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Sous-section II : La justification du principe du développement durable dans la réalisation du droit au développement au niveau

des pays du Sud.

Nous nous basons sur le fait que parmi les différentes approches susceptibles de réorienter les rapports des pays du Nord et du Sud et de réduire les effets de la migration sur le Sud, l’approche du développement durable nous paraît fondée et originale. Fondée, en raison des arguments suivants :

D’abord, l’objectif principal du développement durable sert à intégrer l’homme au système qu’il habite. C’est d’ailleurs ce qui est prévu au premier principe de la conférence de Rio plaçant les êtres humains au centre des préoccupations relatives au développement durable.

Ensuite, le développement durable est vu comme un processus de changement parce qu’il tient compte du long terme et de la transversalité des politiques étatiques portant sur une coopération. Il se répand sur plusieurs sphères instigatrices de changement pour les pays du Sud en particulier le développement et la croissance économiques, l’équité sociale, l’élimination de la pauvreté.

L’élimination de la pauvreté est assurément un cas qui illustre le plus les possibilités, qu’au niveau international, il y ait des moyens de rééquilibrer les rapports Nord/Sud, tout en diminuant les effets de la migration des travailleurs qualifiés sur le droit au développement des pays du Sud. La conférence de Rio de 1992 et les engagements du millénium de 2000, reconfirmés en 2002 lors du Sommet de Johannesburg ont tous pour objectif majeur de lutter contre la pauvreté dans le monde. Cette pauvreté, au sens du

Rapport Brundtland590, peut aussi induire dans les pays du Sud une dégradation continuelle de l’environnement lorsque les pauvres, pour survivre, se mettent à surexploiter ce qui constitue la base de leurs ressources, à utiliser du charbon de bois. Beaucoup d’individus vont quitter leur pays parce que le niveau de déforestation les empêche d’avoir un environnement sain.

Prenons par exemple, la République d’Haïti591, où il y a une surexploitation qui est dûe notamment à une forte densité de la population592. Elle exerce une pression constante sur la dégradation environnementale du pays et décourage les gens à rester. Tous ces problèmes environnementaux pèsent lourd sur le droit au développement des pays du Sud en privant les individus de leur droit à un environnement sain.

La mise en œuvre de ces mesures de redressement de la situation pose en filigrane la question de l’utilisation des connaissances disponibles et un retour sur le savoir-faire que seuls les migrants qualifiés disposent. Ces mesures constituent également une perspective résolument économique puisque l’éradication de la pauvreté, avec la création de l’emploi et l’augmentation des revenus des plus pauvres, est supposée assurer une croissance soutenue grâce à l’augmentation de la demande nationale et aux incitations à investir. La plupart des économistes593 de l’environnement le conçoivent de cette façon

590 Rapport Brundtland, p.33. La pauvreté, en soi, est aussi une pollution qui, à sa façon, agresse

l’environnement. Les malheureux qui ont faim sont facilement amenés à détruire leur environnement immédiat pour survivre : ils abattent les forêts; leur bétail épuise les prairies; ils font un usage abusif des terres marginales; ils envahissent les villes déjà congestionnées. Du nom du Rapporteur de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, (CMED) de 1987, Gro Harlem BRUNDTLAND. Dans J-M. ARBOUR et al, préc., note 125, p.21.

591 PNUD, Rapport mondial sur le développement humain, 1999. En Haïti, le taux annuel de déforestation

était de 4,3% de 1980 à 1990 et de 1990 à 1995 de 3,5%. Tout cela à la suite la disparition de certaines espèces animales et végétales, la pollution de l’air et de l’eau.

592 Id., le taux de croissance démographique moyen annuel d’environ 2,1 devrait amener un doublement de

la population d’ici 33 ans. La densité moyenne est d’environ 364 habitants au Km², densité qui peut atteindre jusqu’à 40 000 au Km² dans certains bidonvilles de la zone métropolitaine de la Capitale du pays.

en estimant que les pays en développement ont beaucoup à gagner par la réalisation du développement durable.

L’approche du développement durable nous paraît également souhaitable et originale parce que la doctrine ne s’est pas encore penchée sur la possibilité de résoudre les problèmes de développement du Sud au moyen du rôle des travailleurs qualifiés et la responsabilité des États sur l’implantation du développement durable au Sud.

Habituellement la doctrine analyse la question du développement durable selon les paramètres environnementaux et économiques. Dans cette perspective l’environnement s’inscrit dans une démarche de conservation et de reconstitution du milieu physique dans le but d’assurer la pérennité du développement économique594. C’est ce qui a permis le développement de plusieurs axes de recherche. On peut évoquer par exemple l’axe de recherche qui porte sur les rapports entre le développement durable et l’entreprise, notamment sur la profitabilité et la responsabilité sociale de l’entreprise595.

Face aux nouveaux impératifs auxquels se confrontent les entreprises, les auteurs cherchent à savoir la nécessaire mutation et l’émergence des pratiques plus responsables des entreprises. Dans le domaine juridique les chercheurs s’intéressent aux formes, au contenu, et au cadre institutionnel de cette responsabilité sociale. D’autres auteurs s’intéressent plutôt aux recherches qui traitent les rapports entre le développement durable et les nouveaux mouvements sociaux économiques. Á cet égard, ils se penchent sur les transformations de la régulation à l’ère de la mondialisation au regard du développement durable. C’est du moins l’avis de la Professeure Corinne Gendron qui se demande si le paradigme sociétal industriel est en train de se déplacer vers un nouveau paradigme s’articulant autour du développement durable596.

594 Paul SIMARD et Djénéba DIARA, Discours sur l’environnement et stratégies de développement : points

de vue du Nord et du Sud, Québec (Canada), Université Laval, p.12.

595 Élisabeth LAVILLE, L’entreprise verte : Le développement durable change l’entreprise pour changer

le monde, Paris, Éditions Village Mondial, 2002, pp. 57-110.

La littérature sur le développement durable nous a permis aussi de voir un autre type de recherche portant sur les rapports du développement durable et du commerce équitable. Ainsi, Jean-Paul Vanhoove597 présente le commerce équitable comme un outil pour le développement durable. Selon lui, les politiques d’aide au développement ont un peu échoué, et cela donne lieu à la nécessité de travailler, au niveau international, avec les gens du Sud et non pour eux. Ces recherches vont dans le sens des travaux menés par la

Professeure Corinne Gendron puisqu’elle a eu à analyser le commerce équitable comme

application du développement durable598. Donc, le développement durable devient le centre d’études de diverses disciplines.

Pourtant, le rapport entre le développement durable et les migrations internationales des travailleurs qualifiés n’a jamais été documenté ni analysé de façon systématique par personne. Tout se passe comme si la migration des travailleurs qualifiés n’avait aucune incidence sur le développement des pays en voie de développement, alors que les institutions internationales telles que l’OCDE, l’ONU se sont déjà prononcées sur la recherche des solutions au problème que pose cette migration pour le développement du Sud.

C’est pourquoi, nous voulons, dans le but de freiner l’effet pervers de la migration des cerveaux sur le droit au développement des pays du Sud, suggérer l’utilisation du concept de développement durable, plus précisément dans une perspective de coopération internationale différente de celle qu’on avait connue jusqu’à présent. Cette coopération, pour être effective et efficace, devra porter sur les domaines relatifs à la santé, l’éducation, les infrastructures, le développement économique. Ce faisant, nous voulons aller au-delà de la protection de l’environnement, bien que pertinente, pour tenir compte des questions d’équité sociale et d’économie dans le but de combattre le déséquilibre existant entre le Nord et le Sud.

597 Patrick COULON et Sylvie MAYER, Croissance ? Décroissance? Durable? Solidaire ? Le

développement en débat! Paris, Éditions Syllepse, 2005, pp.135-138.

598 Voir : la description du projet de recherche (ESG UQAM), en ligne :

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