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DES SOURCES D’INSPIRATION POUR RECONNECTER LE CITADIN ET LA NATURE

MÉDIATION ARTISTIQUE DE L’ÉCOLOGIE RECONNECTER LE CITADIN AVEC LA NATURE

MOTS-CLÉS : MÉDIATION ARTISTIQUE – ART ÉCOLOGIQUE – ÉCOLOGIE ET

2. DES SOURCES D’INSPIRATION POUR RECONNECTER LE CITADIN ET LA NATURE

Pour essayer de reconnecter le citadin avec la nature urbaine, plusieurs propositions sont possibles, dans des champs disciplinaires variés.

Dans un premier temps, la botanique permet de découvrir et d’identifier cette nature urbaine. L’ethnobotanique cherche ensuite à comprendre les liens unissant l’Homme et la Nature.

Une nouvelle discipline, le paysagisme tisse de nouveaux rapports entre le citadin et cette nature urbaine, par la création de nouveaux concepts de parcs publics.

Enfin, des artistes travaillant directement avec les éléments de la Nature font évoluer la perception que nous en avons. L’art offre une expérience esthétique de la nature.

2.1 La botanique et l’ethnobotanique Paul Jovet (1896-1991)

Né à Paris, il exerce d’abord comme instituteur en milieu urbain, puis entre officiellement au Muséum National d’Histoire Naturelle en 1933. Il poursuit alors l’herborisation de la flore parisienne initiée par ses collègues, repérant autant la flore spontanée et ordinaire que les espèces introduites qui viennent agrandir la liste des végétaux parisiens.

Il a toujours accordé une grande place à cette « nature ordinaire » des lieux et milieux bouleversés,

J.-L. MARTINAND et É. TRIQUET, Actes JIES XXX, 2009

Parallèlement à cette herborisation, Paul Jovet installe sur son balcon une « cuvette suspendue » (photo A).

Installée sur un tabouret près de la balustrade depuis plus de vingt ans, ce modeste récipient est une terre d’accueil pour les graines volantes, un laboratoire pour suivre, au fil des jours et des saisons, un petit théâtre végétal : la vie qui lève, les relations qui s’instaurent entre les espèces, les effets de la sécheresse prolongée, le passage du

merle qui gratte la terre… [2] Photo 1 : Paul Jovet et la « cuvette suspendue »

Cette dernière expérience me semble très proche de certaines démarches artistiques contemporaines.

Bernadette Lizet

À la suite de Paul Jovet, Bernadette Lizet, ethnobotaniste au Muséum National d’Histoire Naturelle, cherche à connaître les liens qui unissent les plantes et les habitants.

Pour sa publication Les Théâtres végétaux en ville [3], elle met en place un parcours de 1 km autour du pont de Bercy (Paris) et repère systématiquement la flore rencontrée qu’elle soit spontanée ou cultivée. (photos B et C). Parallèlement, elle rencontre les habitants-jardiniers, cultivant sur un balcon, un bord de fenêtre ou une cour ; elle essaye ainsi de connaître l’histoire de la ville et de ses habitants à partir de sa flore : La flore en dit long sur l’histoire de la ville, ses habitants et leur manière d’habiter le quartier, les aménageurs et leur manière de concevoir l’urbain et l’urbanité [3].

J.-L. MARTINAND et É. TRIQUET, Actes JIES XXX, 2009

2.2 Le paysagisme Gilles Clément

Gilles Clément, paysagiste et jardinier français, développe plusieurs théories dans sa pratique, créant de nouveaux liens entre l’homme et la nature. Nous nous concentrerons ici, sur la notion de Tiers Paysage, notion explicitée dans le Manifeste du Tiers Paysage. [4]

Le Tiers Paysage désigne la somme des espaces où l’homme abandonne l’évolution du paysage à la seule nature. Il concerne les délaissés urbains ou ruraux, les espaces de transition, les friches, marais, landes, tourbières, mais aussi les bords de route, rives, talus de voies ferrées, etc. (…)

Comparé à l’ensemble des territoires soumis à la maîtrise et à l’exploitation de l’homme, le Tiers Paysage constitue l’espace privilégié d’accueil de la diversité biologique. Les villes, les exploitations agricoles et forestières, les sites voués à l’industrie, au tourisme, à l’activité humaine, l’espace de maîtrise et de décision sélectionne la diversité et parfois l’exclut totalement. Le nombre d’espèces recensées dans un champ, une culture ou une forêt gérée est faible en comparaison du nombre recensé dans un délaissé qui leur est attenant.

Considéré sous cet angle le Tiers Paysage apparaît comme le réservoir génétique de la planète, l’espace du futur … [5]

Gilles Clément applique cette théorie dans le parc Matisse de Lille. Après de nombreuses discussions, voire de conflits, avec les institutions, il a préservé l’île Derborence (3500 m2) au cœur du parc de 8 hectares. (photos D et E). Cette île, haute de plusieurs mètres, est inaccessible au public. Elle porte une forêt issue du brassage planétaire selon les capacités du biome boréal de

cette région du monde . [5]

Une seule fois par an, Gilles Clément et le jardinier du parc explorent l’île et étudient le comportement de sa flore pour en suivre son évolution naturelle.

J.-L. MARTINAND et É. TRIQUET, Actes JIES XXX, 2009

2.3 L’art écologique

À la suite du Land Art, l’Art écologique se construit autour des éléments de la nature, utilisés comme matière première des créations artistiques. Mais à la différence du Land Art, les éco-artistes s’engagent dans des problématiques environnementales. Par leur éthique écologique, leur prise de

position dans l’espace public et les liens étroits qu’ils entretiennent avec les scientifiques ou

gestionnaires, ces artistes cherchent à éveiller les consciences, voire à modifier le milieu de vie des hommes de façon durable (Margolin 2005).

L’art écologique s’inscrit dans une vision de l’art utile, d’un art au service d’une idéologie, ici l’écologie. [1]

Coloco

Né en 1999, le collectif Coloco rassemble deux architectes (P. Georgieff et N. Bonnenfant) et un paysagiste (M. Georgieff). Entre architecture, paysagisme, art et militantisme, le collectif s’inscrit

dans une démarche volontiers déconstructrice des normes, participative - au sens non galvaudé du terme et soucieuse de recyclage des espaces délaissés. [6]

En 2007, ils participent à l’exposition collective Nouvelles Vagues à la maison de l’architecture Rhône-Alpes.

Le collectif explore les friches lyonnaises, relevant et collectant les végétaux présents. Après recensement et détermination de cette flore urbaine, les plantes sont transportées dans le lieu d’exposition pour devenir les protagonistes de l’œuvre.

Ainsi, ces plantes souvent qualifiées de « mauvaises herbes » prennent tout à coup le statut d’œuvre d’art.

Herman de Vries

Cet artiste hollandais travaille directement avec les éléments de la Nature pour mettre en oeuvre la nature, partant du principe que la nature fait œuvre par elle-même.

Ce n’est pas l’idée de la nature mais la nature elle-même qui est au cœur de l’œuvre d’Herman de Vries. [7]

Outre des collectes de plantes ou de terre encadrées en exposition, Herman de Vries réalise des sanctuaires directement dans des espaces naturels. Ces constructions rondes protègent en leur sein une nature libre qui se développe sans aucun frein humain. (photo F)

Pour Herman de Vries, l’art dans la nature est superflu. Il est bien possible, selon lui, de créer des conditions pour que la nature existe pour elle-même, et se développe conformément aux conditions toujours spéciales d’une situation spécifique mais sans intervention humaine aucune. (…) [Les

J.-L. MARTINAND et É. TRIQUET, Actes JIES XXX, 2009

sanctuaires] créent des conditions qui protègent la nature contre l’intervention humaine, afin que le processus suive son cours. [7]

Photo F : Sanctuaire

Ces sanctuaires font écho à la théorie du Tiers Paysage développé par Gilles Clément précédemment.