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États des lieux des différents domaines sollicités par notre étude

6.3 La télé-orthophonie à des fins d’évaluation et d’intervention

Quatre études comparant l’évaluation effectuée en personne à celle réalisée à distance auprès d’adultes présentant des troubles variés de la parole d’origine neurologique ont été recensées. De manière générale, ces études concluent que l’évaluation en personne conduit à des résultats semblables à celle à distance. Plus particulièrement, l’étude de Wertz et al. (1992) démontre que l’évaluation à distance mène, dans 93 à 94 % des cas, à la même conclusion orthophonique que celle pratiquée en personne. Theodoros et al. (2003) en arrivent à une conclusion semblable en regard de la sévérité générale décelée à distance et en personne (accord de 90 %). Les cliniciens participant à l’étude de Duffy et al. (1997), pour leur part, parviennent à localiser le site de la lésion neurologique par leurs observations de la parole faites à distance et les résultats concordent avec le diagnostic médical. Finalement, l’étude de Guilfoyle et al. (2003), laquelle ne mentionne pas spécifiquement les problématiques évaluées, conclut, à partir des plans de thérapie produits, que l’évaluation à distance est suffisamment fiable pour être utilisée.

Deux études portant sur l’utilisation de la télé-orthophonie pour évaluer des personnes bègues ont également été recensées. Ainsi, selon Duffy et al. (1997) et Sicotte et al. (2003), il apparaît que l’évaluation de ce trouble de la parole peut être menée efficacement à distance, par visioconférence. L’étude de Sicotte et al. comportait aussi un volet sur l’utilisation de la orthophonie pour des cas de dysphasie. Les auteurs en arrivent à la conclusion que la télé-orthophonie est un excellent moyen à utiliser pour obtenir une contre-expertise, prenant la forme d’une co-évaluation. Il semble toutefois que l’utilisation de la visioconférence ne soit pas toujours fiable pour évaluer des paramètres fins tels que des paramètres vocaux, et ce, en raison de la faible qualité de l’image et du son.

L’efficacité de la télé-orthophonie à des fins d’intervention varie selon les patientèles et les troubles présentés. Ainsi, la télé-orthophonie s’avère un moyen efficace pour effectuer des contrôles, suite aux conseils que les patients ont reçus en participant à des thérapies traditionnelles, soit en présence du thérapeute. Dans certains cas, – par exemple, lorsque les patients sont autonomes dans leur apprentissage et présentent des problématiques très circonscrites, nécessitant plus de pratique que d’explication – les conseils peuvent même être donnés directement par visioconférence, sans que le patient n’ait été suivi auparavant.

Un suivi complet offert à distance par visioconférence peut s’avérer efficace pour certains troubles du langage ainsi que pour certaines patientèles.

Les résultats du projet mené auprès de jeunes bègues, rapporté dans l’étude de Sicotte et al., et par V. Aumont-Boucaud abondent dans le même sens : tous les participants ont vu leur fréquence de bégaiement diminuer, et ce, avec une diminution moyenne de 52 %. Cette même étude arrive toutefois à la conclusion qu’une thérapie pour la dysphasie est difficilement réalisable par visioconférence, étant donné les difficultés de compréhension et de comportement associés. Enfin, des avantages peuvent être tirés de l’intervention à distance pour une clientèle de jeunes sourds et malentendants (C. Mercier, juin 2005).

Bien que la télé-orthophonie puisse être utilisée à des fins d’évaluation et d’intervention, certaines problématiques et patientèles se prêtent mieux à l’interaction à distance – par exemple, lorsqu’il s’agit de collecter des données objectives comme dans le cas de l’évaluation du bégaiement où il faut calculer la fréquence des dysfluidités. Cependant, il est plus difficile d’utiliser

la télé-orthophonie auprès d’enfants présentant des problèmes de compréhension ou de comportement, où aucun contact physique n’est possible. De même, certains patients présentant des problèmes langagiers ou cognitifs éprouvent parfois des difficultés à comprendre le processus interactionnel à travers les moniteurs, rendant la tâche plus ardue.

Par ailleurs, les conclusions orthophoniques se basant sur un plus grand nombre de données, recueillies par plusieurs tâches d’évaluation, ont une plus grande probabilité d’aller dans le même sens, et ce, peu importe que l’évaluation ait été faite en personne ou à distance. Le risque d’erreur est moins grand, les quelques différences de performance dues aux difficultés techniques étant dissoutes par la masse d’information. Ainsi, selon chaque situation, avec leurs propres caractéristiques, certaines évaluations et interventions peuvent se faire de façon fiable à distance alors que d’autres auront avantage à être menées en présence du patient.

A. Lanaud (2016) souligne toutefois que l’informatisation apporterait une rigueur et une reproductibilité que l’on ne retrouve pas dans les tâches « papier-crayon » lors de la passation des tests. Ainsi, tous les sujets bénéficient des mêmes conditions (standardisation de la présentation des items) de passation. (Raguénès, 2011). Le biais que peut constituer le calcul des temps de réaction par des examinateurs différents (Le Gall et coll., 2001), un examinateur pouvant être plus réactif qu’un autre, peut être contourné lorsque la réponse du sujet est produite par lui-même : soit par un système de bouton réponse ou par un programme utilisant les réalités virtuelles (Marin-Curtoud et coll., 2010). Enfin, l’automatisation du calcul des notes et de l'élaboration des profils permet au praticien de se concentrer sur l'observation qualitative en cours de passation (ECPA).

Les tests informatisés présentent donc plusieurs avantages : les conditions de passation sont homogènes et contrôlées, la cotation est facilitée et les résultats peuvent être analysés directement. Cela offre aux orthophonistes un gain de temps dans l’interprétation des résultats, ainsi qu’une analyse plus fine et plus précise (Barre et coll., 2014).

Pernon et al (2016) montrent que l'informatisation permet une évaluation rapide et mieux contrôlée, en permettant l'élaboration d'outils pointus et sensibles. Leur protocole en cours de validation, MonPaGE, vise à tester les différents aspects de la production de la parole, dans différentes situations de production. L'informatisation a permis notamment de prendre en compte les différentes variantes régionales.