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Services pour les parents

CHAPITRE 5 : LA PAROLE AUX PARENTS ADOPTIFS BANQUE-MIXTE

5.10 Quand cogner à plusieurs portes n’entraîne pas l’aide espérée

5.10.3 Services pour les parents

Plusieurs parlent de l’aide qu’elles ont cherché pour elles-mêmes quand la situation était vraiment très difficile. Elles ont donc consulté psychologues, travailleuses sociales, médecins, ostéopathes, organismes communautaires, groupes de pairs. L’une d’elle reconnaît qu’elle vit des choses très importantes et que si elle ne travaille pas à son propre mieux-être, son enfant sera le premier à en souffrir. Elle identifie que son état influence grandement celui de son fils. « Bien oui, évidemment, je vivais des choses difficiles il y a 2 ans, donc c’est clair que si je ne suis pas apte à l’aider puis à l’écouter, il va réagir. » (Parent 5).

Certaines ne voient pas l’utilité d’aller consulter spécifiquement pour elles-mêmes avançant avoir déjà bénéficié de services par l’entremise de ceux de leurs enfants, les conseils et l’écoute leur permettant de ventiler: « Puis de toute façon, la façon dont elle parle avec moi, je trouve que c’est plus de l’aide pour moi que pour mon gars. » (Parent 5).

Ainsi, elles se satisfont de cette aide indirecte. Une autre est allée rencontrer une travailleuse sociale et n’a pas reçu un accueil lui donnant envie de poursuivre : « Oui. Il y

a deux ans, je suis allée. Puis finalement bien, je me suis fait dire peut-être que je radotais.

Fait que j’ai dit, ok, je vais aller radoter ailleurs. » (Parent 7). Elle n’est pas retournée consulter pour elle ensuite. Face à des expériences de consultation difficiles, les parents finissent par avoir envie de lâcher ou abandonnent leur suivi, tout simplement. Certaines participantes vont jusqu’à dire que l’aide obtenue est nuisible pour leur propre santé mentale. Par exemple, pour la participante suivante, le contexte de consultation lui créait une trop grande anxiété.

Puis quand elle consultait avec ma fille, il fallait que je la laisse dans la salle d’attente, puis elle était hyper anxieuse. Je lui donne mon téléphone, ce que je ne faisais jamais. Je comprenais pas comment qu’une spécialiste me mettait en état d’anxiété aussi grave… M’obliger à laisser ma fille toute seule, dans un milieu inconnu avec des étrangers, pas de surveillance. Puis là, j’étais comme désemparée, puis j’ai dit… Puis à ce moment-là, j’ai dit :

« Non, non, rien ne va plus! On ne fait plus ça là! » (Parent 7).

Enfin, certaines participantes sentent qu’elles devraient aller consulter mais n’arrivent pas à identifier leurs propres besoins à cause de l’état de fatigue extrême dans lequel elles se trouvent. L’effort que ce processus demande leur semble au-delà de leurs capacités physiques et mentales actuelles, comme l’explique une participante :

On est dans un stade, parce que même nous-mêmes, on le sait même plus ce qui pourrait nous aider. On aimerait pouvoir se faire aider. Mais on n’est même pas capable de le dire ! On est tellement épuisé ! On est tellement fatigué, on est tellement dans notre routine puis dans nos affaires qu’on le sait même plus ce qui nous aiderait ! Même plus … On trouve même plus ce qui pourrait nous aider, nous apporter quelque chose de bien. Je trouve que c’est ça le plus difficile de … Tsé, si quelqu’un me demande : « C’est quoi que t’as besoin ? », je le sais pas (Parent 8).

Elles sont toutes capables de nommer des moyens pour prendre soin d’elles-mêmes.

Certaines ont choisi de faire du sport pour lâcher prise ou garder l’énergie et se sentir mieux. L’une d’elles a même décidé de s’entraîner pour être plus forte physiquement quand elle a à intervenir avec son fils de plus en plus costaud. D’autres ont choisi d’avoir des activités sociales pour elles-mêmes. Les participantes parlent à quelqu'un en qui elles ont

confiance, dans leur réseau personnel ou à des professionnels en relation d’aide comme en suivi médical. Deux participantes parlent de l’importance de prendre soin du couple pour pouvoir poursuivre. Certaines ont essayé des thérapies alternatives, comme la réflexologie ou la thérapie énergétique ou ont employé des produits naturels. Le yoga et la méditation semblent des moyens très appréciés par quelques participantes pour améliorer leur bien-être. Une participante évite maintenant les réseaux sociaux où l’on voit le monde avec des lunettes roses, ce qui la rend morose. D’autres parlent du rire comme d’un moyen de rester en lien avec ce qu’il y a de beau dans la vie. « Les filles au travail me faisaient rire, fait qu’il y avait une période de temps où est-ce que j’étais moi. Une fille enjouée, avec le sens de l’humour. » (Parent 3). Prendre soin d’elles veut aussi dire de travailler à devenir de

« meilleurs parents » selon elles. Ainsi, elles ont fait de nombreuses lectures, des recherches en ligne ou ont suivi des formations pour changer leurs types d'interventions.

« C’était vraiment, qu’est-ce que je peux faire pour l’aider, lui, à se sentir bien. […] Mais des trucs pour moi aussi, pour m’aider à mieux comprendre certaines affaires. » (Parent 2).

Certaines se sont intégrées à des groupes d’entraide dont l’appréciation n’est pas égale. Celles qui ont aimé y ont trouvé une intervenante à qui parler, ce qui les a soulagées fortement ou des parents qui vivent la même réalité, avec qui ils ont pu partager leurs défis et inquiétudes, sans jugement. En plus, elles ont pu y suivre des formations pour mieux comprendre leur enfant. Enfin, elles ont eu la possibilité de développer un réseau de soutien parmi les membres d’un groupe, ce qui est fort utile pour celles dont la famille immédiate est souvent absente. D’autres participantes expriment la difficulté de participer à ces groupes parce qu’elles ont l’impression de n’entendre que des choses difficiles.

Mais le problème avec ça […] c’est que des fois, ça fait du bien de parler devant les autres, puis de se libérer de tout ça, puis… Puis des fois, c’est fatiguant. […] Des fois, ça vient me chercher puis j’en ai besoin. Puis des fois, non. […] Mais une fois par deux mois, peut-être que oui. Parce que c’est lourd, ça peut être lourd d’entendre pleurer tout le monde (Parent 5).

Enfin, des participantes ont parlé de répit offert par des organismes, des gardiennes ou des membres de la famille. Cette aide a été très appréciée permettant de ventiler ou d’avoir du temps avec le conjoint. L’une d’elle s’est bâti un réseau avec des gardiennes,

dont une était la chauffeuse privée de l’enfant qui l'accompagnait aux rendez-vous où elle n’avait pas à être présente. « Pis, s’il s’faisait expulser, souvent, elle avait pas de cours pendant la journée, fait que […] elle allait le chercher (rire), pis elle me le ramenait. » (Parent 1). D’autres auraient souhaité des services de répit spécialisés pour des enfants avec un trauma complexe car il n’en existe que pour les enfants avec une déficience intellectuelle ou un trouble du spectre de l’autisme. Pour ces participantes, les enfants avec ces différents diagnostics cohabitent difficilement ensemble car ils ont besoin d’interventions trop différentes. Ces services seraient offerts par des personnes compétentes qui respectent les règles de la famille et les besoins spécifiques de l’enfant. Ainsi, les parents n’auraient pas l’impression d’en avoir pour des jours, voire des semaines à ramener l’enfant dans sa routine quand ils s’offrent du répit. Une des participantes aurait aussi souhaité un service de gardiennage formé, pour de courtes périodes, même juste pour une heure, alléguant que c’est très difficile à trouver car de jeunes adolescents ne peuvent pas gérer des enfants comme les siens. Elle raconte même que sa gardienne qui termine sa deuxième année en technique de travail social n’a pas été capable. « Les filles en sont venues à bout. À deux, elles sont capables de désorganiser n’importe quel adulte. Bien elle avait 18 ans, mais…

Puis elle a démissionné. » (Parent 4).