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1. DESCRIPTION DE L’ÉTAT D’INSERTION PROFESSIONNELLE DES JEUNES ADULTES DE

1.2 Caractéristiques de l’état final

1.2.1 Stabilisation

L’analyse indique que les six jeunes adultes en insertion professionnelle identifiée à l’état final ont montré une stabilisation. Rappelons que par stabilisation, Vincens (1997) renvoie à la définition de Vernières (1993) qui spécifie qu’un individu peut très bien occuper durablement des positions instables tout en ayant acquis une expérience suffisante pour terminer son insertion. Vincens précise cette définition en ajoutant la notion d’expérience acquise permettant de se trouver une position stabilisée dans le marché de du travail. C’est le cas notamment de Tristan (24 ans, plus haut niveau de scolarité atteint : troisième secondaire), qui occupe un emploi autonome comme mécanicien de vélo depuis plus de 12 mois en alternance avec un emploi d’animateur de cirque depuis environ 5 mois au moment de l’entretien. Il entretient également des projets professionnels comme conférencier, qu’il semble avoir déjà débutés au moment de l’entretien, mais qui font partie de son insertion professionnelle à long terme. Ces trois projets autonomes lui permettent d’être stable professionnellement. Comme il le déclare, son début d’insertion professionnelle faisait référence à une clientèle générale (« monsieurs et matantes ») et un de ses objectifs

professionnels était d’atteindre une clientèle de qualité (« du bon monde »), c’est-à- dire des familles et des jeunes. Pour lui, cela semble être un indice de réussite, par la qualité de la clientèle atteinte51 :

Puis je me suis tout le temps dit ça avec le cirque que je commence en bas de l’échelle, avec des monsieurs puis matantes, puis là plus ça va, être famille (sic), puis après ça, j’irai dans une clientèle qui est plus jeune. Que je vais avoir le temps de cerner […]. Puis rien que là, j’ai vraiment réussi à accumuler vraiment tous mes ingrédients pour dire que le retour que j’ai, c’est avec tout du bon monde, là. Tu sais, tout du monde que je m’entoure, tu sais. (Tristan)

Puis, les gains réalisés grâce à l’animation permettent à Tristan d’économiser suffisamment pour envisager la réalisation (ou le développement) de son entreprise de mécanique de vélo : « je vais m’avoir fait un coussin, par rapport à mon animation pour aller faire mon affaire de vélo. ». Ainsi, l’alternance des deux emplois autonomes lui permet d’avoir un sentiment de stabilisation professionnelle.

Pour ce qui est de Mélodie (emploi autonome, 24 ans, plus haut niveau de scolarité atteint : primaire), elle a participé à un stage comme aide-éducatrice quelques mois avant de se trouver un emploi dans une garderie52. Lorsque ce dernier milieu de

travail a cessé ses activités à cause d’un incendie, Mélodie s’est retrouvée en période de chômage forcé. Elle a donc profité de cette occasion pour entreprendre l’ouverture de sa propre garderie en milieu familial, où elle travaille au moment de l’entretien. Ainsi, ces diverses activités professionnelles lui ont permis d’entreprendre un projet d’emploi autonome lui permettant d’acquérir une certaine stabilité aujourd’hui, sachant qu’elle dit être bien avec sa garderie à la maison et qu’elle est fière d’être où elle est en ce moment, et ce, sans avoir complété ses études secondaires :

51 Le contexte de l’entretien montre que le retour qu’il a « avec du bon monde » fait référence au fait de

se faire féliciter pour son art, plutôt que d’être victime d’actes criminels comme se faire voler son vélo par des personnes qui lui ont demandé d’imiter ses prouesses. Ainsi, on peut penser que le milieu dans lequel il évolue professionnellement au moment de l’entretien est moins lié à la précarité, ce qui devient pour lui un point de repère de son accomplissement professionnel.

Mélodie : C’est sûr, j’étais fière de moi. C’est certain, là. C’est quelque chose de pouvoir… T’as pas d’études, t’es capable d’avancer… tu peux montrer au monde comment que… regarde, même si t’as rien que l’école primaire, avec la persévérance, tu peux réussir à faire quelque chose de bien. […]

PI : Est-ce que ça t’arrive de penser, que tu vas retourner aux études ou que tu vas retourner à l’école ?

Mélodie : Non. Je suis bien avec ma garderie à la maison.

Quant à David (emploi autonome, 22 ans, plus haut niveau de scolarité atteint : secondaire à l’éducation des adultes), il a occupé plusieurs emplois dans le domaine de la construction, plus spécifiquement comme couvreur de toitures. Sans avoir de formation professionnelle, il déclare, au moment de l’entretien, avoir été pourtant en mesure d’obtenir ses cartes de compétences de la Commission de la construction du Québec (CCQ])53 et de pouvoir démarrer sa propre entreprise comme

couvreur de toitures. Comme il le mentionne : « Oui. Ça fait quatre ans que je travaille là-dedans. Je me suis arrangé avec un syndicat pour l’avoir ma carte, à un moment donné. »

Pour Gabrielle (employée salariée, 23 ans, plus haut niveau de scolarité atteint : primaire), sa stabilisation rejoint la première définition de Vincens (Ibid.) lorsqu’il mentionne qu’il s’agit davantage de notion d’expérience acquise plutôt que de stabilité par l’obtention de plusieurs emplois instables. Ainsi, elle a trouvé un emploi comme aide-éducatrice à la suite de sa participation à un programme du CJE et y travaille encore au moment de l’entretien.

Gabrielle : Bien, au début, j’étais au CJE, mais c’est eux autres, dans le fond, ils m’ont aidé à me trouver une place à la garderie aussi, parce que… la personne qui était là [au CJE], elle m’a dit des places pour que j’aille porter mon C.V. puis j’y ai été, puis ils m’ont pris dans le fond […].

PI : Puis à partir de là, c’était le même travail toujours ? Tu as commencé là puis tu n’as pas lâché ?

53 « L’industrie de la construction au Québec s’est donné des critères d’embauche de la main-d’œuvre

auxquels les entreprises de construction doivent se conformer. Le principe fondamental demeure la compétence acquise par la formation et/ou l’expérience de travail. » (Commission de la construction du Québec, 2018).

Gabrielle : Oui.

PI : Ok, fait que ça veut dire que ça fait presque deux ans dans le fond ?

Gabrielle : Ça va faire trois ans, je pense ou… deux ans ou trois ans, je ne suis pas sûre…

Pour Mégane (employée salariée, 21 ans, plus haut niveau de scolarité atteint : cinquième secondaire), il est aussi possible d’identifier la caractéristique de stabilisation qui se traduit ici par le perfectionnement plutôt que seulement par l’expérience acquise. En effet, elle maintient le même emploi depuis la fin de son programme d’aide, avec l’aide de plusieurs formations continues offertes par son milieu de travail.

Bien, en fait, moi j’ai passé beaucoup de formations. J’ai eu une formation sur les drogues, une formation sur les travailleurs de proximité, une formation sur [l’organisme qui m’emploie], plein de formations, en fait. Plein, plein, plein, là. (Mégane)

Pour Alexia (employée salariée depuis six mois au moment de l’entretien, 20 ans, plus haut niveau de scolarité atteint : quatrième secondaire), il est possible d’identifier la caractéristique de stabilisation. En effet, dans la mesure où advenant la perte de son emploi actuel (ce qu’elle croit possible, dû à la difficulté qu’elle a eu à s’adapter au travail en raison de sa maladie), elle dit avoir la possibilité de se trouver rapidement un emploi chez son ancien employeur. Ainsi, son expérience suffisante sur le marché du travail lui permettrait de trouver une position stabilisée sur le marché du travail, malgré la perte de son emploi actuel.

Mais si vraiment je ne trouve rien [à temps plein, advenant la perte de mon emploi], ça va être de me trouver une job étudiante… ou peut- être même retourner [chez mon ancien employeur] parce que je le sais que là, la journée où je vais dire que je veux être engagée puis qu’ils ont de la place, ils vont m’engager. (Alexia)