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CHAPITRE II : RECENSION DES ÉCRITS SUR LE CHOIX SCOLAIRE

2.3 Les différentes sources de « capital »

La première étude utilisée dans cette section est celle de Reinoso (2008) qui porte sur le choix scolaire des parents de la classe moyenne espagnole. Il veut montrer comment le choix scolaire est un moment de grandes tensions et d’incertitudes dans la plupart des familles de la classe moyenne et comment ces dernières usent de stratégies impliquant à la fois le capital économique, social et culturel. Il mentionne que l’utilisation de différentes stratégies implique un échange entre différentes formes du capital. L’utilisation de ses échanges renforce indirectement le processus de création des identités de classes sociales et contribue à l’apparition de nouvelles stratégies de reproduction sociale. Le capital est une ressource que les parents peuvent et doivent mobiliser pour faire leur choix. Le choix d’une école privée se présente comme une stratégie familiale de contrôle des relations sociales de l’enfant, et de sélection d’un projet éducatif en accord avec le projet

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scolaire de la famille. Lorsque la famille choisit une école, que ça soit pour son prestige social, les pairs ou le bonheur de l’enfant, elle devient une actrice sociopolitique clé pour comprendre comment le marché éducatif fonctionne. Les parents se trouvent ainsi à être coproducteurs d’éducation avec l’école, puisqu’ils sont appelés comme l’école à développer un projet éducatif pour leur enfant. Enfin, comme il est possible de le voir, c’est à partir de cette prise de conscience que les parents de la classe moyenne, entre autres, en viennent à favoriser le maintien de leur statut social et la reproduction des classes sociales.

L’étude de Yoon et Gulson (2010) approfondit ces aspects en examinant le choix scolaire à Vancouver (Canada), une ville avec une population d’origine ethnique très variée, et où plusieurs langues différentes sont parlées. Dans un contexte pareil, les auteurs mentionnent que la différenciation linguistique prend une signification importante pour les parents. Les écoles offrant un programme d’immersion en français sont utilisées par les parents pour éviter les écoles où l’on retrouve les populations immigrantes maîtrisant moins la langue anglaise. Puisque la maîtrise de la langue est un critère de sélection important pour intégrer les écoles avec programme d’immersion, on y retrouve donc peu d’immigrants puisque l’anglais est majoritairement leur deuxième langue. Comme le dit Yoon et Gulson : « to educate children in French rather than in another language reveals linguistic and ethnic divisions, and hierarchy rather than plurality ; it indicates the social status and the acquisition of symbolic capital associated with a certain language in a multiethnic society » (Yoon et Gulson, 2010, p. 713-714). Puisque les parents connaissent la valeur sociale et économique du bilinguisme au Canada, ils sont en mesure de tirer profit de cette information pour le choix scolaire. Ainsi, le choix des écoles offrant des programmes d’immersion en français ou ayant des standards élevés de sélection concernant la maîtrise de la langue anglaise est prisé entre autres parce que ces programmes contribuent à la production et aux reproductions d’inégalités sociales et ethniques dans une ville comme Vancouver.

L’étude de Bulman (2004) ajoute qu’en plus d’avoir des ressources financières, culturelles et sociales, il est important d’avoir accès à l’information pour faire le choix d’un établissement scolaire. Dans sa recherche auprès de 88 parents ayant un enfant en 9e année dans une école

publique, privée, catholique ou chrétienne des États-Unis, il souligne que le fait de posséder ces ressources n’implique pas nécessairement qu’elles seront utilisées sur le quasi-marché scolaire (Bulman, 2004). L’auteur précise qu’on devrait plutôt voir la culture comme étant l’élément à partir duquel les familles saisissent la signification de l’éducation. Le capital économique et culturel

facilite certes le choix scolaire des familles parce qu’ils peuvent l’investir dans le champ de l’éducation, mais c’est à partir des conceptions et des perceptions que ce font les parents que la décision d’investir ces ressources sera basée (Bulman, 2004). Ultimement, la recherche de Bulman montre trois choses. Même si les parents ont des visions différentes du rôle qu’ils doivent jouer dans l’éducation de leur enfant, tous s’entendent pour dire que l’éducation est importante. Après, les familles avec plus de capital financier et les attentes scolaires les plus élevées pour leur enfant sont celles qui sont les plus actives pour choisir une école. Enfin, l’auteur mentionne que les parents n’ont souvent qu’une connaissance superficielle de ce qu’est une bonne école et que les informations qu’ils possèdent sur les écoles sont souvent de l’ordre des rumeurs.

La dernière étude abordée dans cette section est celle de Barthon et Monfroy (2010), qui aborde le choix scolaire en mettant l’accent sur la dimension spatiale de ce choix. Tout dépendant l’espace social et urbain qu’elles occupent, les familles n’ont pas accès à la même offre d’école. Soulevant un débat théorique12 concernant le statut du capital spatial, les auteures s’appuient sur les travaux de

Lévy (1994) qui postule :

Control over their relationship with the urban space, including their capacity to strategically choose their residential neighbourhood and/or their mobility capacity, which allows them to benefit from a better school provision, may consequently be considered as a resource in its own right, turning the spatial dimension into a specific, autonomous capital compared with other types of capital, that is, a sort of spatial capital (Lévy, 1994 ; dans Barthon et Monfroy, 2010, p. 178).

Les résultats de recherche montrent que le capital spatial n’est pas indépendant des autres formes de capital. Toutefois, la dimension spatiale profite de deux façons aux familles qui sont déjà bien situées géographiquement dans la ville puisqu’ils habitent majoritairement dans les quartiers où les « meilleures » écoles sont situées et où l’offre d’écoles est abondante (Barthon et Monfroy, 2010). De la même façon, la dimension spatiale peut être une limite pour les familles vivant plus en périphérie de la ville. Ce sera intéressant de voir si cela se traduit aussi dans notre échantillon de la région de la Capitale-Nationale.