• Aucun résultat trouvé

L’approche nationaliste prend le contre-pied de l’approche libérale en indiquant qu’elle repose essentiellement sur des avantages économiques. L’approche nationaliste est symptomatique de deux postulats262. Selon elle, l’économie internationale ne permet pas une répartition équitable des compétences, lesquelles vont au Nord et font cruellement défaut au Sud. Deuxièmement, les mouvements migratoires des compétences sont artificiels car induits par les politiques migratoires sélectives des pays d'accueil, dans un objectif direct de profit.263. Dans ce contexte, la migration internationale ne fait que vider les pays d’origine de tous les cadres qualifiés dont ils ont besoin pour le développement économique264. Donc, il semble que les adeptes du courant nationaliste pensent que les migrations internationales des cerveaux représentent un levier de sous-développement des pays du Sud à mesure que les économies se mondialisent.

262 A-M. GAILLARD et J. GAILLARD, préc., note 219. 263 Id.

264 W. ADAMS, The Brain Drain, préc., note 260, p.52. Voir aussi : Anne Marie GAILLARD et Jacques

GAILLARD, « Fuite des cerveaux, circulations des compétences et développement en Afrique : un défi global », Le Lancet, 2005, pp.1-29.

Ces postulats décrivent bien la situation de la grande majorité des pays africains et latino-américains où l’exode des cerveaux s’inscrit dans une perspective de détérioration complète des systèmes clés du développement, aussi longtemps que le départ des cerveaux n’est pas compensé par l’arrivée d’étrangers tout aussi formés.

Il n’existe pas de statistiques portant sur un flux de migrants qualifiés des pays du Nord vers ceux du Sud. Les déplacements du Nord vers le Sud se font dans un cadre diplomatique, religieux, humanitaire. Il n’existe pas non plus de principe de réciprocité pleinement appliqué dans les rapports commerciaux entre les diverses catégories de pays. D’un point de vue commercial, la question est timidement posée au niveau de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC).

En son article I, se pose le principe de la nation la plus favorisée (TNP)265 et l’article III parle du principe de traitement national (TN). Ce sont deux principes clés qui établissent les échanges entre les pays membres de l’OMC pour une meilleure répartition à travers un principe de réciprocité. Il en va différemment pour la question migratoire où le principe de réciprocité n’existe pas. C’est d’autant plus inquiétant pour les pays d’origine quand on sait que depuis les années 1970 la donne a changé. Si, initialement, l’économie reposait sur l’agriculture avec des besoins en main-d’œuvre non qualifiée, à partir des années 1970, le choix fut porté désormais sur des migrants dont les connaissances et les habiletés les rendaient aptes à entrer sur le marché du travail d’une économie mondiale de plus en plus axée sur des services grâce aux nouvelles technologies. L’autre facteur explicatif du changement des années 1970 tenait au fait que d’une part, il y avait une montée fulgurante du taux des étudiants étrangers du Sud qui partaient faire des études au Nord et qui ne retournaient pas chez eux à la fin de leurs études. Et, d’autre part, il y avait une demande persistante des pays d’immigration pour une main d’œuvre qualifiée. Les travailleurs peu

265 La clause de la nation la plus favorisée. Le TNF est un principe clé de l’OMC visant à faciliter le libre-

qualifiés et non qualifiés étaient de moins en moins en demande, alors que les travailleurs qualifiés étaient de plus en plus diversifiés et leur formation universitaire ou technique sanctionnée par un diplôme. Cette dernière catégorie devint la cible des entreprises étrangères et des institutions internationales. Elles créèrent des programmes de recrutement des travailleurs qualifiés, exerçant des pressions sur leur gouvernement pour une augmentation du nombre de ce type de travailleurs.

Les gouvernements, à leur tour, réaménagèrent leurs systèmes d’immigration dans le sens permissif, mais basé sur des critères objectifs. Ces réaménagements ont donné des résultats clairs car, depuis les années 1980, le nombre de migrants qualifiés a augmenté deux fois et demi plus vite que les migrants non qualifiés. Cette étude a été confirmée en 2005, date à laquelle il a été démontré une nette augmentation du nombre des migrants qualifiés de 50% entre 1990 et 2000266. Ainsi, nous en venons donc à penser que les migrations intellectuelles sont biaisées car les législations des pays du Nord sont incitatives pour les personnes qualifiées et dissuasives pour les autres267. Seuls les migrants qualifiés sont aptes à quitter leur pays d’origine puisqu’ils disposent des habiletés et des connaissances pour un meilleur fonctionnement du marché international. L’immigration non qualifiée, ayant été démontrée par certains auteurs comme néfaste pour les finances publiques, représente une charge pour l’État et ne peut pas aider à atteindre l’équilibre budgétaire, même à long terme268.

266 Frédéric DOCQUIER et Adeslam MARFOUK, « International migration by education attainment, 1990-

2000 », dansMaurice SCHIFF, International migration, Remittances and the Brain drain, Éditions de la Banque Mondiale, 2005, pp.151-200.

267 J. GAILLARD et J.B. MEYER, préc., note 165, p.335.

268 Kjetil STORESLETTEN, « Sustaining fiscal policy through immigration », (2000) 108-2, Journal of

Cette économie internationale, pilotée par quelques riches pays occidentaux, crée davantage de disproportion des compétences puisque les principes de liberté de circulation des facteurs de production et la liberté de mouvement pénalisent les pays d’origine mais favorisent les pays d’accueil. Les obstacles sont pratiquement levés en ce qui concerne la liberté de circulation des facteurs de production, mais demeurent pour la liberté de mouvement. De cette manière, on se rend compte que le droit à la mobilité est effectivement un droit, mais il se limite à la frontière du pays de celui qui désire le quitter puisque les droits souverains d’un État lui donnent le plein contrôle de ses frontières. L’État receveur demeure seul compétent pour accepter ou refuser quelqu’un sur son territoire. Un visa d’entrée est requis et il est octroyé suivant un certain nombre de critères. Une fois ces critères accomplis, le migrant est éligible pour le visa du pays d’accueil.

Il y a là une certaine instrumentalisation du droit au départ par les pays riches développés. Cette instrumentalisation est née dans un contexte de stratégies de développement économique et elle constitue un déséquilibre profond entre les pays d’origine et les pays d’accueil.

Documents relatifs