.04

Table 3.2 – Résultats des mesures pour différents nombre de photons µ. L’état de polari-sation est préparé dans |Di. La fidélité est calculée en faisant une tomographie de l’état de sortie par la méthode de "maximum likelihood", et les erreurs calculées par une simulation Monte-Carlo.

0 5 10 15 510 515 520 0

2 4 6 8

////

Temps (s)

Coups/min

x5

Figure 3.19 – Mesure sur l’état |Di pour µ=1.4 et un état de polarisation|Di en entrée.

Le temps de stockage est ici deTS=0.5 ms avec 1/∆=15µs. Les 5 impulsions d’entrée sont représentées en bleu (foncé), tout comme les 5 échos. Le bruit est lui représenté en vert (clair).

La table 3.2 récapitule les résultats obtenus pour chaque nombre de photons. Le temps nécessaire pour obtenir ces données est d’environ une semaine, en tenant compte du temps perdu par différentes opérations de ré-alignements quotidiennes. Il est difficile d’avoir une expérience reproductible à l’identique sur plusieurs jours, c’est pourquoi l’efficacité η comme le bruit pn peuvent sembler relativement fluctuant d’une mesure à l’autre. Sur la figure 3.20, on montre la fidélité en fonction du nombre de photons.

On peut ainsi vérifier la validité du modèle que l’on a développé ci-dessus et qui a donné lieu à la formule 3.9. L’évolution de la fidélité selon la formule 3.9 est également représentée sur la figure 3.20 en trait plein. L’incertitude sur la mesure du µ1 donne une incertitude sur la fidélité modéliséeFq qui est représentée par une zone grisée sur la figure 3.20. Nous pouvons observer que les valeurs expérimentales correspondent bien au modèle que l’on a développé. Nous avons donc une bonne compréhension des sources d’infidélités de notre mémoire, à savoir majoritairement le bruit. De plus, tous les points expérimentaux sont bien au dessus de la limite de quanticité de 2/3. La courbe du modèle dépasse cette limite pourµ=0.3 environ, ce qui signifie que l’on peut faire du stockage quantique avec une source de photons uniques dont le couplage est supérieur à 30%, qui est une valeur tout à fait réaliste aujourd’hui.

Un tomographie de processus impliquant la mesure des états d’entrée |Hi, |Vi et

|Ri en plus de |Di a également été faite pour une nombre de photons den=1.4. Tout les détails pourront être trouvés à la page 111.

10-2 10-1 100 101 102 0.5

0.6 0.7 0.8 0.9 1

Fidelité

Figure 3.20 – Fidélité en fonction du nombre de photons µ pour l’état d’entrée |Di. Les points expérimentaux sont comparés au modèle de l’équation 3.9 représenté en trait plein pour µ1=0.29 (± 0.04). Cette valeurs de µ1 est la valeur moyenne des valeur mesurées sur la table 3.2. L’incertitude sur la fidélité du modèle est représentée par la zone grisée. Cette incertitude est dûe à l’erreur sur la mesure du µ1. La ligne en traitillé rouge (clair) est la limite de quanticité de 2/3 [62].

Conclusion

Dans cette section nos avons montré que notre mémoire est capable de stocker des qubits pour plus de 0.5 ms. Cela prouvent que la mémoire fonctionne au niveau quan-tique et que le stockage de photons uniques avec une bonne fidélité est complètement envisageable. De plus, nous avons pu tirer avantage du protocole AFC en stockant 5 qubits pour chaque expérience.