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Quels remèdes à cette souffrance ?

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC MÉMOIRE PRÉSENTÉ À (Page 137-141)

CHAPITRE 6 : DISCUSSION

6.3 Quels remèdes à cette souffrance ?

Les participantes de la présente étude ont rapporté vivre des émotions très intenses, avoir de nouveaux problèmes de santé physique et mentale tels que rattachés au trauma secondaire. Elles ont aussi raconté subir une violence inouïe, vivre des difficultés relationnelles avec l’enfant et une très grande souffrance.

Face aux difficultés vécues par les participantes de notre étude, il n’est pas surprenant qu’elles aient multiplié les demandes d’aide. Malheureusement, l’aide recherchée et obtenue n’a pas été celle attendue et a laissé les participantes dans un sentiment d’impuissance contribuant probablement à leur trauma secondaire. L’enjeu crucial concernant l’aide se rapporte au fait que les parents sont traumatisés et que souvent,

ils ne le savent même pas. Les parents rencontrés sont épuisés, avec un lourd sentiment d’impuissance, de culpabilité et une réserve d’énergie presqu’au point mort. Ils sont en mode survie. Les propos des participantes rencontrées nous portent à croire que les méthodes d’interventions ne tiennent pas compte de la grande détresse dans laquelle elles sont et leur profonde souffrance. Au contraire, le fait qu’on puisse les croire en mesure d’agir et d’intervenir auprès de l’enfant, et qu’on les culpabilise quand elles ne le font pas, nous porte à croire que les intervenants eux-mêmes ne connaissent probablement pas les symptômes du trauma secondaire. Les intervenants eux-mêmes ne savent pas qu’ils sont devant des parents traumatisés, vulnérables. Ce qui nous porte à suggérer que pour que l’intervention soit efficace on doit prendre soin du parent, afin qu’il puisse ensuite aider son enfant. À nouveau, tel que le mentionne Marinopoulos (2017) : « Plus le parent sera accueilli et entendu, plus il saura à son tour accueillir son enfant » (p.160).

Lorsque questionnées sur ce qui les avaient motivées à demander de l’aide, les participantes ont toutes nommé d’emblée que c’était pour les difficultés de leur enfant, même si certaines participantes ont aussi consulté pour elles-mêmes après un certain temps.

Comme dans la recherche de Molinari et Freeborn (2006), la souffrance a été un puissant moteur d’action pour nos participantes, elles voulaient que cette souffrance cesse. Le manque de ressources personnelles face à la situation les a aussi poussées à consulter pour pouvoir augmenter leur sentiment de compétence. Enfin, les participantes se sont tournées vers leur réseau informel pour obtenir de l’aide, mais face à l’ampleur des difficultés, celui-ci n’a pas pu leur offrir assez de soutien. Elles ont dû aller vers les services formels, mais contrairement à la recherche précitée, les services obtenus n’ont pas été satisfaisants. Il est important de mette en lumière le fait que l’entièreté des participantes ont dit ne pas avoir obtenu l’aide dont elles avaient besoin. Elles ont exprimé avoir cogné à d’innombrables portes, avoir le sentiment d’en connaître plus que l’intervenant consulté, vivre difficilement la relation d’aide avec des intervenantes sans enfants ou à bout de ressources. Elles ont dit avoir le sentiment de devoir se battre sans cesse pour obtenir des services quand les difficultés vécues sont déjà épuisantes en elles-mêmes. Enfin, elles ont dit ne pas se sentir prises au sérieux, devoir faire face sans cesse à des regards désapprobateurs, se sentir tenues responsables de la situation de la part des intervenants. Ces propos ressortent de plusieurs

autres recherches précitées (Follan & Mcnamara, 2014; Holt, 2015; Molinari & Freeborn, 2006; Vasquez & Stensland, 2016).

Tout comme Cairns (2008) l’exprime, la présente recherche, montre l’importance de former aux enjeux de l’adoption, de l’attachement, du trauma complexe, du trauma secondaire et de filiation, tous les professionnels qui sont susceptibles d’intervenir auprès des parents adoptifs. Comme les participantes l’ont exprimé, ces enjeux étaient rarement maîtrisés par les intervenants auprès desquels elles ont cherché de l’aide. Duboc (2008) ainsi que Molinari et Freeborn (2006) avancent même que ce manque de compétence entraîne souvent l’hésitation des parents à demander de l’aide. Ces auteurs ajoutent que les parents d’enfants ayant des problématiques comportementales et neurologiques, comparativement aux familles dont les enfants ne présentent pas ces problématiques, ont plus de mal à se trouver des ressources et ont un niveau de stress supérieur, ce qu’ont confirmé nos participantes. Pour Molinari et Freeborn (2006), le manque de soutien pour les familles adoptives peut rendre le parent plus vulnérable au développement d’un trauma secondaire, à l’abus des enfants, au divorce ou à l’échec de l’adoption. Dans le cas de nos participantes, les expériences difficiles couplées au manque de soutien ont conduit à un divorce et cinq placements hors du foyer familial, mais pas à des ruptures d’adoption. Il est difficile d’expliquer, à partir des entretiens réalisés, ce qui fait que tous les parents rencontrés expriment ne pas vivre d’échec d’adoption, surtout dans le cas des enfants placés. On pourrait considérer l’influence des valeurs morales, familiales, sociales des parents. Il est aussi possible que ces parents aient réussi à développer un sentiment de filiation assez fort envers leur enfant et se sentent engagés vis-à-vis de lui.

Figley (1995) dit que les meilleurs intervenants sont ceux qui présentent le plus d’empathie mais ceci les met directement à risque de développer eux-mêmes un trauma secondaire. Entendre des récits aussi souffrants peut devenir une charge lourde à porter.

Dès lors, il est possible que la tendance qu’ont les intervenants à responsabiliser les parents, selon les participantes, soit aussi une façon de se protéger devant autant de détresse.

L’importante charge de travail des intervenants générée par la nouvelle gestion publique peut aussi expliquer l’usure qui s’ajoute à leur réalité et, tout en étant empathiques, ils

deviennent doublement à risque de développer un trauma secondaire. Face à des situations qui sont très difficiles et sans formation à tous les enjeux liés à l’adoption, ils peuvent aussi vivre un sentiment d’impuissance. Toutes ces raisons peuvent expliquer pourquoi il devient difficile, à la longue, de garder l’empathie à son maximum pour n’importe lequel d’entre eux. Ces hypothèses démontrent l’importance de former les intervenants à se protéger eux-mêmes du trauma secondaire. Cela motive encore plus à développer l’empathie des intervenants.

6.4 Croissance post-traumatique

Des histoires douloureuses ont soutenu les propos de toute la présente recherche.

Par contre, il nous semblait important de faire ressortir qu’au travers de tous ces traumas, une lueur d’espoir demeure et qu’il est possible de vivre une croissance post-traumatique (Tedeschi et Calhoun, 2004, cités dans Lindstrom et al., 2013). Comme l’ont ressorti Lindstrom et al. (2013), de nombreux changements positifs peuvent émerger de l’expérience, ce que plusieurs des participantes à notre étude ont reconnu. Elles disent avoir changé intérieurement, devenant plus présentes aux autres, plus respectueuses, plus empathiques. Certaines ont admis vouloir travailler à aider d’autres parents adoptifs et à permettre l’évolution des mentalités face à la parentalité adoptive. Quelques-unes ont fait une réorientation de carrière ou de leurs objectifs de vie. Enfin, elles ont aussi parlé du développement d’une force intérieure nouvelle. Certaines ont même dit vivre un approfondissement spirituel. Ainsi, le trauma complexe qui, tel une pierre lancée à l’eau, crée des ondes formant des vagues, peut malgré tout, permettre un jour à des gens de voguer sur l’eau, et d’avancer.

Dans le document UNIVERSITÉ DU QUÉBEC MÉMOIRE PRÉSENTÉ À (Page 137-141)