• Aucun résultat trouvé

Choisir une école secondaire privée : une analyse sociale du choix de familles venant de la région de la Capitale-Nationale

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Choisir une école secondaire privée : une analyse sociale du choix de familles venant de la région de la Capitale-Nationale"

Copied!
128
0
0

Texte intégral

(1)

Choisir une école secondaire privée :

Une analyse sociale du choix de familles venant de la région

de la Capitale-Nationale

Mémoire

René-Pierre Turmel

MAÎTRISE EN ADMINISTRATION ET ÉVALUATION EN ÉDUCATION

MAÎTRE ÈS ARTS (M.A.)

Québec, Canada

(2)
(3)

RÉSUMÉ

Inscrit dans ce qu’on pourrait appeler la montée du consumérisme scolaire au Québec, ce projet de recherche s’intéresse à comment les parents de la région de la Capitale-Nationale font le choix d’une école secondaire privée pour leur enfant. Cette région est caractérisée comme un « quasi-marché » scolaire en raison de la concurrence entre les écoles publiques et privées, mais aussi en raison du comportement des parents désireux de trouver l’école qui convient le mieux à leur enfant. C’est avec comme objectifs de comprendre les intentions des parents qui font le choix d’une école secondaire privée et de cerner les composantes du processus du choix scolaire que nous avons interviewé 14 familles de la région de la Capitale-Nationale. À partir d’un modèle d’analyse développé par Agnès van Zanten (2009), nous avons identifié trois types de processus empruntés par les parents pour choisir un établissement d’enseignement privé : les familles convaincues, averties et anxieuses.

(4)
(5)

Table des matières

RÉSUMÉ ... iii

LISTE DES TABLEAUX ... ix

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1 : L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE PRIVÉ AU QUÉBEC ... 7

1.1 Du Régime français à la Commission Parent (1608 à 1960) ... 7

1.2 Du Rapport Parent aux États généraux sur l’éducation (1961 à 1996) ... 10

1.2.1 La période de la mise en place (1961 à 1970) ... 10

1.2.2 La période des interrogations (1971 à 1980) ... 12

1.2.3 La période de la consolidation (1981-1996) ... 15

1.3 Du Renouveau pédagogique à aujourd’hui (1997 à 2011) ... 17

CHAPITRE II : RECENSION DES ÉCRITS SUR LE CHOIX SCOLAIRE ... 25

2.1 Les visées individuelles des parents ... 26

2.2 Les médiations au choix scolaire ... 31

2.3 Les différentes sources de « capital » ... 35

2.4 Problématique spécifique et objectifs de recherche ... 37

CHAPITRE III : CADRE D’ANALYSE ... 41

3.1 Des visées individuelles ... 43

3.2 Des idéaux collectifs ... 44

3.3 De bonnes raisons ... 45

3.4 Des ressources plurielles ... 46

3.5 La négociation familiale ... 47

3.6 Les réseaux sociaux ... 50

3.7 L’offre éducative ... 52

3.8 La régulation politique ... 53

Conclusion ... 54

CHAPITRE IV : CADRE MÉTHODOLOGIQUE ... 57

4.1 Une approche qualitative... 57

4.2 Technique utilisée ... 57

4.3 Déroulement de l’enquête ... 58

4.3.1 Le guide d’entretien ... 58

4.3.2 Le recrutement ... 59

(6)

vi 4.3.4 La transcription ... 61 4.3.5 La codification ... 61 4.4 La méthode d’analyse ... 62 Conclusion ... 64 CHAPITRE V : RÉSULTATS ... 65

5.1 Les familles convaincues ... 66

5.1.1 Des visées individuelles ... 69

5.1.2 Des idéaux collectifs ... 70

5.1.3 Croyance dans un effet d’établissement ou non ... 71

5.1.4 Des ressources plurielles ... 72

5.1.5 La négociation familiale ... 73

5.1.6 Les réseaux sociaux ... 75

5.1.7 L’offre éducative ... 75

5.1.8 La régulation politique ... 76

5.2 Les familles averties ... 77

5.2.1 Des visées individuelles ... 80

5.2.2 Des idéaux collectifs ... 81

5.2.3 Croyance dans un effet d’établissement ou non ... 82

5.2.4 Des ressources plurielles ... 82

5.2.5 La négociation familiale ... 83

5.2.6 Les réseaux sociaux ... 85

5.2.7 L’offre éducative ... 85

5.2.8 La régulation politique ... 86

5.3 Les familles anxieuses ... 86

5.3.1 Des visées individuelles ... 89

5.3.2 Des idéaux collectifs ... 90

5.3.3 Croyance dans un effet d’établissement ou non ... 91

5.3.4 Des ressources plurielles ... 91

5.3.5 La négociation familiale ... 92

5.3.6 Les réseaux sociaux ... 93

5.3.7 L’offre éducative ... 94

5.3.8 La régulation politique ... 94

(7)

CHAPITRE VI : DISCUSSION DES RÉSULTATS ... 97 6.1 Premier objectif ... 98 6.2 Deuxième objectif ... 98 6.3 Troisième objectif ... 102 CONCLUSION ... 105 Bibliographie ... 109

Annexe A : Tableau synthèse des dimensions et indicateurs retenus pour l’analyse des données des entretiens ... 115

Annexe A (suite) : Tableau synthèse des dimensions et indicateurs retenus pour l’analyse des données des entretiens ... 116

(8)
(9)

LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Principaux traits distinctifs des quatre types de famille dans le modèle de van Zanten (2009)

Tableau 2. Fiche synthèse à la suite de la codification des données Tableau 3. Principaux traits distinctifs des familles convaincues Taleau 4 : Principaux traits distinctifs des familles averties Tableau 5 : Principaux traits distinctifs des familles anxieuses

(10)
(11)

INTRODUCTION

Dans un contexte de concurrence non seulement entre les établissements d’enseignement publics et privés, pour attirer et conserver leur population étudiante, mais aussi entre les familles, pour trouver la meilleure école pour leur enfant, il apparaît pertinent de se pencher sur la question du choix scolaire. Au Québec, la montée du consumérisme scolaire et de la logique marchande en éducation se constate, entre autres, par l’augmentation des effectifs scolaires tant dans le réseau privé que dans les projets pédagogiques particuliers du secteur public (Davies et Guppy, 2010). Dans certaines régions urbaines du Québec, près de 30 % des élèves fréquentent un établissement secondaire privé (Conseil supérieur de l’éducation, 2007). Malgré la concurrence de plus en plus intense entre les écoles secondaires avec la multiplication des projets pédagogiques particuliers et la mise au point de pratiques de sélection des élèves, la demande des parents à l’égard de la scolarisation de leur enfant se maintient (Conseil supérieur de l’éducation, 2007). Ce contexte de concurrence fait référence à ce qu’on pourrait appeler la montée du consumérisme scolaire au Québec. L’utilisation du terme « consumérisme » fait référence à la transformation des usagers de l’école en consommateurs. Je me base ici sur la définition que donne Monique Hirschhorn (2001). Elle définit le consommateur comme une personne qui se procure les biens ou les services qu’elle désire sur un marché, et le consumérisme comme étant le comportement des consommateurs avertis qui recherchent ce qui leur convient le mieux, tant du point de vue du coût que de la qualité, et développent à cette fin des stratégies pour atteindre leur but.

Au Québec, cette montée du consumérisme scolaire se fait dans un contexte de décentralisation des pouvoirs vers le local, c’est-à-dire les établissements scolaires. Ce courant de décentralisation des pouvoirs s’inscrit dans les principes de la nouvelle gestion publique, qui se caractérise notamment par une approche client où l’action des acteurs est basée sur les besoins et les attentes de la population et jugée sur la base de la performance, de l’efficacité et de la réduction des coûts. Ainsi, on a vu apparaître des projets éducatifs adoptés par les conseils d’établissement dans les écoles publiques (Conseil supérieur de l’éducation, 2010). À l’époque, l’institution des conseils d’établissements avait pour objectif de solliciter la participation des parents et des acteurs locaux afin qu’ils deviennent des partenaires réels, avec le personnel scolaire, de la gestion des établissements. En sollicitant la participation de la population à la démocratie scolaire, on voulait freiner la diminution des effectifs scolaires du secteur public vers le privé. Cette situation s’était accentuée à la fin des années 1980 pour se poursuivre dans les décennies suivantes. Cette autonomie des établissements soutient donc deux logiques opposées, soit celle de la marchandisation de l’école

(12)

2

et celle de l’école communautaire via la démocratie participative des parents aux conseils d’établissements. Avec la crise de la démocratie scolaire (faible participation aux élections scolaires notamment), on remarque que les parents s’investissent de moins en moins dans la politique scolaire, mais de plus en plus dans la recherche et le choix d’un établissement d’enseignement pour leur enfant (Marceau et Bernier, 2004). Dans la société contemporaine, l’institution clé est l’école, et le diplôme constitue l’étalon par excellence de mesure entre les individus. Avec l’emprise du diplôme, les individus, plus que jamais, doivent chercher à se démarquer et les choix des parents face à l’école privée peuvent être compris dans cette mouvance (Dubet, Duru-Bellat et Vérétout, 2010). Pour ce faire, le choix scolaire est particulièrement important à comprendre parce qu’il se présente comme le premier aspect d’un usage rationnel de l’école par les parents (Dubet et Martuccelli, 1996).

L’école québécoise penche de plus en plus vers la pression consumériste où l’offre de formation est adaptée aux tendances du marché et à la demande des parents. Dans cette perspective, l’image commerciale de l’école l’emporte sur les visées éducatives. La concurrence entre les écoles fait en sorte que le réseau public est aspiré dans une logique de marché. Depuis de nombreuses années, l’école publique offre des projets pédagogiques particuliers qui ont pour caractéristique de sélectionner ou de classer les élèves à l’entrée, entre autres en fonction de leur performance scolaire (Tondreau et Robert, 2011). Parmi ces projets pédagogiques particuliers, on retrouve les programmes d’études internationales (PEI), les programmes sport-études ou arts-études reconnus et ceux de concentration, tout comme un ensemble d’autres projets pédagogiques particuliers comme ceux en informatique, en langues ou en sciences (Conseil supérieur de l’éducation, 2007). En 2004-2005, plus de 20 % de l’effectif étudiant du secondaire s’insérait dans un projet pédagogique particulier dont l’accès était limité en fonction de la performance scolaire (Conseil supérieur de l’éducation, 2007). Il est fort à parier que cette proportion a augmenté aujourd’hui étant donnée la popularité que connaît ce genre de programme au Québec. À cette fin, l’adoption du projet de Loi 73 encourage, d’une certaine manière, la prolifération de projets pédagogiques particuliers sélectifs puisque le gouvernement délègue aux commissions scolaires et aux écoles privées le pouvoir de déroger de la liste de matières prévues au régime pédagogique pour favoriser l’implantation de projets particuliers (Tondreau et Robert, 2011).

L’impact de ces projets pédagogiques particuliers, combiné à l’attrait des parents pour l’école privée, a certainement contribué au renouveau de plusieurs écoles, à la diversification de l’offre

(13)

scolaire et à une plus grande attention aux attentes des parents (Brassard, Lessard et Lusignan, 2004). Cependant, la mise en concurrence des écoles, tant publiques que privées, fait en sorte qu’elles tendent à devenir sélectives. Comme le soulignent Brassard, Lessard et Lusignan (2004) : « par des campagnes de marketing coûteuses [ces écoles] investissent dans la recherche des ―bons élèves‖ (doués, disposés à apprendre et aux comportements acceptables) » (p. 445). Cette sélection n’est pas nouvelle puisque la problématique de la sélection et de ses effets néfastes sur la réussite des élèves avait été discutée dans le cadre des États généraux sur l’éducation de 1996. Si l’école québécoise a pour mission de socialiser les élèves et que l’intégration des élèves à risque en classe ordinaire était au cœur des enjeux du Renouveau pédagogique, la pression consumériste, avec la recherche de l’efficacité scolaire et la concurrence des établissements, remet tout en question.

Le choix d’un établissement scolaire pour les enfants, notamment au secondaire, est un enjeu important pour la société puisqu’il remet en question le principe de l’égalité des chances et compromet l’atteinte de l’équité en éducation (Lapointe, 2006). Au Québec, les missions des secteurs public et privé de l’enseignement sont identiques, à savoir instruire, qualifier et socialiser. Cependant, le secteur privé n’a pas les mêmes obligations et contraintes que le secteur public. Alors que le secteur public doit assurer à tous les élèves l’accès à une formation de qualité favorisant la réussite scolaire et éducative, le secteur privé peut sélectionner ou classer les élèves les plus performants sur le plan scolaire. Avec l’arrivée des programmes à projet particuliers, l’école publique fait désormais de la sélection pour accéder à ces projets. En procédant ainsi, le système éducatif québécois engendre une ségrégation sociale et institutionnelle. D’un côté, on retrouve un réseau privé et, de l’autre, un réseau public, qui s’est lui-même stratifié et organisé en classes et qui engendre de la ségrégation en son sein. Il y a donc deux réseaux publics. Le réseau public à programmes particuliers (sciences, sports, arts, musique, etc.) est constitué en classes relativement homogènes plus performantes et parfois sélectives où les élèves sont plutôt doués et favorisés socialement et économiquement. Le réseau public « régulier » est lui aussi constitué en classes, mais ces dernières sont beaucoup moins homogènes parce que tous y ont droit également. Ce dernier est devenu, avec le temps, un réseau de relégation public qui a pour responsabilité de lutter contre l’exclusion sociale et favoriser la réussite scolaire et éducative de tous ses élèves (Van Haecht, 1998 dans Levasseur, 2006).

Dans le contexte de la baisse démographique et de l’entrée du secteur public dans la concurrence scolaire, l’école privée peut aussi se voir contrainte de recruter le plus grand nombre d’inscriptions

(14)

4

en abaissant ses critères d’admissions. Cependant, l’école privée jouit d’une bonne visibilité au Québec et elle est surtout perçue comme l’école de l’excellence à travers différents indicateurs de performance comme les palmarès scolaire, les taux de réussite ou de décrochage, etc. Ainsi, l’école publique québécoise, qui était en perte de vitesse vis-à-vis l’école privée, est entrée dans la concurrence via son offre de projets pédagogiques particuliers. Ces derniers ne font pas l’objet de cette recherche, mais ils servent à illustrer cette logique de compétition entre les écoles et l’émergence d’un quasi-marché éducatif1 au Québec. L’école québécoise est toujours un bien

public, mais il est de plus en plus considéré par les parents et les administrateurs publics comme un bien privé soumis à une logique de concurrence pour se maintenir et prospérer. En 2004-2005, la commission scolaire de Montréal (CSDM) faisait état que, au secondaire, plus de 40 % des élèves scolarisés étaient dans un autre établissement que celui de leur territoire-école (CSDM, 2005 dans McAndrew 2010). Il est fort à parier que cette tendance s’est accentuée depuis quelques années. Pour illustrer notre propos, nous n’avons qu’à prendre l’exemple du langage parfois mercantile des établissements d’enseignement secondaire, qui cherchent à offrir des produits éducatifs en étroite correspondance avec la demande parentale. Il importe de souligner que le choix scolaire des parents repose sur des critères subjectifs de l’ordre des perceptions quant à la réputation de l’école, son classement dans les palmarès, la qualité de l’enseignement, etc. (Conseil supérieur de l’éducation, 2007). À cela, il faut ajouter les capacités financières des parents puisque l’aspect financier peut jouer pour beaucoup dans le choix d’un établissement scolaire (Conseil supérieur de l’éducation, 2007).

Cette recherche vise à explorer cette problématique en se penchant sur l’importance des visées individuelles des familles et les médiations sociales relatives aux choix scolaires afin de bien comprendre le processus de choix des familles. La question de recherche est la suivante : Comment

les parents de la région de la Capitale-Nationale font le choix d’une école secondaire privée pour leur enfant? C’est dans un objectif de porter attention au choix de l’école secondaire (seulement

privée dans cette recherche) que ce mémoire s’inscrit. Trois objectifs de recherche émanent de cette problématique et constituent les buts précis que la présente recherche désire atteindre :

1 Felouzis et Perroton (2007) expliquent que l’idée d’un marché scolaire conçu comme la rencontre entre une

offre et une demande ne fonctionne pas en éducation parce que l’offre scolaire est régulée par l’État. C’est pour cela qu’il vaut mieux parler de quasi-marché scolaire parce que le choix scolaire est laissé aux parents, mais l’État conserve le contrôle du curriculum d’enseignement, la formation des enseignants et l’approbation du financement des établissements.

(15)

 Comprendre les intentions (motifs) des parents de la région de la Capitale-Nationale qui font le choix d’une école secondaire privée.

 Mettre à l'épreuve le modèle du choix scolaire de van Zanten dans l'analyse du contexte québécois.

 Interpréter sociologiquement les choix scolaires des parents de la région de la Capitale-Nationale en fonction du contexte dans lequel ils prennent sens.

Pour arriver à répondre à ces objectifs, nous allons nous référer au modèle d’analyse d’Agnès van Zanten (2009) présenté dans son ouvrage Choisir son école : Stratégies familiales et médiations locales et où sont distingués et mis en interrelation les motifs du choix (section 3.1), les intérêts (section 3.2), les « théories » des parents quant au choix scolaire (section 3.3), leur capital culturel ou économique (section 3.4), la négociation familiale (section 3.5), l’influence des réseaux locaux (section 3.6), l’influence de l’offre éducative locale (section 3.7) et celle des régulations politiques locales et nationales (section 3.8). Avant, une mise en contexte de l’évolution historique de l’enseignement secondaire privé au Québec sera d’abord exposée afin de bien situer la place de l’école secondaire privée dans le système éducatif québécois (Chapitre I). Suivra la présentation de différentes recherches internationales et nationales sur le choix scolaire afin de voir comment ce choix est défini par les intellectuels (Chapitre II). Par la suite, le cadre d’analyse retenu pour cette recherche sera approché (Chapitre III). Les choix méthodologiques seront par la suite abordés et explicités, ainsi que le déroulement de la cueillette des données et la méthode d’analyse privilégiée, et l’analyse des résultats par profil sera ensuite exposée (Chapitre IV). Ceux-ci seront présentés en axant sur les dimensions (huit) du cadre d’analyse et les indicateurs (cinq) qui ont émergé de l’analyse des données (Chapitre V). Finalement, une discussion-conclusion conclura ce mémoire, permettant alors d’effectuer un retour sur les objectifs de recherche, les résultats, la théorie et la méthodologie (Chapitre VI).

(16)
(17)

CHAPITRE 1 : L’ENSEIGNEMENT SECONDAIRE PRIVÉ AU QUÉBEC

Ce premier chapitre, plus historique, vise à situer la place de l’école secondaire privée dans le système éducatif québécois. Ceci est important pour comprendre pourquoi l’école privée occupe toujours une place importante au Québec. Cette mise en contexte est nécessaire puisque cela permet de poser clairement son évolution pour ensuite mieux cerner et comprendre ce qu’on pourrait appeler la montée du consumérisme scolaire au Québec. Le chapitre a pour objectif de montrer l’évolution du système éducatif québécois sous trois grandes périodes : la première, du Régime français à la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec, présidée par Mgr Alphonse-Marie Parent (1608 à 1961); la seconde, du rapport de cette commission royale

d’enquête, mieux connu sous le nom de Rapport Parent,2 aux États généraux sur l’éducation (1961 à

1996); et enfin la troisième, du Renouveau pédagogique à aujourd’hui (1997 à 2013). Une attention particulière sera portée à l’évolution de l’enseignement privé puisque c’est principalement ce secteur d’enseignement qui est concerné par la présente étude. L’objectif de cette mise en contexte n’est pas de présenter l’histoire détaillée et exhaustive de l’évolution du système éducatif québécois, mais plutôt de souligner la montée de ce qu’on pourrait appeler le consumérisme scolaire durant la dernière période.

1.1 Du Régime français à la Commission Parent (1608 à 1960)

Pour être en mesure de comprendre le système éducatif québécois avant la Commission Parent, il importe de se rappeler que le Québec, avant la Révolution tranquille, était une société encore fortement influencée par le Régime français d’avant la Conquête. À l’image de la France d’alors, on ne saurait parler d’un plan global d’éducation pour qualifier la situation au Québec pendant le Régime français (Gingras, 1993). Le système d’enseignement est exclusivement privé et pris en charge par l’Église, avec une aide financière limitée de l’État. Il faut attendre quarante ans après la Conquête britannique de 1759 pour que soit promulguée la première loi scolaire canadienne3 et soit

implantée, en 1801, une structure d’éducation, c’est-à-dire l’Institution royale pour l’avancement des sciences. Cette loi est importante pour la compréhension de la dualité du système d’enseignement québécois comprenant un secteur d’enseignement privé parallèle au secteur public. À l’époque, l’Assemblée du Bas-Canada, composée aux deux tiers de Canadiens français, a réussi à faire modifier la loi scolaire canadienne afin que les écoles confessionnelles conservent leur

2Les noms courants donnés à la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec et à son

rapport étant la Commission Parent et le Rapport Parent, nous utiliserons ces termes dans la suite de ce mémoire.

(18)

Haut-8

indépendance de l’Institution royale et que le système d’enseignement privé, tel qu’on le connaissait dans l’ancienne Nouvelle-France, puisse se maintenir.

Il faut savoir qu’après l’échec de la rébellion de 1837-1838, les francophones du Bas-Canada se sont massivement tournés vers leurs chefs religieux pour contrer les visées assimilatrices britanniques (Monière, 1977; dans Robert et Tondreau, 1997). C’est pourquoi, sur le plan des structures scolaires, le Québec négocie encore, avant la Réforme Parent, avec un système d’enseignement « éclaté » composé d’un comité catholique et d’un comité protestant (Robert et Tondreau, 2011). Ceci est important parce que chaque groupe entend défendre ses prérogatives sur le système d’éducation (Robert et Tondreau, 1997). Alors que les Anglophones protestants développent un réseau autonome d’écoles publiques primaires et secondaires, les Francophones le confinent pratiquement au primaire, et ce, jusqu’au début des années 1960. Au secondaire, la presque totalité des écoles est privée. La situation ne changera guère après la Confédération de 1867 et le nombre de collèges classiques et de séminaires ne cessera d’augmenter (Gingras, 1993). Le modèle de la fédération canadienne facilitera aussi les choses à l’Église, la Loi constitutionnelle de 1867 reconnaissant aux gouvernements provinciaux un ensemble de pouvoirs, dont l’éducation primaire et secondaire qui, au Québec, sera sous la prérogative des Églises protestantes et catholiques (Proulx, 2009).

À cette époque, de grandes disparités existent entre l’enseignement secondaire public et privé. Alors que le premier débouche directement sur le monde du travail, le second mène à l’université, les collèges privés ayant pour fonction de former l’élite masculine. En effet, la sélection qui s’opère favorise surtout les garçons et quelques filles des classes moyennes et supérieures, aucun collège pour filles n’étant financé par l’État québécois avant la Réforme Parent (Lapointe et Leblond, 2004). Il y a aussi des disparités entre les francophones et les anglophones. Les taux de scolarisation des 15-19 ans dans les années 1950 étaient de seulement 30 % au Québec comparativement à 44 % en Ontario (Langlois et Lapointe, 2004). Selon Robert et Tondreau (2011), il est possible de caractériser la structure du système d’enseignement québécois d’avant la Réforme selon trois caractéristiques : un système confessionnel où coexistent deux réseaux autonomes, le réseau catholique et le réseau protestant, un grand nombre d’institutions privées, qui font concurrence aux institutions publiques, et un manque de coordination entre les différents éléments du système scolaire (Linteau et coll. 1989; dans Robert et Tondreau, 2011).

(19)

À la veille de la Commission royale d’enquête sur l’enseignement au Québec, dans les années 1950, on remarque que les principales inégalités sont liées à la richesse, au sexe et à la langue. En effet, ayant plus de difficulté à supporter les frais d’une scolarité prolongée, les jeunes issus des familles pauvres, tant en milieu urbain que rural, sont sous-représentées dans les collèges classiques qui ouvrent les portes de l’université (Robert et Tondreau, 2011). Les filles sont absentes des collèges classiques réservés aux hommes. Les premiers collèges catholiques pour filles n’ont vu le jour qu’en 1908 à Montréal et en 1925 à Québec (Langlois et Lapointe, 2004). On remarque aussi que les filles n’ont pas le même cheminement que les garçons. Les premières suivent davantage les filières des écoles ménagères, des instituts familiaux et des écoles normales, alors que les seconds se retrouvent au collège classique ou à l’université (Robert et Tondreau, 2011). Sur le plan de la langue, la situation des francophones après la Seconde Guerre mondiale est peu brillante. Seulement 2 % atteignent la 12e année comparativement à 7 % pour les anglophones dans les écoles

protestantes (Linteau et coll. 1989; dans Robert et Tondreau, 1997).

Dès le début du 19e siècle, plusieurs groupes sociaux militent pour améliorer l’accès à l’éducation secondaire et universitaire des Canadiennes et des Canadiens français. Ceci a mené notamment à la création de l’Université Laval en 1852 et aux premières écoles secondaires de type classique pour les filles cinquante ans plus tard (Lapointe, 1995). Entre 1953 et 1956, plusieurs mémoires (140 sur 240) déposés à la Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels4 portent sur les

faiblesses du système d’éducation (Langlois et Lapointe, 2004). C’est ainsi qu’en 1961, à la veille des travaux de la Commission Parent, il apparaît évident que les structures scolaires en place ne sont pas conçues pour répondre aux besoins de la population québécoise, qui a connu une période intense d’immigration, depuis 1941, une poussée démographique très forte, dans la période d’après-guerre (le baby-boom), et une demande accrue chez les parents pour une scolarité prolongée de leurs enfants (Robert et Tondreau, 2011). Cette dernière caractéristique est influencée par l’adoption, en 1943, de la Loi québécoise sur la fréquentation scolaire obligatoire jusqu’à 14 ans et l’augmentation du niveau de vie des familles, qui vivent plus en ville et qui occupent des emplois mieux rémunérés (Proulx, 2009). De plus, les importants développements industriels amorcés dans les années 1920 et qui ont pris leur pleine mesure dans la production effrénée de la guerre demandent une meilleure formation générale afin de maintenir les équipements et soutenir la productivité (Proulx, 2009).

4La Commission royale d’enquête sur les problèmes constitutionnels, présidée par le juge Thomas Tremblay et mise sur

pied par Maurice Duplessis, avait pour mandat d’analyser la place du gouvernement fédéral dans la province de Québec après la Seconde Guerre mondiale, période pendant laquelle les provinces avaient accepté de transférer une bonne partie

(20)

10

Pendant la période de 1945 à 1960, la population scolaire du Québec a presque doublé passant de 72 875 à 1 300 000 (Langlois et Lapointe, 2004). L’évolution de la société québécoise après la Seconde Guerre a entraîné une distance croissante entre les besoins exprimés par la population et l’offre d’éducation (Proulx, 2009). Seulement sur le plan des infrastructures, plus de 70 % des établissements d’enseignement n’ont qu’une seule classe, 60 % n’ont pas d’électricité et 40 % sont sans toilettes intérieures (Linteau et coll. 1989; dans Robert et Tondreau, 1997). Les programmes enseignés dans les écoles rurales ne sont pas les mêmes que ceux des écoles des villes. La qualité de l’éducation reçue est aussi différente selon l’école fréquentée. Donc, c’est dans ce contexte que l’idée d’une commission d’enquête sur l’éducation a pris forme, dans les années 1950. Il s’agissait alors d’un examen de l’enseignement secondaire classique ou de l’enseignement privé puisque le système d’enseignement au Québec était encore majoritairement privé. On déplorait l’absence d’une autorité politique unifiée sur l’éducation, l’éclatement et l’éparpillement des filières de formation, notamment au secondaire, et le sous-financement de tous les ordres d’enseignement (Rocher, 2004; dans Gosselin et Lessard, 2007). Comme le souligne le sociologue Guy Rocher, qui fut membre de la Commission Parent, le système d’éducation québécois, au moment de la commission Parent, n’était pas assez démocratique sur le plan de l’accès à l’éducation (Gosselin et Lessard, 2007). Il était mal adapté au monde du travail et aux nouvelles valeurs centrales de la société québécoise, soit la social-démocratie, l’État providence, la science et la rationalité. Ainsi comprise, la Commission Parent se présente donc comme l’aboutissement d’un long processus dans lequel la société québécoise a maintes fois souligné au gouvernement et au clergé son désir de transformer les structures sociales (Gould, 1999; dans Langlois et Lapointe, 2004).

1.2 Du Rapport Parent aux États généraux sur l’éducation (1961 à 1996)

Cette deuxième période historique peut être divisée en trois étapes distinctes5 : la période de la mise

en place de la Réforme Parent (1961-1970), la période des interrogations (1971-1980) et la période de la consolidation ou de la recherche de qualité (1981-1996)6.

1.2.1 La période de la mise en place (1961 à 1970)

Entreprise au nom de la justice sociale, de la démocratie et du développement économique, la réforme scolaire des années 1960 s’inscrit également dans un contexte d’action nationaliste visant à donner aux francophones du Québec les outils nécessaires afin qu’ils puissent prendre en main leur

5Adaptation des périodes historiques décrites par Micheline Després-Poirier (1999) dans Le système éducatif du Québec. 6 Les sous-sections sont tirées du chapitre 3 de Gingras (1993).

(21)

destin (Robert et Tondreau, 2011). Ceci est très important parce qu’au lieu de reproduire les clivages sociaux présents dans la société et en éducation, la réforme scolaire des années 1960 s’est plutôt présentée comme une réponse à une partie importante de la population qui souhaitait que le système d’éducation devienne un moyen de promotion sociale (Langlois et Lapointe, 2004).

Cette période est aussi caractérisée par la prise en charge de l’éducation, de la santé et des affaires sociales par l’État. C’est sous le gouvernement libéral de Jean Lesage, premier ministre de l’époque, qu’est adoptée la Grande Charte de l’éducation. Cette réforme reposait sur la reconnaissance du droit pour tous les enfants à un système d’éducation favorisant le plein épanouissement de leur personnalité, du droit des parents de choisir, selon leurs convictions, l’institution d’enseignement, et du droit des personnes ou groupes de personnes de créer leurs propres institutions d’enseignement et de bénéficier des moyens administratifs et financiers nécessaires (Després-Poirier, 1999).

Un élément marquant de cette réforme est l’adoption du projet de Loi 60 instituant le ministère de l'Éducation et le Conseil supérieur de l'éducation puisque c’est en préambule à cette même loi que seront inscrits les droits à l’existence et aux subventions de l’État pour les écoles privées. Comme le souligne Després-Poirier (1999), la coexistence d’un réseau d’établissements d’enseignement publics et privés financés par l’État est une réalité franco-catholique. L’existence et l’essor de l’enseignement privé au Québec dépendent de plusieurs facteurs, mais surtout de la présence de l’Église catholique. Au moment de faire adopter les lois créant le ministère de l’Éducation et le Conseil supérieur de l’éducation, l’État a dû entreprendre d’importantes négociations avec l’Église. Pour cette dernière, l’existence et le maintien du financement des établissements d’enseignement privés étaient très importants parce que c’était une façon, pour eux, de conserver un certain contrôle sur l’éducation, contrôle qu’elle conservera jusqu’à la fin des années 1960 puisque ce n’est qu’en 1968, avec la Loi-cadre 56 sur l’enseignement privé, qu’on remarque un effort de l’État pour intégrer les institutions privées au système d’éducation unifié et coordonné que le Québec est à édifier.

La Loi 56 fut très importante pour le maintien et l’essor de l’enseignement privé au Québec puisqu’elle a confirmé son statut juridique en déclarant d’intérêt public toute école privée qui répond aux critères indiqués dans la loi. Ainsi, une école reconnue pouvait bénéficier de l’aide financière de l’État nécessaire à la poursuite de ses fins. La Loi 56 stipule que lorsqu’un

(22)

12

établissement d’enseignement privé est jugé d’intérêt public, il peut recevoir une subvention égale à 60 % du coût moyen de l’enseignement au secteur public. Ceci est un gain important pour les partisans des écoles privées puisque l’octroi de subventions selon ce type de classification demeurera en vigueur jusqu’à l’adoption de la Loi 141 en 1992.

Les discours sociaux présents au Québec avant la mise en place de la Réforme Parent puisent leur inspiration dans les discours scientifiques qui traversent les pays industrialisés, et particulièrement les États-Unis, dont le courant de la sociologie fonctionnaliste (Robert et Tondreau, 2011). L’influence de la sociologie fonctionnaliste dans la mise en place de la réforme Parent se présente comme l’instrument par excellence pour maintenir le bon fonctionnement de la société. Selon ce courant, par sa fonction de socialisation aux valeurs de la société, l’école favorise l’intégration du plus grand nombre à un système de valeurs communes, et par sa fonction de sélection, elle assure que les plus motivés et les plus méritants pourront, grâce à leur éducation, assumer les tâches et responsabilités nécessaires au maintien et au développement de la société (Robert et Tondreau, 2011). Cette vision est en adéquation avec la volonté présente au tournant des années 1960 de démocratiser l’accès à l’éducation, et ce, tout en formant une élite francophone. En effet, au même moment, le Québec entre dans la Révolution tranquille, période charnière de son histoire. Un des grands objectifs de la Révolution tranquille était d’améliorer le statut socio-économique des francophones en favorisant une meilleure qualité de vie de ce groupe grâce à une scolarisation plus poussée (Robert et Tondreau, 2011). La création des polyvalentes au début des années 1960, des cégeps en 1967 et de l’Université du Québec à partir de 1968 est une réalisation importante vers l’atteinte des objectifs de la Réforme Parent, eux-mêmes enlignés avec la Révolution tranquille.

Enfin, s’il est possible de dresser un bilan positif de la Réforme scolaire des années 1960, les opinions demeurent partagées quant à ses résultats réels. Plusieurs critiques de la réforme, formulées durant les années 1970, portent sur le maintien des écoles privées, et c’est sur ce sujet que nous concentrons les prochaines sous-sections.

1.2.2 La période des interrogations (1971 à 1980)

C’est sous le couvert des inégalités sociales et d’un affrontement entre les secteurs d’enseignement public et privé que prend forme la période des interrogations des années 1970. Force est de constater que malgré les objectifs de la Réforme Parent, la démocratisation de l’éducation a entraîné une plus grande concurrence entre les classes sociales. Comme le souligne Dandurand (1990),

(23)

malgré la volonté de l’État de créer une école unifiée du primaire au collégial, on constate que cette dernière se restratifiait. En dépit du brouillage des pistes scolaires, les groupes sociaux les plus intéressés ou préoccupés par le maintien et l’amélioration de leur statut social ont retrouvé les voies scolaires leur permettant d’arriver à leurs fins, ces dernières étant notamment les programmes d’enseignement enrichis au secondaire, les profils d’enseignement général au collégial et l’opposition entre les écoles publiques et privées (Dandurand, 1990). Selon Dandurand, à la fin des années 1980, si les ouvriers ont toujours une seconde place dans le système d’éducation québécois, c’est surtout parce que les mesures de démocratisation appliquées à l’école n’ont pas entraîné de changement social et n’ont fait qu’approfondir les écarts de scolarisation entre les jeunes de différents milieux sociaux.

Selon Robert et Tondreau (2011), si les femmes, les francophones et les adultes ont tous gagné du terrain dans l’espace scolaire durant la période de la mise en place de la réforme, toutes les inégalités sociales n’ont cependant pas disparu. Quatre clivages sociaux présents dans l’école au début des années 1980 retiennent l’attention des critiques. Premièrement, il existe des écarts de réussite et de passage aux études postsecondaires entre les élèves des milieux dits favorisés et ceux des milieux dits défavorisés sur le plan de la richesse financière (Robert et Tondreau, 2011). Par exemple, à réussite égale, le passage au cégep diffère selon l’origine sociale. Si 80 % des étudiants d’origine sociale élevée ayant bien réussi sur le plan scolaire au secondaire passent au cégep, seulement 52,2 % des étudiants d’origine sociale plus modeste font de même (Robert et Tondreau, 2011). Deuxièmement, il y a toujours des clivages sociaux entre les garçons et les filles, car si les options choisies par les garçons mènent plus vers des emplois lucratifs et reconnus socialement, les filles se dirigent vers des emplois moins bien rémunérés et moins bien reconnus socialement (Robert et Tondreau, 2011). Troisièmement, il existe toujours des disparités dans le cheminement scolaire des francophones et des anglophones. Les francophones s’orientent davantage vers le cégep professionnel alors que leurs homologues anglophones se dirigent plus vers la formation générale menant à l’université (Robert et Tondreau, 2011). Enfin, tel que mentionné plus haut dans cette section, la montée du secteur privé par rapport au secteur public ne favorise pas la diminution des clivages sociaux, notamment à cause de la sélection scolaire et des frais de scolarité exigés des parents au privé. (Robert et Tondreau, 2011).

(24)

14

En ce qui a trait à l’enseignement privé au Québec, il est possible d’identifier au moins trois facteurs favorables à son existence et à son essor7. Premièrement, au Québec comme ailleurs,

l’école privée jouit d’une image publique très positive, contrairement aux écoles publiques (Gingras, 1993). Ceci s’explique entre autres par le fait qu’au début des années 1970, les polyvalentes, toutes publiques, connaissent une crise de confiance qui a favorisé l’école privée, réputée offrir un enseignement de meilleure qualité (Proulx, 2009). Deuxièmement, les parents consentent à payer des frais de scolarité et à contribuer à des fonds spéciaux pour assurer le développement des écoles privées. Troisièmement, un fort lobby protège l’enseignement privé, des associations et des mouvements se concertant pour le défendre et le promouvoir. Les écoles privées dédiées à des populations ethniques distinctes témoignent aussi de cette expansion à partir des années 1960, comme c’est le cas des écoles juives, grecques, arméniennes et musulmanes. Alors que le déclin démographique au Québec explique en partie la décroissance des effectifs scolaires du secteur public durant les années 1970 à 1995, les effectifs du secteur privé ne cessent d’augmenter. Ainsi, entre 1972-1973 et 1995-1996, le secondaire public passe de 663 000 à 520 900 élèves, alors que la clientèle de l’école privée connaît une hausse, passant de 56 900 à 75 700 élèves (Proulx, 2009).

Selon Guy Rocher, dont l’analyse est rapportée par Gosselin et Lessard (2007), la démocratisation de l’enseignement véhiculée par la réforme Parent s’est polarisée à partir des années 1960 et 1970 entre ce qu’il nomme l’utilitarisme et l’humanisme. Selon lui, la démocratisation de l’éducation est à la fois un fait et un projet parce qu’elle est inspirée de valeurs et de rêves d’égalité et de justice sociale, mais elle appartient à un présent où les composantes utilitaires de l’éducation, comme la préparation à la vie de citoyen, demeurent prédominantes (Gosselin et Lessard, 2007). Toujours selon Rocher, la prédominance de l’utilitaire sur l’humanisme dans le projet de réforme des années 1960 a fait en sorte que les classes populaires n’y ont toujours pas trouvé leur compte, ce qui sera encore plus frappant dans les décennies suivantes.

7 Ici, nous ne faisons pas de distinction entre les écoles privées subventionnées et non subventionnées.

Cependant, il faut savoir que pour exercer ses activités et être considéré d’intérêt public ou reconnu aux fins de subvention (à concurrence de 60 % du coût moyen de fréquentation d’un élève inscrit dans une école publique de même catégorie), l’établissement doit obtenir un permis du ou de la ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec (Gingras, 1993). Dans ce portrait historique et dans cette étude, nous ne faisons pas de distinctions quant aux établissements subventionnés ou non subventionnés puisque nous nous intéressons au choix scolaire de manière générale. Comme le dit Gingras (1993) : « La présence d’écoles catholiques, protestantes, juives ou musulmanes ou d’écoles françaises, anglaises, grecques ou arméniennes témoigne que les parents peuvent choisir pour leurs enfants une éducation conforme à leurs convictions » (p.67). Ces écoles font partie de l’offre éducative à laquelle les parents ont accès pour leur enfant quoiqu’elles soient moins présentes dans la région de la Capitale-Nationale, région qui nous intéresse plus particulièrement dans cette étude.

(25)

1.2.3 La période de la consolidation (1981-1996)

La période qui va de 1981 à 1996 est marquée, au Québec, par une accélération et une montée de la demande de scolarisation postsecondaire. L’émergence de la nouvelle classe entrepreneuriale francophone constitue le modèle social valorisé. La culture de l’entrepreneur privé, imprégné de libéralisme, tend à se développer au sein de la société québécoise au détriment des discours d’égalité et de social-démocratie. Pour comprendre ce changement de mentalité, il faut savoir que la crise économique des années 1980 a entraîné beaucoup de coupures dans les programmes sociaux et accentué l’écart entre les riches et les pauvres (Dandurand, 1990). La demande de plus en plus importante de travailleurs ayant des connaissances scientifiques et techniques poussées a fait en sorte que les notions de liberté individuelle, de concurrence, de marché et de productivité se sont installées dans le champ de l’éducation. Dans le cadre de ces changements, on souhaitait réaménager la société et le système d’éducation en fonction, d’une part, de la logique des marchés économiques afin de répondre aux critères de productivité et de concurrence entre les nations et, d’autre part, des critères d’excellence (Robert et Tondreau, 2011). L’école devient, à partir des années 1980, un instrument pour ceux qui sont à la recherche de distinction et d’ascension sociale (Robert et Tondreau, 2011).

Malgré le fait que les écarts entre les classes sociales se soient rétrécis depuis le début des années 1960, il y a toujours des inégalités sociales dans la sphère éducative à la veille des États généraux sur l’éducation (Robert et Tondreau, 2011). On réalise que la culture scolaire est de plus en plus imprégnée de libéralisme, notamment avec la mise en place, à la fin des années 1980, de programmes particuliers pour les enfants dits doués. Ce type de programme existait déjà dans le secteur privé où les écoles procédaient à une sélection. Toutefois, depuis la Réforme Parent, c’est la première fois qu’on déroge au programme d’enseignement unifié pour tous. L’émergence de ces programmes particuliers dans les écoles publiques indique un affaiblissement des idéaux d’égalité dans la société québécoise (Robert et Tondreau, 2011).

Pendant la période de la consolidation ou de la recherche de qualité en enseignement, près d’un étudiant québécois sur cinq fréquente une école secondaire privée (Dandurand, 1990). Signe de sa vitalité, l’enseignement privé est soutenu par des associations bien structurées, telles que le Mouvement pour l’enseignement privé (MEP), la Fédération des établissements d’enseignement privés (FEEP), ou l’Association des directrices et directeurs généraux des établissements scolaires de l’enseignement privé (ADIGESEP), qui travaillent, dans un esprit de concertation, à sa

(26)

16

croissance et à sa représentation (Gingras, 1993). Ces associations ont joué un rôle important dans l’adoption de la Loi sur l’enseignement privé (Loi 141) en 19928, loi qui n'a subi aucune

modification importante depuis son adoption. La portée de la Loi sur l’enseignement privé de 1992 est limitée, car outre qu’un établissement d’enseignement privé doit suivre les règles édictées par le Règlement sur le Régime pédagogique de l’éducation préscolaire et de l’enseignement primaire et secondaire, il demeure libre de choisir sa clientèle en fonction de ses propres critères. De plus, tout comme pour le secteur public, le ministre peut accorder aux écoles privées une dérogation au régime pédagogique pour la réalisation d’un projet particulier (Proulx, 2009).

À l’aube des années 1990, le défi de la démocratisation et de la justice demeure présent au Québec en ce qui concerne l’éducation (Robert et Tondreau, 2011). D’un côté, on retrouve une école publique, démocratique, accessible à tous et dont le principe premier demeure l’égalité des chances et, de l’autre côté, on retrouve, en parallèle, une école à la fois publique et privée qui, sous l’impulsion de la logique de la mondialisation des marchés et de la concurrence internationale, est pressée d’assurer la qualité et l’excellence de ceux qui sont déjà en situation privilégiée avec des programmes pour les élèves forts (Robert et Tondreau, 2011). C’est dans une volonté de réfléchir collectivement aux objectifs que devrait poursuivre le système d’éducation québécois que les États généraux de l’éducation sont mis sur pied, en 1995, par le Parti Québécois alors au pouvoir. Les États généraux de l’éducation sont l’aboutissement, mais aussi le prolongement, des réflexions et débats qui ont eu lieu depuis la réforme des années 1960. Toutefois, les espoirs des commissaires des États généraux de voir émerger un consensus important chez les différents participants ne se sont pas matérialisés (Robert et Tondreau, 2011), les discours et débats se concentrant plutôt sur la crise de l’école, vue comme incapable de s’adapter aux nouvelles réalités sociales en matière de qualité de l’éducation et de préparation au marché du travail. C’est à partir de ces réflexions qu’a été formulée la deuxième grande réforme qui peint présentement le paysage de l’éducation au Québec.

8 Les principales dispositions de cette loi sont les suivantes : 1) elle s’applique à tout établissement qui

dispense tout ou partie des services dispensés par les commissions scolaires et les cégeps; 2) elle établit clairement l’obligation de détenir un permis pour opérer un établissement d’enseignement privé; 3) elle précise que le ministre doit délivrer un permis à toute personne qui répond aux conditions prescrites; 4) elle précise les diverses obligations des établissements (régime pédagogique, rapport financier, etc.); 5) elle détermine deux subventions statutaires, le montant de base et la valeur locative, et elle habilite le ministre à subventionner certains programmes; et 6) elle énumère sept critères auxquels devront répondre les établissements pour se qualifier aux subventions (Després-Poirier, 1999).

(27)

1.3 Du Renouveau pédagogique à aujourd’hui (1997 à 2011)

La décision d’implanter le Renouveau pédagogique au Québec découle surtout de l’influence de lois comme l'Education Act (2002) en Grande-Bretagne, qui permet désormais aux écoles de se constituer en tant que compagnies et de mettre en marché des biens et des services. À cette loi sont sujettes les écoles dont au moins le deux tiers des élèves n’ont pas atteint, pendant trois années consécutives, la norme provinciale aux tests de l’Office de la qualité et de la responsabilité en éducation (OQRE), ou du No Child Left Behind aux États-Unis (Ball, 2007). Cette législation, proposée en 2001 par le gouvernement républicain de George W. Bush, avait pour objectif de donner plus de flexibilité et de contrôle local aux écoles, d’offrir davantage d’options aux parents quant au choix de l’école pour leur enfant, de mettre l’accent sur les méthodes d’enseignement éprouvées ailleurs et d’améliorer la performance des écoles en leur imposant de rendre des comptes aux autorités responsables de l’éducation, soit l’État, le district scolaire et leurs propres membres, c’est-à-dire les gestionnaires et les parents (U.S. Department of Education). Sans reprendre exactement les objectifs du No Child Left Behind, il est possible de voir, en examinant de plus près les fondements de la réforme de l’éducation au Québec en 2005, qu’il existe un certain consensus en Amérique du Nord et en Occident autour de la nécessité d’adapter l’école aux besoins des élèves, vus ici en tant que clients, et à la réalité économique mondiale du XXIe siècle.

Déjà à la fin des années 1980 et au début des années 1990, on assistait, au Québec, à de nombreux efforts pour dynamiser l’école secondaire publique commune avec l’instauration, entre autres, des programmes à cheminement particulier pour répondre aux besoins des élèves en difficulté d’apprentissage ou d’adaptation et aux élèves dits doués. L’attractivité des établissements d’enseignement privés et les taux de décrochage en croissance au secteur public signifiaient que l’école secondaire publique était en perte de vitesse sur le plan des effectifs scolaires. C’est donc pour mieux répondre aux besoins des différentes populations scolaires et concurrencer le secteur d’enseignement privé qu’on a décidé de diversifier l’offre pédagogique au secteur d’enseignement public au Québec (Bisaillon, 1996). La décentralisation du système d’éducation apparaissait alors comme la voie à privilégier pour permettre à chaque milieu de répondre à la diversité des besoins qui s’exprimaient au sein de l’école secondaire publique (Conseil supérieur de l’éducation, 2007). Il fallait ainsi donner plus de pouvoirs aux directions d’école, aux enseignants et aux parents. Il fallait déplacer le pouvoir vers les écoles en rapprochant le plus possible la prise de décision du lieu de l’action.

(28)

18

Toutefois, l’autonomie des écoles a un prix. Pour y arriver, on est passé, au secteur public, d’une logique totalement dominée par l’offre de formation à une logique principalement guidée par la demande (Conseil supérieur de l’éducation, 2007). C’est à ce moment qu’on a vu s’assouplir les règles relatives au libre-choix de l’école par les parents avec l’adoption des articles 49 et 23910 de la

Loi sur l’instruction publique de 1997. Alors que la Commission des États généraux sur l’éducation affirmait que le premier chantier prioritaire de l’éducation québécoise devait être de remettre l’école sur ses rails en matière d’égalité des chances (Berthelot, 2006). Le mouvement en faveur du libre choix de l’école fut accentué par la publication, depuis 1999, du palmarès des écoles secondaires par le magazine L’Actualité (Berthelot, 2006). C’est dans ce contexte général que se sont multipliés les programmes de cheminements particuliers de formation au secondaire public.

Au moment d’implanter le Renouveau pédagogique au secondaire, en 2005, le ministère de l’Éducation, du Loisir et des Sports (MELS) s’est penché sur la question des cheminements particuliers de formation parce que c’est une organisation qui amenait une différenciation des élèves en étant parallèle au secteur régulier et parce qu’elle ne favorisait pas nécessairement une intervention préventive auprès des élèves en difficultés d’adaptation ou d’apprentissage (Conseil supérieur de l’éducation, 2007). La réponse du MELS quant à ces ambiguïtés a été de dire que les cheminements particuliers de formation au secondaire « sont un modèle organisationnel qui ne va pas à l’encontre du renouveau pédagogique […] [Et] demeurent toujours une mesure qui peut être mis en place pour les élèves en difficulté ou en retard d’apprentissage afin de favoriser la réussite du plus grand nombre » (Conseil supérieur de l’éducation, 2007, p. 25). Il faut rappeler que les fondements de la réforme de l’éducation de 2005 visaient, entre autres, l’éducabilité de tous les enfants, la réussite du plus grand nombre, la décentralisation du pouvoir de décision et l’implication des parents, de la communauté et des partenaires de la réussite éducative (Conseil supérieur de

9L'élève, s'il est mineur, ses parents ont le droit de choisir, chaque année, parmi les écoles de la commission scolaire dont il relève et qui dispense les services auxquels il a droit, celle qui répond le mieux à leur préférence. L'exercice de ce droit est assujetti aux critères d'inscription établis en application de l'article 239, lorsque le nombre de demandes d'inscription dans une école excède la capacité d'accueil de l'école, ou, s'il s'agit d'une école à projet particulier ou à vocation régionale ou nationale, aux critères d'inscription établis en application de l'article 240 ou 468. L'exercice de ce droit ne permet pas d'exiger le transport lorsque le transport requis pour cet élève excède ce qui est prévu par la commission scolaire (Loi sur l’instruction publique, 2011).

10La commission scolaire inscrit annuellement les élèves dans les écoles conformément au choix des parents de l'élève ou de l'élève majeur. Toutefois, si le nombre de demandes d'inscription dans une école excède la capacité d'accueil de l'école, l'inscription se fait selon les critères déterminés par la commission scolaire après consultation du comité de parents. Les critères d'inscription doivent donner la priorité aux élèves qui relèvent de la compétence de la commission scolaire et, dans la mesure du possible, aux élèves dont le lieu de résidence est le plus rapproché des locaux de l'école. Ils doivent être adoptés et mis en vigueur au moins 15 jours avant le début de la période d'inscription des élèves; copie doit en être transmise dans le même délai à chaque conseil d'établissement. Les conditions ou critères d'admission à un projet particulier ne doivent pas servir de critères d'inscription des élèves dans une école; ils ne peuvent avoir pour effet d'exclure de l'école de son choix l'élève qui a le droit d'être inscrit dans cette école en application des critères visés au premier alinéa (Loi sur l’instruction publique, 2011).

(29)

l’éducation, 2007). En effet, la réforme s’inscrit dans le prolongement du Plan d’action sur la réussite éducative, qui a notamment pour objectifs de contrer le décrochage scolaire et de porter de 65 % à 80 % la proportion des jeunes de moins de 20 ans qui obtient un diplôme du secondaire (MEQ, 1992; dans Levasseur, 2006). Il s’agissait de niveler vers le haut la réussite des élèves et la performance des établissements d’enseignement primaire et secondaire. Toutefois, en essayant d’accommoder une plus grande variété d’usagers du système d’éducation public québécois, il s’est créé, en parallèle, des filières scolaires plus avantageuses, que les groupes sociaux les plus privilégiés ont su occuper. Malgré des décennies de démocratisation, ce sont toujours les jeunes venant des milieux les plus favorisés socioéconomiquement qui occupent les filières les plus avantageuses du système d’éducation (Berthelot, 2006).

À l’image des États-Unis avec le No Child Left Behind Act, le Renouveau pédagogique ne va pas à l’encontre de ses objectifs puisqu’il vise à conférer un diplôme à l’ensemble de la population étudiante du secondaire (Powell et coll. 1985). Pour contrer la fuite des usagers de l’école secondaire publique, les commissions scolaires et les écoles ont choisi de concurrencer les établissements privés en offrant des projets pédagogiques particuliers de plus en plus sélectifs afin de mieux retenir les élèves performants sur le plan scolaire et des programmes non sélectifs pour rendre l’école secondaire plus attrayante aux yeux des parents et des élèves (Conseil supérieur de l’éducation, 2007). Au moment où on a mis en place l’école inclusive, on a aussi modifié les structures de gestion des établissements primaires et secondaires en décentralisant les pouvoirs vers le local, c’est-à-dire les établissements scolaires. Ce courant de décentralisation des pouvoirs s’inscrit en partie dans les principes de la nouvelle gestion publique qui se caractérise notamment par une approche client où l’action des acteurs est basée sur les besoins et les attentes de la population, et jugée sur la base de la performance, de l’efficacité et de la réduction des coûts (Tondreau et Robert, 2011). En éducation, cette nouvelle manière de gérer fait en sorte que, depuis 2002, chaque commission scolaire doit établir un plan stratégique prenant en compte les orientations et objectifs établis par le Ministère de l’Éducation (Tondreau et Robert, 2011). Les écoles doivent elles aussi produire un plan de réussite contenant les moyens qui seront pris pour atteindre les objectifs en matière de réussite des élèves. Les projets éducatifs et les plans de réussite doivent être adoptés par le conseil d’établissement qui est composé d’un nombre équivalent de parents et de membres du personnel de l’école (Tondreau et Robert, 2011). L’institution des conseils d’établissements avait aussi pour objectif de solliciter la participation des parents et des acteurs locaux afin qu’ils deviennent des partenaires réels, avec le personnel scolaire, de la gestion des établissements (Levasseur, 2006). D’un idéal participatif, on remarque que la gouvernance

(30)

20

scolaire par les parents et les acteurs locaux a été réorientée, par le MELS, par des encadrements inspirés des pratiques néolibérales (Levasseur, 2006). Même si les parents peuvent maintenant exercer leur pouvoir via de nouvelles structures comme le conseil d’établissement, on remarque qu’ils l’exercent aussi autrement, via le choix de l’école.

Près de 15 ans après le début de la nouvelle réforme scolaire, on constate que l’offre de formation s’est diversifiée. Toutefois, cela a eu pour conséquence de créer ou d’accentuer une concurrence entre le secteur public et le secteur privé. La compétition qui se met graduellement en place au Québec fait en sorte que plusieurs jeunes et leurs parents adoptent des comportements scolaires stratégiques dès le niveau secondaire, voire le niveau primaire. De plus en plus de familles commencent à voir l’école comme une arène compétitive dans laquelle ils se doivent de lutter pour que leur enfant ait le plus d’avance sur les autres. L’éducation privée a traditionnellement été utilisée comme stratégie parentale de compétition. Tel que mentionné plus haut, au Québec, le secteur d’enseignement privé était la voie par excellence pour la reproduction de l’élite. En dépit de la mise en œuvre de la réforme en éducation, les effectifs scolaires du réseau d’enseignement privé n’ont pas cessé d’augmenter depuis 1997 (Conseil supérieur de l’éducation, 2007).

L’école unifiée pour tous, qu’on a pu connaître après la réforme des années 1960, s’est progressivement transformée pour devenir semblable à un centre commercial où chacun a la responsabilité de choisir et de s’impliquer dans le programme ou le curriculum de son choix (Powell et coll. 1985). Par ailleurs, ce n’est pas seulement l’école secondaire publique qui ressemble maintenant à un centre commercial. L’école secondaire privée, au Québec, répond elle aussi à la demande d’éducation parentale en ajoutant des programmes pour les jeunes de plus en plus tôt dans le parcours scolaire, soit au niveau primaire et préscolaire (Davies et Guppy, 2010). Ce qu’on remarque avec la mise en place du renouveau pédagogique et la montée du consumérisme scolaire, c’est que plusieurs élèves sont quelque peu laissés pour compte. Lorsqu’on regarde le taux de diplomation au secondaire avant 20 ans, on observe qu’il ne se situe qu’à 57,4 % pour les élèves issus de l’immigration comparativement à 69 % pour l’ensemble des élèves (McAndrew, 2006; dans Tondreau et Robert, 2011). Aux élèves issus de l’immigration, il faut ajouter la part importante que représentent les élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage et les élèves de milieux défavorisés, qui ont souvent de moins bonnes habiletés de langage et d’attention, deux facteurs qui augmentent considérablement les probabilités d’éprouver des difficultés scolaires et d’abandonner prématurément les études (Tondreau et Robert, 2011). Le danger de la diversification

(31)

de l’offre scolaire et de la forte mobilité permise par le choix de l’école, c’est la concentration, dans de mêmes établissements publics, d’élèves éprouvants des difficultés à la fois scolaires et comportementales (Levasseur, 2006). Malgré la présence d’orthopédagogues, de psychoéducateurs et de techniciens en éducation spécialisée dans la plupart des écoles où se retrouvent ces élèves, la ségrégation qui s’opère avec le choix scolaire joue comme un stigmate pour ces établissements (Levasseur, 2006).

Il suffit de rappeler les résultats des différents travaux sur les inégalités scolaires pour constater que la motivation pour l’école tend, en moyenne, à décroître avec le niveau social d’origine des enfants qui fréquentent ces écoles (Boudon, Cuin et Massot, 2000). À réussite scolaire semblable, on remarque, depuis le début des années 1960, que l’orientation vers les voies scolaires les plus intéressantes est influencée par l’origine sociale des parents. La situation sociale des familles fait en sorte qu’elles apprécient différemment les risques, les coûts et les avantages de l’investissement scolaire (Boudon, Cuin et Massot, 2000). Comme le soulignent les auteurs, l’extension du tronc commun a pour effet d’atténuer la valeur de la répétition de l’appréciation des coûts, avantages et risques en fonction de l’origine sociale, mais tout système scolaire doit, à un certain point, proposer des choix aux élèves. Dans une société où les diplômes ont une emprise relativement importante sur l’emploi, les salaires et, du même coup, les positions sociales, le choix scolaire devient d’autant plus important. Notons que l’emprise du diplôme est la variation de l’intensité des liens entre les inégalités des acquis scolaires et les inégalités sociales (Dubet, Duru-Bellat et Vérétout, 2010). Ceci s’explique par le fait que les acquis scolaires ont peu d’incidence sur le devenir professionnel des personnes dans certains pays et que, dans d’autres sociétés, ils sont déterminants (Dubet et coll. 2010). « Plus les diplômes sont « rentables », plus les élèves et les familles ont intérêt à durcir la compétition scolaire afin de s’assurer les avantages différentiels qui fondent l’utilité des diplômes » (Dubet et coll, 2010, p. 187). Dans un tel système scolaire, le poids des facteurs d’inégalités de réussite précoce, tels que la motivation pour l’école, le langage utilisé en famille, la culture et les valeurs véhiculées par l’école s’estompent au profit de capacités à s’orienter au sein d’un système de plus en plus diversifié (Duru-Bellat, 2002).

Comme le soutien Deniger (2003), dans le contexte scolaire québécois actuel, les inégalités sociales de départ, présentes dès l’entrée à l’école, se transforment rapidement en inégalités de rendement scolaire et de progression dans les filières de formation. Ces inégalités sociales sont liées à l’héritage culturel, tant sur le plan de la langue, de la culture extrascolaire, des dispositions et des

Figure

Tableau 1 :  Principaux  traits  distinctifs  des  quatre  types  de  famille  dans  le  modèle  de  van  Zanten (2009) 19
Tableau 2 : Fiche synthèse à la suite de la codification des données  Famille Guérin
Tableau 3 : Principaux traits distinctifs des familles convaincues  Convaincus
Tableau 5 : Principaux traits distinctifs des familles anxieuses  Anxieux

Références

Documents relatifs

L’école secondaire virtuelle Credenda est un projet d’apprentissage en ligne qui offre toute une gamme de cours aux élèves du nord de la Saskatchewan, qui avaient

Le fait de permettre aux parents de choisir l’école de leurs enfants entraîne plusieurs conséquences, dont les suivantes : • Les parents disposent de plus de choix quant au

Vous êtes des partenaires précieux dans la réussite de votre enfant et nous vous remercions pour votre collaboration et votre confiance.. Vous pourrez toujours compter sur

ÉCOLE SECONDAIRE ANTOINE BROSSARD ÉCOLE SECONDAIRE ANTOINE BROSSARD MAIL CHAMPLAIN.

St Julien Chapteuil

* VOUS DEVEZ AVOIR RÉUSSI LE COURS SCIENCE ET TECHNOLOGIE DE L’ENVIRONNEMENT (STE) OU LE COURS DE SCIENCE ET ENVIRONNEMENT (SE) POUR SUIVRE CE COURS... CHOIX DE

IMPORTANT: Si l’élève choisi ce profil, les deux périodes d’éducation physique sont incluses.. SCIENCES (4 PÉRIODES) Montant ajouté à la facture :

or les disparités entre collèges dues aux caractéristiques scolaires et sociales de leurs élèves se sont accusées durant les années quatre-vingt-dix (Trancart, 1998) ; de plus,