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Soutien post-adoption

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC MÉMOIRE PRÉSENTÉ À (Page 147-151)

CHAPITRE 7 : CONCLUSION

7.2 Pistes d’améliorations pour la pratique

7.2.2 Soutien post-adoption

Il est de plus en plus reconnu que le fait que l’enfant soit adopté ne fait pas disparaître les impacts des différents traumatismes qu’il a vécus. Pourtant, cette reconnaissance n’a pas pour autant permis l’établissement de services de soutien spécifiques pour les familles adoptives. Nous relevons ici que les participantes ont exprimé avoir l’impression qu’aux yeux de plusieurs intervenants, parce que l’enfant est placé dans une famille ayant les ressources nécessaires, les difficultés de l’enfant ne nécessiteront pas une aide spécialisée et les parents pourront s’adresser au réseau public, comme les autres

parents. Pourtant, certains de ces enfants ont des besoins plus grands que ceux des enfants de la population générale. D’abord, il nous semble important de mettre à l’avant le fait que pour la majorité des enfants présentant un trauma complexe, les difficultés vécues dans toutes leurs sphères de développement sont comme un handicap invisible. De ce fait, il peut être difficile pour n’importe quel adulte d’imaginer que ce bagage pourra entraîner des séquelles aussi lourdes. Il importe donc de changer les mentalités face à ces enfants et cesser d’idéaliser l’adoption en pensant qu’avec de bons parents et beaucoup d’amour, tout rentrera dans l’ordre. En effet, pour réussir à évoluer et d’atteindre son plein potentiel, les enfants, comme ceux de notre échantillon, ont besoin autour d’eux d’une équipe de soin composée de professionnels formés aux enjeux d’adoption et de trauma complexe ET des parents adoptifs aimants et eux-mêmes soutenus.

Les participantes ont aussi exprimé que la relation avec les intervenants de la DPJ était rarement vécue comme égalitaire. Elles ont exprimé l’importance, pour tous les intervenants au dossier, de travailler en équipe avec les parents, pour le mieux-être de l’enfant. De ce fait, il semble primordial que les intervenants transforment leur regard clinique face aux parents adoptifs, afin de les voir comme leurs co-équipiers, et les soutenir dans leur vulnérabilité plutôt que les tenir responsables des difficultés. Qu’ils transforment aussi leur conception de l’adoption et des besoins réels des enfants adoptés, car bien qu’ils soient en plus petit nombre dans la société, ils sont surreprésentés dans les services sociaux (Cardona, 2007) et il faut s’assurer qu’on leur prodigue les services spécialisés dont ils ont besoin, par des personnes compétentes.

Parlons maintenant du contexte dans lequel les parents vont chercher de l’aide.

Dans leur recension, Chateauneuf et Lessard (2015) avancent que l’hésitation à aller chercher de l’aide de la part des parents Banque-mixte puisse être liée au fait qu’ils ont peur de se faire enlever l’enfant par les CJ ou de se sentir jugés par les intervenants. À cela s’ajoute le fait que les jeunes adoptés ayant un trauma complexe peuvent alléguer être victimes de violence de la part de leurs parents adoptifs, que cela soit fondé ou non, ce qui peut aussi faire hésiter les parents à demander de l’aide par peur d’être jugés pour quelque chose qu’ils n’ont pas fait. Pour Selwyn et Meakings (2016), les allégations faites par les

enfants adoptés soulèvent des questions très difficiles au niveau de la pratique. Elles démontrent l’importance d’accorder un suivi conjoint entre service post-adoption et suivi en protection de la jeunesse, de façon à avoir une idée claire de la situation, sans parti pris préalable. Cette vision plus claire de la situation demande aussi aux intervenants de développer un regard plus systémique dans le cas de ces familles, pour s’assurer une bonne lecture de la situation. Dans tous les cas, le contexte d’autorité ne favorise pas la demande d’aide. Pour pallier cet enjeu, il pourrait être judicieux de développer, à l’intérieur même des CISSS/CIUSSS, une voie d’accès à des services en adoption qui ne seraient pas sous la gouverne de la protection de la jeunesse. Ainsi, dès l’apparition des difficultés et même si l’adoption n’est pas encore prononcée, cela donnerait aux parents la liberté d’exprimer leurs difficultés, leurs besoins, dans un contexte empreint d’empathie et de non-jugement, sans crainte de se faire enlever l’enfant, comme l’ont exprimé certaines participantes. Les parents Banque-mixte doivent pouvoir entendre que, malgré qu’ils aient été évalués et approuvés en tant que postulants à l’adoption, cela ne veut pas dire qu’on s’attend d’eux qu’ils ne vivent aucune difficulté avec l’enfant.

Les intervenants du réseau, autant des services de première ligne que de la protection de la jeunesse, vivent tous avec une tension permanente de performance et un stress important (Fortier, 2010). Comme Lamothe et al. (2018) et Klinik Community Health Centre et al. (2013), nous pensons qu’il est aussi souhaitable que le réseau s’assure de prodiguer une aide et un suivi clinique à tous les intervenants travaillant au quotidien avec des familles traumatisées, afin de les protéger du trauma secondaire. Il serait aussi important de travailler au développement des habiletés empathiques, qui sont mises à mal par un contexte stressant. Comme de prendre soin du parent aide à prendre soin de l’enfant, prendre soin de l’intervenant l’aidera à prendre soin du parent et de l’enfant. La société en général a avantage à mettre de l’avant ces valeurs d’empathies.

De tous les impacts du trauma complexe présentés, le plus important est la manifestation de violence. La forme qu’elle prend, le moment où elle s’installe méritent vraiment qu’on s’y attarde de façon à mettre en place des mécanismes de détection pour y réagir adéquatement et rapidement. Il devrait être obligatoire que les parents postulants à

la Banque-mixte (et même pour être famille d’accueil) suivent différentes formations, tout au long de leur parcours parental, sur comment réagir à la violence pour éviter son escalade.

Aborder d’emblée cette problématique permettra aux parents de voir venir les signaux et d’agir promptement pour éviter que la situation ne dégénère. Non seulement la situation ponctuelle ne s’envenimera pas, mais le parent bien préparé pourra réagir à cette violence par des moyens permettant d’apaiser l’enfant et par le fait même, aidera au développement des liens d’attachement et de filiation. En plus d’aider les parents directement, ces formations permettraient aussi aux intervenants de mieux réagir quand ils sont témoins de telles situations, surtout en évitant de « blâmer les parents » pour sa survenue. Cela pourrait contribuer à diminuer la honte ressentie par les parents, de subir de tels assauts de la part de leur enfant et limiter la possibilité que l’enfant en vienne à prendre le pouvoir. Holt (2015) présente de nombreux programmes d’aide pour la violence chez les jeunes mais questionne le fait qu’aucun d’eux ne soit adapté à des jeunes ayant expérimenté un trauma complexe. Au contraire, ce sont des programmes établis pour des adultes et appliqués à des enfants, avec quelques modifications. Nous l’appuyons dans sa proposition que ces programmes soient développés spécifiquement pour des enfants pris en charge et adoptés ; évalués auprès d’eux ; car s’ils ne sont pas adaptés, ils peuvent entraîner des dommages si on les applique à des jeunes en si bas âge.

Dès lors, il est essentiel d’assurer des services de qualité aux familles puisqu’un système pauvre en ressources augmente le risque de développer un trauma secondaire (Perry, 2014). Dans un monde idéal, il faudrait s’assurer qu’il y ait, dans toutes les régions, des professionnels compétents, c’est-à-dire sensibles aux enjeux de l’adoption, capables de soutenir les parents adoptifs, particulièrement ceux dont le quotidien est aride avec l’enfant.

Établir ces services en amont, soit dès que le placement a lieu et jusqu’à la majorité du jeune, serait déterminant (Cardona, 2007). Cela pourrait atténuer le risque que les parents n’expérimentent le sentiment d’être inadéquats (Follan & Mcnamara, 2014). Puisque les personnes souffrant d’un trauma de filiation ont tendance à s’isoler, offrir ce service d’emblée, et non attendre que les parents le demandent, serait un facteur de protection.

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC MÉMOIRE PRÉSENTÉ À (Page 147-151)