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3. COMPRENDRE LA MANIÈRE DONT LES INFORMATIONS SONT MOBILISÉS DANS

3.2 La place de l’information sur l’emploi dans l’état final d’insertion

3.2.2 Maintenir son emploi

Des six jeunes adultes en état final, deux d’entre eux mobilisent des informations pour se maintenir en emploi. C’est le cas de Gabrielle et Mégane, deux employées salariées.

Par exemple, Gabrielle (23 ans au moment de l’entretien ; en emploi à temps plein comme aide-éducatrice dans une halte-garderie ; plus haut niveau de scolarité atteint : études primaires) déclare des informations à propos des tâches qu’elle doit effectuer en emploi lui permettant d’être plus efficace dans ses interventions avec les enfants. Ainsi, avec pour seule qualification une « formation en milieu de travail d’une journée » (spécifique à son métier d’aide-éducatrice) selon le calendrier des cycles de vie, Gabrielle déclare des informations provenant de diverses sources (et par divers supports) afin de l’aider au travail :

Des fois on a des petits documents [qui sont à la Halte-garderie] […]. Puis je lis, ça m’apprend dans le fond. […] puis des fois, c’est sur

Internet. […]. [Ma patronne et ma collègue] m’ont souvent aidée, tu sais, comment parler mieux, [elles] m’ont aidée à m’exprimer comment parler aux enfants […]. [Mon amie] travaille la même chose que moi, sauf elle, c’est dans les handicapés. […] Elle essaie de me dire des choses quand les enfants font des gestes pas normal (sic), fait que j’essaie de l’aborder avec les personnes à la garderie, des fois.

Quant à Mégane (21 ans au moment de l’entretien ; en emploi à temps plein et aux études du secondaire à l’éducation des adultes; plus haut niveau de scolarité atteint : cinquième secondaire), elle déclare des informations à propos d’exigences d’embauche d’un emploi et des informations à propos des métiers et de leurs perspectives d’avenir qui lui permettent d’envisager un retour en formation (pour l’obtention d’un certificat en toxicomanie). Ce certificat lui permettrait ainsi d’augmenter ses chances d’accéder à un poste d’intervenante dans son milieu de travail. Le poste en question s’accompagne de meilleures conditions de travail susceptibles d’assurer son maintien en emploi et la continuité de son insertion professionnelle à l’état final. Comme Mégane le précise :

Je me suis dit que, si j’allais me chercher un certificat en toxico, que peut-être que j’allais me décrocher un poste comme intervenante dans un projet [dans mon milieu de travail] […]. C’est beaucoup plus payant.

Pour Gabrielle, l’information s’inscrit dans une forme de formation continue, celle-ci lui permettant d’être plus efficace dans son travail. Pour Mégane, il s’agit d’information qui lui permet de considérer un emploi différent dans le même milieu de travail qui offre de meilleures conditions de travail. Ce sont deux stratégies différentes qui visent cependant le même objectif, soit de consolider davantage leur situation sur le marché du travail.

3.2.3 Cas particulier

Une jeune adulte sur les six mobilise des informations qui contribuent à son insertion à l’état final et plus particulièrement à son maintien en emploi. Toutefois, bien qu’elle fasse des efforts continus pour ne pas perdre son emploi, elle mobilise des

informations lui permettant d’envisager des stratégies qui caractérisent un état d’insertion professionnelle à l’état initial (définition d’une trajectoire professionnelle et recherche d’emploi). Il s’agit d’Alexia (20 ans au moment de l’entretien ; en emploi salarié à temps plein depuis six mois comme téléphoniste ; plus haut niveau de scolarité atteint : quatrième secondaire) qui occupe un emploi sans pourtant avoir les exigences minimales d’embauche pour cet emploi, c’est-à-dire posséder un diplôme du secondaire et être bilingue. Comme Alexia le précise :

Mais, je me dis en même temps, avec tout ce que je suis rendue (sic), sans avoir eu mon diplôme, je veux dire, regarde [les personnes qui m’ont embauché], ils le demandent le diplôme ! Ils demandent à être bilingue. J’ai pas les deux. Oui j’ai pu rentrer là un peu à cause de ma mère […] peut-être que je serais pas là sans elle…

De plus, Alexia déclare avoir eu des difficultés d’adaptation dans son emploi, notamment liées à des problèmes de santé chroniques : « avec ma maladie en plus, ce n’était pas évident […] j’avais une inquiétude face à ma maladie. ».

Ainsi, pour ce qui est de la partie de son discours où Alexia dit vouloir se maintenir en emploi (« Même si je voulais lâcher au début, là c’est comme, je veux plus la perdre [ma job]! »), des informations sur l’emploi sont mobilisées. Par exemple, sa mère, qui travaille dans la même entreprise depuis plus de quatre ans, lui donne accès à des informations à propos des attitudes en emploi à avoir : « [Ma mère] m’a dit " écoute, arrête de manquer ! ", tout ça, " tu vas te faire " crisser " dehors ! " (rire), tu sais, mais qui m’encourage […] ». De plus, elle mobilise des informations à propos des tâches de l’emploi qui lui permettent d’être plus efficace au travail :

J ’ai une chef d’équipe qui est attitrée à moi, puis qui me donne des coachings, puis à tous les mois elle me rencontre pour me dire soit " lâche pas, travaille là-dessus ", elle nous place avec quelqu’un de notre équipe pour nous donner des trucs… Tu sais on est vraiment bien encadrés, puis… tu sais c’est une belle équipe. (Alexia)

Pour ce qui est de la partie du discours d’Alexia, où une perte d’emploi pourrait advenir en raison d’une baisse de performance liée à son état de santé (et donc

un probable retour en état initial), des informations sont mobilisées de manière à lui permettre de répondre à deux préoccupations. D’une part, soutenir une éventuelle recherche d’emploi et d’autre part, définir une nouvelle trajectoire professionnelle. En effet, Alexia déclare certaines stratégies de recherche d’emploi à temps plein telles que celle d’offrir ses services dans une autre entreprise de la région, qui a la réputation d’embaucher les anciennes personnes employées de l’entreprise où Alexia travaille au moment de l’entretien.

Mais c’est sûr que si je me fais mettre dehors de chez [mon employeur actuel], la première place que je vais aller c’est chez [l’entreprise X], parce que je le sais que tous ceux qui partent [d’ici] vont chez [l’entreprise X] ! […] eux autres, quand ils voient [le nom de mon employeur actuel] sur ton C.V. ils le mettent sur le dessus de la pile !

Si ce scénario s’avère infructueux, elle nomme la possibilité d’effectuer un retour aux études et de trouver un « emploi étudiant ». Cette option cependant avancée comme un scénario de dernier recours. Le cas échéant, elle dit avoir la possibilité d’aller voir son ancien employeur pour lui offrir ses services à nouveau.

Mais si vraiment je trouve [pas d’emploi à temps plein], ça va être de me trouver une job étudiante […] ou peut-être même retourner [chez mon ancien employeur] parce que je le sais que là, la journée où je vais dire que je veux être engagée puis qu’ils ont de la place, ils vont m’engager. Puis là ce serait d’aller faire mon cours en comptabilité, mais encore là, c’est pas quelque chose que je veux…

Bien qu’elle nomme l’idée d’aller faire un cours en comptabilité (puisqu’il s’agissait de son projet avant de trouver l’emploi de téléphoniste), elle nomme tout de même l’idée de définir une nouvelle trajectoire professionnelle. Dans ce sens, Alexia déclare qu’elle rencontrerait à nouveau une personne conseillère d’orientation afin de l’aider :

Probablement que je reviendrais voir une conseillère ou un conseiller juste pour refaire les tests, parce que comme j’ai dit, j’ai changé […] probablement que le résultat du test aurait changé puis me dévoilerait

peut-être des métiers […] que j’aurais jamais pensé […] juste pour voir c’est quoi mes possibilités.

Ainsi, les informations mobilisées par Alexia contribuent à différentes préoccupations liées à son insertion en fonction de l’issue de celle-ci. Plus particulièrement, certaines informations contribuent à son maintien en emploi lorsqu’elle fait référence à sa situation – que nous avons identifiée à l’état final d’insertion – alors que d’autres informations contribuent à la définition d’une trajectoire professionnelle ainsi qu’à la recherche d’emploi lorsqu’elle fait référence à une situation potentielle de perte d’emploi – que nous identifions comme un retour à l’état initial.

Une jeune adulte sur les six mobilise l’information sans que nous puissions statuer sur la préoccupation qu’elle permet de résoudre. En effet, l’insertion professionnelle de Mélodie (24 ans au moment de l’entretien ; travailleuse autonome ; plus haut niveau de scolarité atteint : études primaires) est identifiée à l’état final. D’une part, elle dit être bien dans son projet professionnel (maintien en emploi résolu), qui est d’avoir un service de garde en milieu familial. Elle ne déclare donc pas d’information en lien avec ce projet, probablement parce qu’elle n’y rencontre pas d’obstacle à résoudre à ce moment-là (du moins, à partir des données disponibles dans l’entretien). D’autre part, elle déclare une information à propos d’exigences générales d’embauche dans le marché du travail – une information qui n’est pas directement en lien avec son projet de garderie. Il s’agit d’exigences auxquelles elle déclare ne pas correspondre (notamment avoir un DES) et qui proviennent d’une source non spécifiée dans l’entretien :

En tout cas, j’espère que ça va fonctionner pour un bout de temps [d’avoir ma garderie à la maison], mais je veux dire, trouver un emploi, ce n’est pas facile quand tu es diabétique, parce qu’ils ne veulent pas te prendre parce que tu as un surplus de poids, ton apparence au magasin… Tu n’as pas de secondaire 5, ils te foutent dehors.

Il semble ainsi que cette information contribue en quelque sorte à ne pas considérer immédiatement un retour dans le marché du travail dans un emploi salarié ou un retour aux études. Dans ce sens, on peut penser que cette information lui permet de valider (ou conforter) son choix de trajectoire professionnelle dans un travail autonome plutôt que salarié (qui impliquerait un retour sur le marché du travail ou un retour aux études). Comme elle le souligne : « Ma garderie, je suis fière de ça. […]. Non [je ne ferai pas de retour aux études]. Je suis bien avec ma garderie à la maison. ». Ainsi, sans pouvoir en conclure, on peut penser que bien que son projet soit déjà réalisé au moment de l’entretien, cette validation de trajectoire professionnelle vient plutôt contribuer à son maintien en emploi.