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États des lieux des différents domaines sollicités par notre étude

2.3 Spécificités du présentiel

Les spécificités du présentiel se situent sans aucun doute dans la mise en place d'une relation particulière entre le rééducateur et son patient. Cette relation permet l'installation d'une dynamique de changement sans laquelle le processus thérapeutique ne peut se mettre en œuvre.

2.3.1 Le cadre thérapeutique

Selon Baron (2010), le cadre orthophonique constitue un « espace de confidences, un espace de travail lié à un handicap et des souffrances, lieu de chaleur et de valorisation ».

Mucchielli (2014) décrit les différentes variables du cadre lors de la relation clinique et notamment les variables « extérieures » d’espace-temps et de cadre social particulièrement intéressantes lors de l'étude d'un dispositif de rééducation à distance.

• Le temps : moment choisi pour l’entretien et le laps de temps consacré à celui-ci.

• Les conditions spatiales : Le lieu (où se déroule l’entretien) et Les positions spatiales respectives des interlocuteurs dans un entretien de face à face, « il est essentiel que la disposition favorise l’impression d’égalité des personnes et de coopération ».

• Le cadre décor et le cadre socio-institutionnel : Le cadre « décor » (ou l’environnement) où se déroule l’entretien. La taille de la pièce et son ameublement peuvent affecter l’entretien de façon favorable ou défavorable..

Le patient doit savoir « à qui il s’adresse » et pouvoir situer le thérapeute « dans ses références institutionnelles exactes » (Mucchielli, 2014, pp.36-37).

Selon Deshays (2013), « cela va constituer des repères pour le patient, contribuer à créer un climat rassurant, connu et prévisible, permettre de déjouer les malentendus, amener une dynamique relationnelle et faciliter la confiance. »

2.3.2 Le contrat thérapeutique

Le contrat rééducatif s'entend par un « engagement mutuel entre le client ou ses représentants et le thérapeute à œuvrer ensemble pour obtenir un état désiré défini en termes positifs, opérationnels » (Estienne, 2004, p.24).

Le contrat passé entre le professionnel et son patient va constituer la clé de voûte du travail d’aide. « Il faudra d’abord recueillir le consentement de la personne puis définir ensemble les objectifs de la prise en charge. Chacun va ensuite s’engager à faire sa part pour que la relation soit fructueuse » (Pont, 2011, p.40). Cependant, d’autres règles ne sont pas forcément mises en mots d’emblée par le praticien car elles sont parfois implicites. Il s’agit de la « déontologie, du secret professionnel, des règles socioculturelles, du respect de la personne physique du thérapeute » (Pont, 2011, p.40).

2.3.3 L'alliance thérapeutique

Il est généralement admis qu’une bonne relation patient/thérapeute constitue la clef d’une rééducation réussie. Pour le praticien, la difficulté permanente est de maintenir l’équilibre entre professionnalisme et empathie.

Employé pour la première fois par Sigmund Freud, en 1913, ce terme mettait en lumière l’importance d’une alliance forte entre un patient et son thérapeute. Elle s’avère en effet indispensable dans le cadre d’une psychothérapie. Elle est très aussi utile pour toute démarche soignante, et notamment dans le cadre de la rééducation.

Lors de la rencontre de deux personnes, quel que soit le contexte, les facteurs relationnels sont primordiaux. Chacun a besoin de connaître l'autre, afin de définir de quelle manière se comporter. La méfiance, la confiance, la séduction sont des exemples de ce phénomène normal et utile. La rééducation et la thérapie n’échappent pas à cette règle. Un rapport collaboratif consiste à passer de ce type relationnel, dans lequel les facteurs interindividuels sont prédominants, à un autre type dans

lequel patient et soignant travaillent ensemble pour résoudre les problèmes posés dans la rééducation.

L’alliance thérapeutique désigne la collaboration entre le patient et l'orthophoniste et non pas uniquement la relation avec le patient.

L’alliance thérapeutique implique quatre points fondamentaux :

1. la négociation (pour créer un consensus sur la forme et le cadre rééducatifs envisagés) 2. la mutualité (pour agir ensemble et se coordonner avec le médecin et le patient)

3. la confiance (pour lever les préjugés et toutes les résistances liées à la rééducation proposée par l'orthophoniste et à la méthodologie utilisée)

4. l’acceptation plus ou moins implicite d’influencer (pour le rééducateur) et de se laisser influencer (pour le patient).

D’un point de vue général, les paramètres impliqués dans le développement de l’alliance thérapeutique sont nombreux. Parmi ceux-ci, on distingue :

1. les caractéristiques du patient, 2. les caractéristiques du thérapeute,

3. les échanges intersubjectifs entre le patient et l'orthophoniste, 4. la méthodologie utilisée par l'orthophoniste.

2.3.4 Le soutien

D'après Dr. B. Lapeyronnie, « Le soutien est un support du processus thérapeutique, à l’initiative du thérapeute, pour que le patient puisse par lui-même faire un pas de plus. On peut ainsi distinguer deux modalités qui sont parfois confondues et aussi entremêlées : soutenir le processus rééducatif et utiliser plus spécifiquement ce que l’on appelle des techniques de soutien. Les techniques ayant pour but général de soutenir le processus rééducatif à l’œuvre ne sont pas forcément répertoriées

dans les techniques dites de soutien, mais se réfèrent à la méthodologie et à la théorie de l'orthophoniste. » (1995, p 69)

2.3.4.1 Le soutien du processus rééducatif

Soutenir le processus rééducatif en cours consiste à instaurer une relation de soutien, c’est-à-dire un climat de sécurité afin de créer les conditions de confiance pour que le patient puisse affronter ses problèmes de fonctionnement. Cette relation de soutien est caractérisée par l’acceptation (absence de jugements de valeur), le respect, l’intérêt du thérapeute envers son patient. Il ne s’agit en aucun cas de condescendance. Il est logique qu’en début de rééducation le patient ait une certaine réserve ; la confiance n’est pas implicite, mais va se créer dans la rencontre thérapeutique.

Soutenir le processus thérapeutique, c’est instaurer une alliance thérapeutique de qualité, dont on sait aujourd’hui l’importance sur le résultat de la rééducation. L’alliance thérapeutique correspond à la façon dont le patient perçoit que sa relation avec son rééducateur l’aide à atteindre les objectifs de sa rééducation. Elle est aussi, dans une deuxième acception du terme, la collaboration de travail patient-thérapeute. Selon Luborsky (1996, p72), le thérapeute contribue à cette alliance à partir de trois facteurs qui sont fondés sur la structure même de la thérapie :

- Les conditions de traitement sont en eux-mêmes un facteur de soutien par le cadre créé. C’est par exemple la régularité des rendez-vous, l’engagement du thérapeute à aider le patient.

- L’attitude de compréhension bienveillante du thérapeute

- Le thérapeute correspond à l’image que le patient se fait d’une personne en qui il peut avoir confiance, sur qui il peut compter.

Cette alliance a parfois besoin d’être facilitée ou renforcée. Ainsi, une étude menée par J.N. Desplands et al. (2001, p 155-164) montre que la qualité de l’alliance thérapeutique dans les rééducations peut dépendre de l’ajustement du thérapeute au niveau défensif de son patient. Ce ne sont donc ni les techniques de soutien, ni les techniques exploratoires qui sont a priori adéquates à la qualité de l’alliance. De même, ce n’est pas non plus l’existence d’un niveau défensif insuffisant qui ferait que l’alliance serait forcément faible ni que des techniques de soutien devraient être

utilisées seules. La capacité d’ajustement du thérapeute à son patient serait donc un facteur très important.

Soutenir le processus thérapeutique peut se faire de manière imperceptible pour le patient. Par exemple, le silence du thérapeute à un moment donné, peut être le moyen idéal pour soutenir le processus d’élaboration du patient, comme un simple « Hum » d’ailleurs. L’humour, lorsqu’il est possible (et qui n’est pas une plaisanterie aux dépens du patient), peut avoir une fonction de soutien dans l’élaboration d’un événement difficile à penser.

2.3.4.2 Les techniques de soutien Le thérapeute doit se poser trois questions : - En quoi le patient a-t-il besoin de soutien ? - Comment apporter ce soutien ?

- À quel moment ce soutien est-il nécessaire et pour combien de temps ?

Les patients peuvent avoir besoin d’être plus particulièrement soutenus dans leur estime d’eux-mêmes, dans leur sens des réalités, dans l’affirmation de leur désir, dans la diminution d’une conscience auto-jugeante excessive, dans le processus d'apprentissage.

Des techniques de soutien spécifiques sont alors utilisées. Voici celles qui sont répertoriées par G. O. Gabbard (2002, p69):

- Les encouragements à élaborer : Il s’agit de soutenir le patient dans la pensée de son expérience. Le soutien est alors un soutien à « oser penser ».

- La validation empathique : le thérapeute doit montrer au patient qu'il le comprend, c’est-à-dire qu'il comprend son état émotionnel ou interne de l’expérience en cours ou de l’expérience narrée. Cette validation empathique permet parfois au patient de ressentir une émotion qui était jusqu’alors impossible, car non validée par un autre. Cela peut aussi prendre la forme d’une intervention affirmative, c’est-à-dire selon Killingmo (1995, p. 503-518.) « une communication qui enlève le doute sur l’expérience de réalité et par conséquent rétablit un sentiment d’identité. »

- Les interventions de psychoéducation : elles ont pour but d’enseigner au patient des informations que le thérapeute a accumulées au cours de son expérience professionnelle.

- Les conseils : le thérapeute peut être amené à donner son avis sur un sujet qui préoccupe le patient. Ces conseils sont à manier avec précaution. Ils peuvent être nécessaires dans certaines situations très particulières où la personne a momentanément l’impossibilité de s’orienter de manière autonome. Le thérapeute, s’il utilise avec parcimonie les conseils, sait qu’il s’agit de conduire le patient à penser par lui-même et à faire ses propres choix de vie.

- Les compliments : le thérapeute félicite le patient sur un comportement ou une attitude positive ou constructive afin de renforcer le patient à poursuivre dans un effort. Le thérapeute peut aussi souligner au patient les progrès réalisés vers l’atteinte de ses objectifs.

Très souvent, la réassurance comme technique de soutien est citée dans la littérature. Depuis les premiers écrits de R.P. Knight (1949), cette technique est donnée comme la technique de base du traitement de soutien.

Utiliser des techniques de soutien se conçoit parmi d'autres techniques et sur une durée déterminée de la rééducation.

La question du soutien est une question technique intéressante dans la prise en charge de patients. Comme le rappelle Barber (2001, p165-172), il est parfois difficile de faire la distinction entre une technique de soutien et l’objectif de soutien d’une intervention.

H. Schlesinger (2000) préconise de ne jamais oublier que la technique est du soutien seulement si le patient la perçoit comme telle.

2.3.5 Les techniques rééducatives

Les techniques de rééducations sont très variées et spécifiques au trouble pris en charge. Elles constituent le savoir-faire technique de l'orthophoniste.

Il est à noter que ces techniques restent des outils mais que l'aspect relationnel est primordial dans la réussite d'une rééducation.

2.3.6 Conclusion:

La principale caractéristique de l'orthophonie en présentiel est donc la mise en place d'un processus thérapeutique reposant sur l'instauration de l'alliance thérapeutique. La rééducation orthophonique entre dans le domaine du soin à la personne et, dans ce cadre, nécessite l'instauration d'une relation de confiance permettant l'installation du processus de changement ainsi que son maintien dans la durée et dans le temps.

Envisager un dispositif de rééducation à distance ne peut donc se concevoir sans envisager de fournir les outils nécessaires à l'instauration de cette alliance thérapeutique qui reste le levier de la dynamique de changement.

3 LES THÉORIES DE L'APPRENTISSAGE EXPLOITÉES EN FOAD

Un dispositif FOAD permet, s’il a été correctement conçu, une plus grande efficacité pédagogique. Cette efficacité est, à notre sens, un des paramètres qui permettra d'engager un contrat thérapeutique rassurant pour le patient, et amener un engagement dans le processus de la rééducation.

Certes, selon Boussageon et al. (2006), l’effet thérapeutique du « remède médecin » est attribué à la qualité de la relation soignant-soigné par l’intermédiaire de l’empathie, la réassurance, l’attention portée au patient, l’écoute active, l’explication, l’encouragement, l’attitude chaleureuse et authentique et la conviction dans l’efficacité du traitement. Des études ont montré que la satisfaction du patient était liée à la relation avec le médecin. Ces travaux se sont attachés à démontrer que « si la relation médecin-patient influait sur la satisfaction du patient, elle conditionnait aussi l’efficacité thérapeutique » (Tétart, 2014, p.16). Cette alliance thérapeutique sera transposable en rééducation synchrone.

Une des caractéristiques de l'alliance thérapeutique est la relation d'aide. Cette relation d'aide est une forme d'intercommunication où se crée un pont entre l'orthophoniste et son patient qui fait de leurs deux personnalités un Nous. Lors de la conception d'un dispositif de ROAD, l'objectif premier sera de donner vie à cette relation d'aide, en synchrone mais également en asynchrone. La rééducation asynchrone passe par une réflexion sur la conception psychopédagogique du dispositif afin de maintenir ce « pont » et conserver l'efficience du Nous. L'interrelation consistera alors pour le patient à trouver une assistance visant un meilleur épanouissement de ses potentialités psychiques, cognitives et sociales. Un versant de la relation d'aide est donc psychopédagogique. L'orthophoniste, au travers de la réflexion pédagogique, doit pouvoir comprendre le problème dans les termes où il se pose pour tel individu singulier dans son existence singulière et l'accompagner pour l'aider à évoluer personnellement dans le sens d'une meilleure adaptation sociale (Mucchielli, 2014, p.17). Cette posture réflexive constitue en soi une relation créée par le thérapeute. L'objectif est ainsi d'imaginer et de construire un environnement où le patient pourra chercher plus efficacement la solution de son problème.

Une fois encore, de par son expérience historique de la distance, l'enseignement à distance est une source d'enseignement inestimable pour la conception d'un dispositif à distance. Les recherches en FOAD ont permis de mettre au point des dispositifs pertinents et efficaces basés sur des recherches dans le domaine des apprentissages et il est important, dans l'optique de notre sujet, d'y puiser des connaissances.

Les théories et principes pédagogiques les plus incontournables tels ceux de Thorndike (loi de l’effet et loi de l’exercice), de Dewey (l’apprentissage par l’action), de Piaget (la construction du savoir), de Vygotsky (l’apprentissage comme processus socio-interactif), sont appliqués plus facilement et surtout plus fréquemment dans les dispositifs de FOAD.